Janine Boissard
300 pages
Flammarion 2016 / Pocket, février 2018
« L’esprit de famille » est une des sagas de mon adolescence. J’ai lu tous les livres, j’ai vu la série. J’avais oublié d’autres titres publiés ultérieurement (et lus bien sûr), dont le superbe « Trois femmes et un empereur ».
Croiser Janine Boissard au coin d’un stand de Saint Maur en poche 2018 a fait remonter avec bonheur ces lectures.
Dans mes souvenirs, une écriture pleine de tendresse pour les personnages « ordinaires » qui jalonnent les romans, une description de la vie « normale », celle qui nous est proche. Mais qui dit « ordinaire » ou « normal » ne signifie pas sans relief, bien au contraire! Des personnages au caractère bien trempé, avec des envies, des passions, des deuils.
Alors découvrir la « femme » sous l’auteure m’a forcément séduite. Et la lecture ne m’a pas déçue. Parce que j’ai retrouvé dans les petits riens ou les grands tout de la vie de Janine Boissard ce qui transparaissait dans sa littérature : des blessures certaines dont il était malgré tout possible de faire un atout, comme la petite fille jamais à sa place est ainsi devenue la grande auteure et scénariste depuis longtemps reconnue.
Avec pudeur et humour, Madame Boissard nous dévoile sa construction de petite fille à adulte, ses relations absentes ou conflictuelles avec ses parents, ses atermoiements entre différents métiers « artistiques », les amours heureuses et malheureuses qui ont marqué sa vie de femme et d’écrivaine.
J’ai pris plaisir à découvrir comment l’écriture de certains livres avait débuté, ceux qui avaient été mis de côté, puis repris au fil du temps et des commandes des éditeurs. Cela éclaire aussi le métier d’écrivain et les relations avec le monde de l’édition pour la lectrice invétérée que je suis.
Et plus que tout, ce qui m’a émue, c’est la constance des valeurs portées par « Une femme » : la place des femmes fortes, battantes, mais pas « écrasantes » qui luttent pour s’en sortir, mais pas au dépend des autres (les hommes notamment! Cf l’interview avec L. Zeimour), le désir de conserver le cercle familial, d’observer une pause dans un monde toujours plus rapide et avide de sensations.
Tous ses lecteurs devraient remercier Jean Rossignol, son fidèle ami, qui l’a un jour incitée par ces mots « Et si tu parlais enfin de toi? » Sans lui, nous n’aurions sans doute pas connu « La Marette »!
« Une femme », certes. Une grande dame, sans aucun doute.
CITATIONS :
« Chez Grand-mère, maris, femmes, enfants et religieux : tout le monde se tutoie. Chez Bonne-Maman, on se vouvoie, sauf dans l’intimité. Quand je surprends papa et maman en train de se tutoyer, c’est comme si, soudain, je posais le doigt sur l’amour. »
« Que dirait mon très sage entourage s’il savait que je passe mes journées en compagnie de truands, gangsters ou autres malfrats et que le héros de mon histoire, un employé falot, va se transformer en redoutable tortionnaire (…)… j’entends déjà les rires (…).»
« ‘On se tait, on se tient’, la devise de la famille. On garde ses sentiments pour soi, on n’étale pas ses malheurs, on contient sa peine. »
« Eh oui ! Nous vivons dans le luxe ! Celui de la tendresse, de la gaieté, de la simplicité. »