DELPHINE DE VIGAN
Août 2011
Editions Jean-Claude LATTES
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Un nouvel ouvrage de Delphine de Vigan, même s’il n’est pas sorti récemment, c’est toujours avec intérêt que je le découvre. D’autant qu’on m’a dit le plus grand bien de celui-ci.
« Rien ne s’oppose à la nuit » est un roman… autobiographique, tout de même. L’auteure y met en scène sa mère Lucile récemment disparue et la famille de celle-ci, une sortie de quête pour mieux la connaître et comprendre son attitude et notamment sa maladie.
Le roman expose donc en premier lieu la vie des grands-parents de l’auteure, la difficile adaptation de Lucile dans cette famille nombreuse où la mère ne montrait guère d’affection à ses aînés, le père grandiloquent (soutenu de façon inconditionnelle par son épouse) et quelque peu incestueux, la fratrie passablement livrée à elle-même. Et surtout, les drames, la mort par noyade d’un enfant, par suicide de plusieurs autres. « Un jour Lucile partirait, elle quitterait le bruit, l’agitation, le mouvement. Ce jour-là, elle serait une et une seule, distincte des autres, ne ferait plus partie d’un ensemble. Elle se demandait souvent à quoi ressemblerait le monde, ce jour-là, s’il serait plus violent, ou au contraire plus clément. »
Puis, l’écriture se focalise sur Lucile, la construction (et la déconstruction) de sa propre cellule familiale, avec ses filles, Manon et la narratrice.
C’est un ouvrage remarquablement écrit, avec les doutes de la narratrice sur ce qu’elle doit imprimer ou non, avec l’image qu’elle désire montrer de sa mère, mais c’est un livre très sombre, très dur, qui amène aux confins de la folie, qui annihile à tout jamais la vision d’une famille « normale », et m’a mis mal à l’aise plus d’une fois. « Ai-je le droit d’écrire que ma mère et ses frères et sœurs ont tous été, à un moment ou un autre de leur vie (ou toute leur vie), blessés, abîmés, en déséquilibre (…) et qu’ils ont porté leur enfance, leur histoire, leurs parents, leur famille comme une empreinte au fer rouge ? ». « Parfois je rêve que je reviens à la fiction, je me roule dedans, j’invente, j’élucubre, j’imagine, j’opte pour le plus romanesque, le moins vraisemblable, j’ajoute quelques péripéties, m’offre des digressions, je suis mes chemins de traverse, je m’affranchis du passé et de son impossible vérité. Parfois je rêve du livre que j’écrirai après, délivrée de celui-ci. »
Donc, je me suis forcée à le lire jusqu’au bout, sans doute aussi parce que je voulais savoir ce qui allait advenir de cette famille, des séquelles que les mères de cette famille, dont l’attitude était distante, ont pu laisser à leurs enfants. « J’écris Lucile avec mes yeux d’enfant grandie trop vite. J’écris ce mystère qu’elle a toujours été pour moi, à la fois si présente et si lointaine, elle qui, lorsque j’ai eu dix ans, ne m’a plus jamais prise dans ses bras. »
J’ai ainsi pu voir que Lucile se ressaisit, se prend en main et renoue une relation avec ses filles. J’ai été émue par les derniers moments de cette femme, à la fois faible et forte, c’est l’un des rares instants d’ailleurs qui m’ont réellement émue…
Je garde des sentiments très mitigés sur ce livre, je ne peux pas dire que je l’ai aimé… et ce qui m’a sans doute manqué, c’est de savoir quelle est la part de roman et la part de biographie dans la narration, cela a gêné mon engagement émotionnel vis-à-vis des personnages. Ou peut-être, leur vie était-elle tout simplement si dure que je n’ai pas souhaité m’impliquer totalement… et donc je ne peux pas dire non plus que je ne l’ai pas aimé… !