Comme ton ombre

Elizabeth Haynes

462 pages

Éditions Presses de la Cité, 2011

Cathy est une jeune femme de Lancaster à qui tout semble sourire. Un bon job de DRH, des bonnes copines, pas de difficultés pour séduire les hommes.

Et tiens, justement, ce videur de boîte de nuit, là, oui lui, il est très séduisant. Il couve Cathy du regard, il veut faire connaissance. Et c’est la passion qui les entraîne.

Ah oui la passion. Mais alors pourquoi Cathy semble-t-elle dépérir? Pourquoi des bleus apparaissent-ils sur ses bras?

Parce que Lee n’est peut-être pas qu’un séducteur, il est peut-être aussi le bourreau de Cathy. Et qu’il la veut pour lui et pour toujours.

On entre dans le roman par le procès de Lee. Puis Cathy raconte, à la manière d’un journal intime, des épisodes de sa vie d’aujourd’hui et de celle qu’elle a vécu à partir de sa rencontre avec Lee.

Sa vie d’avant, c’est un peu comme passer du paradis à l’enfer, d’être trahie par tous ceux sur qui on croyait pouvoir compter.

Sa vie d’après le procès, c’est celle d’une femme terrorisée, qui a tout quitté et qui sait que même si Lee est emprisonné, il fera tout pour l’atteindre. Alors les TOC de vérification se perpétuent, grignotent son temps, ses rêves, pensées.

Jusqu’à une rencontre importante avec quelqu’un qui prendra le temps de l’écouter.

Oui mais il semble que des affaires commencent à changer de place dans l’appartement de Cathy…

Un vrai page-turner. On vibre avec Cathy, on veut qu’elle s’en sorte, mais Lee est terrible, alors y parviendra-t-elle?

Lecteurs sensibilisés aux violences conjugales, au stress post-traumatique et aux TOC, voici ici une excellente démonstration du genre, pour un premier livre, Elizabeth Haynes avait fait très très fort!

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Bilan du mois d’août 2018

Moins de livres lus ce mois-ci, car quelques pavés! Et je suis ravie d’avoir varié les plaisirs, avec des livres de la rentrée littéraire, dont un pour lequel la chronique ne sera publiée que le jour de sa sortie, et d’autres piochés au hasard de mes envies.

Voici donc le bilan des livres réellement lus  (terminés) en août :

Polars/thrillers :

  • L’appel du coucou Robert Galbraith
  • Le ver à soie Robert Galbraith
  • Le 5ème règne Maxime Chattam
  • Le dompteur de lion Camilla Läckberg
  • La sorcière Camilla Läckberg
  • The Game Jeff Rovin
  • Une demoiselle sur une corde raide Pierre Lamballe

Document :

  • La loi de la mer Davide Enia (publication 5 septembre 2018)

Romance / Drame :

  • Les enfants frapperont-ils encore? Laure Catherine
  • (Presque) jeune, (Presque) jolie, (de nouveau) célibataire Stéphanie Pélerin

Jeunesse :

  • Petite Princesse Frances Hodgson Burnett

BD :

  • Les femmes en blanc Bercovici et Cauvin Tome 7

Chronique postée sur un livre lu précédemment

Polars/thrillers :

  • Sans laisser de traces Val McDermid

HELENA

Jeremy Fel

732 pages

Editions Payot et Rivages, 2018

Je remercie BePolar et les Editions Payot et Rivages pour m’avoir permis de découvrir ce roman et son auteur.

Lecture commune avec Nathalie du blog nathlivres.webnode.fr

Helena. Par où commencer? Dire qu’il s’agit d’un polar serait réducteur. Dire qu’il s’agit d’un thriller psychologique aussi.

En fait, pour moi il s’agit d’un roman inclassable : une étude de mœurs, des violences qui se répercutent et se font écho, des ombres cauchemardesques qui se jouent du mental.

Car ce sont des destins qui s’entrecroisent, qui n’auraient jamais dû se rencontrer et pour une seconde, leur vie va changer à tout jamais : une jeune fille, Hayley, partie pour un stage de golf ; une femme, Norma, attachée à faire réussir sa petite fille Cindy ; son jeune garçon Tommy torturé par ses démons ; son autre fils, un jeune homme, Graham, qui voudrait seulement vivre sa vie. Une voiture qui tombe en panne, un simple accident de la vie, vraiment ?

Mais ce n’est pas tout à fait cela non plus. Car en fait, chaque protagoniste porte en lui les stigmates d’un passif compliqué, difficile, qui influence son comportement actuel. Sans ce passif, rien ne serait dans doute arrivé.

Et puis, le fait d’être dans le Kansas, dans une petite ville où toute activité est scrutée, où la poussière règne en maître, où rien ne bouge, les champs à perte de vue, a son importance aussi.

Le début est très lent. La mise en place des personnages, les détails. On se croirait dans un film sur la vie au Kansas, les riches, les pauvres, la jeunesse dorée et l’autre. Il y a un récit dans l’actualité des personnages, où l’action est haletante, mais également des pauses narratives grâce à l’exposé de leur passé. On attend quasiment 200 pages avant d’être vraiment lancé dans l’histoire, et qu’on ait hâte d’en finir.

Roman très violent – sans avertissement préalable dès le premier chapitre – dans les gestes et dans les pensées, roman choral puisque chaque chapitre relate ce qui arrive à un des protagonistes. Roman horrifiant quand on en arrive à regarder derrière soi ou à scruter l’ombre quand le plancher craque. Roman émouvant aussi, parce qu’on éprouve de la compassion pour les exactions subies, mais du dégoût pour les mêmes qui deviennent à leur tour bourreaux.

C’est un livre tout à fait déroutant, je ne m’attendais pas du tout à cela. La facture est différente des livres du genre : il n’y a pas de coupable à rechercher, pas d’implication de la police. Le lecteur est juste spectateur (j’emploie ce mot à bon escient, tant les détails sont nombreux et permettent de visualiser les scènes racontées), sans pouvoir intervenir… fi de la justice, fi de la morale, juste les faits.

Un roman finalement très dérangeant, et c’est sans doute la réussite de l’auteur que d’avoir su combiner l’histoire de vies qui s’entrechoquent avec une réflexion sur le rôle des parents, des mères surtout.

Mais même après quelques jours de « digestion », je n’arrive toujours pas à décider si je l’aime ou non.

LA LOI DE LA MER

Davide Enia

230 pages

Albin Michel, 5 septembre 2018

Je remercie les Éditions Albin Michel et Babelio pour m’avoir fait bénéficier via la masse critique du livre de Davide Enia pour la rentrée littéraire 2018.

Je découvre à la fois un écrivain, celui qui rédige, qui met en mot les faits et les sentiments, mais aussi, au travers de ce récit, un quasi journaliste, tant il est attaché à rapporter les événements.

Lampedusa, « l’île d’une île », la Sicile, est au coeur de l’ouvrage. « Lampedusa, un bouton sur la mer pour attacher deux continents ».

Voilà, tout est presque dit. La poésie qui se dégage de l’écriture permet une respiration dans l’horreur qui y est parfois décrite. Parce que c’est en effet la situation géographique exceptionnelle de Lampedusa qui en fait un carrefour migratoire, à 240 km de la Lybie. Et que Davide Enia, a recueilli pendant plus de trois ans la parole des amis, des médecins, des bénévoles, des plongeurs qui n’ont de cesse de sauver et d’apporter un sourire aux personnes rescapées des naufrages parce que « après ce qu’elles ont vécu, le minimum, c’est de les accueillir par un sourire, non? » et qu’il s’est attaché à les mettre sur papier.

J’entends déjà les mauvais coucheurs dire que certains de ces migrants ne fuient pas la guerre, ils veulent gagner l’Europe aussi pour des raisons économiques. Certes. Il n’en reste pas moins que quand on en est réduit à se retrouver sur la mer dans des conditions extrêmement précaires et qu’on y risque sa vie, c’est sans doute aussi parce qu’on n’a plus grand-chose à perdre, à part cette vie, justement.

Et c’est ce que j’aime dans ce livre : il n’y a aucun jugement, juste la relation des faits.

Le lecteur-spectateur voit surgir de vraies destinées dans ces migrants qui paraissent si semblables dans les reportages télévisés. « Ces gens qu’on avait devant les yeux, c’étaient des gens en chair et en os, pas des statistiques dans le journal ou des chiffres assénés à la télévision ».

J’ai été frappée par la répétition qui est faite des réactions face à un premier débarquement : pour plusieurs habitants de l´île, qui se pensaient très altruistes en général, le premier mouvement a été de s’enfermer, de se barricader. Et la honte immédiatement ressentie de cette réaction finalement humaine face à une situation inédite, qui a ensuite fait place à l’action. Cela donne tout de même à réfléchir… Et c’est aussi le propre de ce livre, d’amener le lecteur dans ses retranchements, tout en douceur.

Parce que ce n’est pas qu’un document sur l’étape migratoire qu’est devenue Lampedusa. Il s’agit ici aussi de la relation « mutique » entre Davide, écrivain, et son père, chirurgien cardiaque à la retraite qui l’accompagne sur l’île durant quelques jours, à deux reprises. Ils en apprennent sans doute plus l’un sur l’autre à cette occasion que toute leur vie.

Semés ici et là, ce sont aussi quelques souvenirs de l’enfance de Davide, des informations sur la culture sicilienne et italienne. Et en filigrane, le cancer de l’oncle de Davide, Beppe, auquel son père compare le triste destin des migrants « je ne sais pas si j’arriverai à t’expliquer… ces situations où n’importe qui dirait « Qu’est-ce que je vais faire? » sans recevoir de réponse. » »

On s’émeut, on pleure, on sourit (merci pour la blague racontée par le Kurde), on pleure à nouveau, on est horrifié face aux terribles naufrages. Mais l’écriture de Davide Enia nous enveloppe de douceur, de tendresse et de poésie. Il y a peu de commentaires de sa part, avec la difficulté qui est la sienne d’évoquer son ressenti.

Alors oui La loi de la mer est un livre dur, douloureux, mais il raconte aussi les rapprochements possibles, au sein des familles et entre les peuples.

Un superbe récit.