Annie BARROWS
2015
NIL Editions, 622 pages
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Layla Beck, fille d’un sénateur, habituée aux fastes du New Jersey, refuse d’épouser le parti choisi par son père et celui-ci lui coupe les vivres. Il l’oblige à travailler et la voilà donc contrainte de s’exiler à Macedonia, petite ville dont elle doit écrire l’histoire pour une agence gouvernementale.
Alors que Layla pense s’ennuyer à Macedonia, elle est hébergée dans la famille Romeyn, ancienne propriétaire de la manufacture de chaussettes, dont chaque membre semble avoir ses petits secrets : dans la fratrie, la tante Jottie, qui n’oublie pas son fiancé mort dans l’incendie de la manufacture des années auparavant, mais semble prête à refaire sa vie avec un autre jeune homme et se sent coupable ; les jumelles Minerva et Mae et leurs maris ; Emmet, le plus jeune frère militant et enfin Felix, dont les activités sont troubles, qui élève de loin en loin ses fillettes, dont Willa douze ans qui entame son adolescence et aspire à grandir très vite. Et puis surtout, Willa déteste Layla, car celle-ci lui vole le peu d’attention prodiguée par son père.
Layla va essayer de faire sa place tout en écrivant les mémoires de la ville, et donc d’une certaine façon, de la famille Romeyn.
Tantôt narration, tantôt échange épistolaire, tantôt relation par Willa, 12 ans, la fille de la famille, Le secret de la manufacture de chaussettes inusables fait entrer le lecteur dans cette petite ville dont chaque habitant connaît une anecdote, réelle ou imaginée. On souffre de la chaleur moite avec eux, on assiste aux discussions du soir sur la terrasse, on suit Willa qui cherche à mieux connaître son papa, on assiste aux entretiens de Layla pour l’écriture de son livre. Au fil du temps, les langues se délient, les caractères se révèlent, jusqu’à faire jaillir la vérité.
Il est difficile de déterminer qui est vraiment l’héroïne dans ce livre, j’aurais tendance à m’attacher à Willa, dont le récit est le plus important. Un livre sympathique, mais que j’ai trouvé un peu long.
Citation :
« La moustiquaire claqua derrière elles quand elles sortirent sur la terrasse, exhalant le dernier soupir las de la journée pour inspirer la première bouffée relaxante d’air nocturne. De part et d’autre d’Académy Street, les dîners touchaient à leur fin – cliquetis de cuillères dans les tasses à café, concert de grincements de chaises qu’on recule de la table. Les maisons qui bordaient la rue commençaient à se ressembler dans l’obscurité qui s’épaississait, leurs massives formes allongées découpées par des rectangles dorés à l’emplacement des fenêtres et des portes. Et à cette heure-là, elles se mirent toutes à déverser, sur les terrasses protégées par des moustiquaires, leurs habitants qui s’installèrent dans des divans en rotin ou d’antiques fauteuils à bascule. Des voix, hautes et basses, tournoyaient comme des chauves-souris au-dessus des vastes pelouses.
L’immuable rituel, songea Jottie, s’enfonçant dans son propre fauteuil usé. Elle regarda ses nièces exécuter leur cérémonial nocturne de choix des sièges. Elles s’imaginaient encore qu’il y en avait de plus confortables que d’autres. Elles croyaient qu’il était important de bien sélectionner, de discerner leurs particularités. Comme des corbeaux, elles amassaient des miettes, çà et là, chaque soir, et les rapportaient avec elles, pensant accumuler un trésor. Elles se souvenaient de plaisanteries, de jeux d’histoires particulières, ignorant qu’il ne s’agissait que d’une seule et même chose, que les moindres différences, les plus petites aspérités, seraient gommées par les années. Bah, peu importe, se persuada Jottie. Elles comprendront. Un jour, elles comprendront que cette uniformité-là est ce qui comptait le plus. »