Une demoiselle sur une corde raide

Pierre Lamballe

245 pages

Les presses de la Cité, 1985

Poursuivant mon chinage de livres en tous genres et de toutes époques, j’ai trouvé à la Ressourcerie ce roman très sympathique parce que drôle et atypique.

Désirée a 38 ans, elle a passé sa vie à essayer de plaire à sa mère et à se conformer aux exigences de celle-ci. Mais voilà que sa maman décède et que Désirée, esseulée, ne sait pas comment faire pour entamer sa nouvelle vie : pas d’amoureux, pas d’amies, un travail d’archiviste passionnant mais surtout tourné vers le passé.

Désirée décide de s’affranchir des règles édictées par sa mère et d’aller « découvrir la curieuse civilisation des Gaulois du XXème siècle », en commençant par prendre des vacances dans un lieu inédit, le sud de la France.

Oui mais voilà que sa voiture tombe en panne, et Désirée se retrouve hébergée dans un hôtel minable et embringuée bien malgré elle dans une histoire avec des malfrats. Obligée de soigner l’un d’eux blessé par balles, elle se retrouve à les côtoyer dans un château abandonné. Puis, les bandits kidnappent une millionnaire à la tête d’une maison d’édition qui vient par mégarde visiter le château.

Et c’est ainsi que, de péripétie en changement de voiture, ils croisent des gendarmes, policiers, des militaires, des médecins, etc. Et en quelques jours, Désirée voit sa vie profondément chamboulée, peut-être bien pour son plus grand bonheur!

Le rythme est rapide, on se surprend à vouloir que tout se termine bien y compris pour les méchants. Les réflexions de Désirée et les dialogues sont succulents, j’ai bien ri durant cette parenthèse aux rebondissements inattendus, car Pierre Lamballe place ses personnages dans des situations très comiques.

Une petite bouffée d’air frais, sans aucun cynisme, ça fait du bien… entre deux polars!

Citations

« Thérèse, sans ressources, s’était mise au travail. (…) Sacrifiant tout à l’éducation de sa fille, appelée Désirée justement parce qu’elle n’avait pas été souhaitée, sa vie se soldait par une suite de renoncements, de frustrations et de dévouements, une sainte. »

« La culture ? Elle y baignait toute la journée, entre les chronologies, les fiches de classement, les bibliographies, etc. La culture l’étouffait. »

« Le voyage qu’elle ne ferait pas chez les Hittites, pourquoi ne l’entreprendrait-elle pas chez ces Gaulois qui l’entouraient et qu’elle ne connaissait pas? »

« Elle réalisa qu’aucun être humain ne s’inquiéterait de son absence. Elle avait choisi de partir sans itinéraire, sans but, et qui se préoccuperait de savoir où elle se trouvait ? L’aventure ? Elle l’avait, au-delà même de ses espérances. Ils pouvaient la tuer, sur le bord d’une route et l’enterrer à la lisière de la forêt, là-haut ; qui la chercherait, qui la retrouverait ? »

« Le duc avait vérifié sa trousse et devant tous ces outils spécialisés, devant les deux collections de clés, Dési s’était prise à considérer la cambriole comme un vrai métier nécessitant connaissance et expérience. Existait-il des stages de formation ? Où et comment le duc avait-il appris? »

« Ses vacances en 2 CV, d’auberges en hôtels, suivant un itinéraire préparé, ne lui auraient procuré que quelques plates rencontres et deux ou trois incidents mineurs tandis que… cette clique de voyous brisait pour elle des barrières qu’elle n’aurait pas même approchées. C’était, en comparaison d’une promenade en bicyclette, le franchissement du mur du son. »

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The Game

Jeff Rovin

223 pages

Pocket, 1997

Nicholas Van Orton est un milliardaire américain, dont le seul but dans la vie est de « faire de l’argent », d’assurer la succession de son père, si besoin en écrasant les autres au passage : pas de sentiment en affaires ! Las, ce père tant aimé était peu présent pour ses fils et sa tristesse telle qu’il a mis fin à ses jours à 48 ans.

Le jour de l’anniversaire de Nicholas , le 48 ème aussi, Conrad son jeune frère s’inquiète de sa santé et de son moral et lui annonce qu’il lui offre un cadeau d’anniversaire peu commun : le Jeu. Nicholas est alors contacté par une mystérieuse société au sigle inconnu « C.R.S. » et passe toutes sortes de tests afin de savoir s’il peut commencer le Jeu.

Et alors qu’il maugrée que tout cela va lui faire perdre un temps précieux (le temps, c’est tout de même de l’argent!), on lui annonce qu’il n’a pas réussi les tests. Du coup, Nicholas se sent floué : comment ça, lui, le gagneur, est refoulé par une société inconnue?

Et tout s’enchaîne très vite ensuite : on s’est infiltré dans sa maison, on le suit, les gens autour de lui, y compris ses proches, ont une attitude bizarre. Jusqu’où ira ce Jeu, s’arrêtera-t-il avant le pire?

Ce thriller est adapté (pour une fois, c’est le contraire des démarches habituelles de convertir un livre en film) du scénario du film The Game, mis en scène par David Fincher en 1997, avec Michael Douglas et Sean Penn dans les rôles principaux.

Je n’ai pas vu le film, qui a totalisé plus de 1 200 000 entrées en France, mais le suspense, la course haletante vers un monde sans issue, les manipulations dont est victime Nicholas sont très bien décrits. Le lecteur se demande à chaque page avec lui si les protagonistes font partie du Jeu ou sont des quidams tout à fait normaux! Cet homme très cynique est peu à peu gagné par la colère, puis la peur quand il comprend qu’il n’a aucune prise sur le Jeu. Et cet anniversaire, sensé le détourner du même destin funeste que son père, aura des répercussions inattendues sur sa vie.

Un très bon thriller, rapide à lire et très intéressant sur la manipulation psychologique et ses conséquences.

Citations :

« Seigneur, il espérait que personne n’avait rien préparé. S’il y avait bien une chose qu’il détestait, c’étaient les surprises. Il avait horreur d’être pris au dépourvu. »

« C’était du thé glacé, dit-il en lisant son badge, Christine.

⁃ Excusez-moi monsieur, fit-elle avec un sourire légèrement crispé. Je vais chercher le pichet pour vous le remplir.

⁃ C’est cela. Et un peu moins glaciale, je vous prie.

⁃ Bien sûr, monsieur.

⁃ Je parle de votre attitude, Christine. Pas de la boisson. »

« Quand les gens faisaient bien leur boulot, ils étaient récompensés. Quand ils ne le faisaient pas, ils dégageaient. Il avait dépensé des centaines de milliers de dollars à lancer des procédures de licenciement « illégales ». C’était une question de principe, en plus c’était déductible des impôts, alors pourquoi s’en priver? »

La sorcière

Camilla Läckberg

700 pages

Actes Sud, 2017

Le 10 ème tome de la saga Fjällbacka, le dernier avant une pause de l’auteure dans cette série. Patrick Hedström, le policier marié à l’écrivaine Erica Falck, y est confronté avec son équipe à l’une des affaires les plus tristes de sa carrière, tandis que la jeune femme va l’aider en recueillant des informations pour son prochain livre.

Un des plus épais de tous les livres de Camilla Läckberg, une histoire très dense également, que dis-je, DES histoires, car ici trois épisodes s’entrecroisent : Elin, au XVIIème siècle, a perdu son mari et se retrouve servante chez sa sœur mariée Britta au pasteur Preben ; Stella, petite fille de quatre ans, est retrouvée assassinée près de chez elle dans la forêt. A l’époque, ses baby-sitters de 13 ans, Helen et Marie, se sont accusées du meurtre avant de se rétracter. Le policier chargé de l’enquête s’est même suicidé.

Les anciennes amies Helen et Marie ont eu à leur tour des enfants, respectivement Sam et Jessie, stigmatisés par la conduite de leur mère, rejetés par leurs camarades. La sœur de Stella, Sanna, a elle aussi une fille, Vendela.

Et aujourd’hui, trente ans plus tard, troisième épisode, une autre petite fille de quatre ans, Nea, disparaît et est retrouvée morte au même endroit que Stella.

Les soupçons se portent forcément sur Helen et Marie, mais pas seulement.

Peur de l’autre, de l’étranger notamment, ces migrants qui ont installé leur camp à proximité ne sont-ils pas responsables de la mort de la petite Nea?

Voilà qu’une preuve apparaît et les événements s’enchaînent, sans que la police puisse y avoir prise.

Un incendie, des adolescents désœuvrés et en proie au désir de vengeance.

La vie de famille de Patrick et Erica va être bien malmenée par cette douloureuse enquête, pour moi le meilleur roman de la série (juste avant l’enfant allemand et la faiseuse d’anges). Les personnages secondaires sont aussi attachants que les récurrents, l’horreur des uns côtoie l’humanité des autres.

700 pages qu’on ne voit pas passer tant il y a de rebondissements, même si on peut soupçonner certains personnages, la fin est soignée et à la hauteur de l’ensemble du roman. Les sujets très prégnant des préjugés et du harcèlement sont abordés ici sous différents angles, qui ne peuvent qu’émouvoir.

Un excellent polar.

Petite Princesse

Frances Hodgson Burnett

202 pages

Pocket Junior 1995 (1950, éditions G. P.)

Ce n’est pas du tout un livre de la rentrée littéraire. C’est un livre qui a attiré mon œil à une vente de la Ressourcerie car le nom de l’auteure me disait quelque chose. Et en effet, Frances Hodgson Burnett a écrit Le petit Lord Fauntleroy, dont l’histoire m’a émue lors de ma prime jeunesse.

Alors, Petite Princesse devait être une valeur sûre.

J’étais loin de me douter de la suite. Ce n’est qu’en commençant la lecture que j’ai compris : Petite Princesse, c’est Princesse Sara, la gentille petite fille très riche confiée à un pensionnat anglais par son papa reparti aux Indes, et qui devient la servante de l’institution quand la directrice apprend la mort dudit papa.

Voilà, le dessin animé des années 1980 avec Sara la « mignonne petite fille », la servante Becky et la méchante Lavinia, était en fait tiré d’un ouvrage paru en 1887, définitivement terminé après son adaptation au théâtre en 1905.

Shirley Temple a même joué ce rôle en 1939 dans le film de Walter Lang, dont la fin diffère du roman.

Alors j’ai pris plaisir à lire ce court roman, en ayant dans les yeux les images du dessin animé et dans les oreilles son générique.

La fraîcheur qui s’en dégage est formidable. Et l’adaptation animée, dans mon souvenir, plutôt conforme.

Petite fille attachante pour ses compagnes à qui elle raconte des histoires merveilleuses, Sara se projette dans un univers bien à elle, ce qui lui permet, lorsque le sort s’acharne contre elle, de ne pas céder au désespoir. De sa grande chambre confortable à sa misérable et minuscule mansarde, elle parvient à s’adapter en visualisant les beautés que produit son esprit.

Cette petite fille pourrait donner des leçons de vie à bien des adultes : passant d’un statut de très riche à celui de « moins que rien », elle maintient que la capacité à être une Princesse ne saurait dépendre des biens matériels. Princesse elle est, Princesse elle restera :

« Ce serait bien facile d’être une princesse, si j’étais habillée de draps d’or ; mais c’est un bien plus grand triomphe d’en être une tout le temps, quand personne ne le sait. » Être une Princesse, c’est d’abord dans la tête!

Et de fait, Sara n’oublie pas ceux qui semblent être encore moins favorisés qu’elle, elle en prend soin à sa manière.

Une petite perle d’écriture.

Et avec cette édition enrichie, on apprend quelques informations supplémentaires sur l’auteure qui a écrit une quarantaine de romans (Chouette, d’autres découvertes en perspective… Flûte, la plupart ne sont pas traduits en français!), sur l’éducation des jeunes filles et le travail des enfants sous le règne de la Reine Victoria.

Laissez-vous prendre par la main par la Princesse Sara, elle vous fera tour à tour sourire et vous émouvoir.