Les saisons de Rosemarie

Dominique Richard

87 pages, et 5 pages postface de l’auteur

Éditions Théâtrales, 2004

Rosemarie Peccola apparaît dans Le journal de Grosse Patate » comme une petite fille timide et peu causante.

Le présent livre qui lui est consacré montre combien est importante la richesse intérieure de cette enfant qui a un peu grandi et se trouve à la croisée de l’enfance et de la pré-adolescence.

Les adultes (le professeur de danse qui lui fait recommencer infiniment les mêmes postures, le professeur de mathématiques qui ne s’exprime que dans un imparfait du subjonctif, très approximatif d’ailleurs! et même son propre papa) ne semblent pas comprendre Rosemarie, réfugiée dans son monde intérieur. Et elle aime Rémi, mais n’ose surtout pas s’en approcher.

Incapable de se faire des amis du fait de son manque d’assurance, elle fait appel à son imagination pour se créer un copain imaginaire dénommé « le garçon ».

Rosemarie entretient alors un dialogue avec lui comme s’il s’agissait d’un véritable ami, et ce dialogue intérieur avec un « être » bienveillant et, qui plus est, affublé d’un défaut de langage, va l’amener à s’affirmer au fil des saisons de l’année scolaire.

La petite fille rêveuse et solitaire, qui se sent en décalage avec les autres déjà passés de l’autre côté de l’enfance, et incapable de s’exprimer ouvertement au début de la pièce, va se muer en une toute jeune fille qui reprendra pied dans la réalité.

Dominique Richard explore à nouveau l’enfance, notamment ce passage qui peut s’avérer douloureux, qu’il peut être difficile de quitter pour un inconnu qui fait peur, les doutes sur soi et les autres et la découverte des premiers sentiments amoureux.

Une jolie découverte, qui m’a ramenée vers ma propre enfance.

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Tu comprendras quand tu seras plus grande

Virginie Grimaldi

18 h

Audiolib, 2017

Julia a vu sa vie s’effondrer durant ces six derniers mois. Partie de Paris pour le pays Basque, elle trouve à effectuer pendant huit mois le remplacement d’une psychologue dans une maison de retraite.

Tout pour la faire fuir… et nous faire rire!

Elle se demande bien ce qu’elle fait là, et finalement va s’attacher aux résidents, ces papis facétieux ou bougons, ces mamies coquettes et pétillantes. Et il y a aussi ses collègues, Greg et Marine, qui lui donnent leur amitié. Et si s’occuper des autres pouvait ramener la joie chez Julia ?

La tendresse qui se dégage de ce livre est profondément touchante : un pont entre les générations, une dimension philosophique sur le sens d’une vie si courte qu’il faut profiter de chaque instant.

Les réflexions de Julie face à des situations qu’elle ne maîtrise pas sont pleines d’humour. C’est divertissant, je n’avais jamais lu d’ouvrage de cette auteure, par manque de temps et non d’envie, mais je ne le regrette pas! J’ai beaucoup ri au volant de ma voiture ces dernières semaines : un bien fou pour commencer ou finir la journée! Et un rebondissement que je n’avais pas du tout, mais alors pas du tout vu venir, j’ai été bluffée.

J’aurai donc plaisir à découvrir d’autres livres de Virginie Grimaldi.

Phobia

Collectif d’auteurs (voir détail ci-dessous)

318 pages

J’ai lu, 2018

14 auteurs de polars pour 14 nouvelles autour des phobies. Et pour une bonne cause, pour soutenir l’association ELA.

Il s’agit d’une lecture commune proposée sur Facebook par la blogueuse #mesaventureslivresques.

Je ne vais pas donner trop de détails pour chaque nouvelle (autant les lire vous-même 😉), mais résumer en quelques mots son sujet et mon ressenti, le cas échéant.

Le refuge, Nicolas Bleuglet

Un homme part faire un trail de quelques jours en Californie. Il se perd et se retrouve ainsi confronté à sa plus grande peur.

Lésion fatale, Jean-Luc Bizien

Un étudiant américain est assassiné au Canada, sa petite amie effondrée. Le lieutenant Weiler mène l’enquête. Mais ces jeunes gens n’existent pas.

• Lis mes nuits, Armelle Carbonel

Une jeune femme écrivaine n’arrive plus à dormir car ses nuits sont peuplées de cauchemars. Alternance de son récit et des notes prises par son thérapeute, jubilatoire.

Phobia, Sonja Delzongle

Une jeune chercheuse, un petit garçon, un berger cinquantenaire. Ils vivent dans des endroits très différents de la Terre, et pourtant tous les trois vont ressentir que tout va changer très bientôt.

De l’ombre à la lumière, Damien Eleonori

Brrr. Ça fait froid dans le dos. Un petit garçon qui n’arrive pas à dormir dans le noir, qui appelle sa maman. Des femmes disparues et un inspecteur à leur recherche.

Dans le ventre de la bête, Johana Gustawsson

Anna est auditionnée dans un commissariat à la suite de sa découverte d’une femme tuée dans une baignoire.

La meilleure histoire depuis le début de la lecture de ces nouvelles.

1 + 1, Nicolas Koch

Alice est obsédée par les chiffres depuis son adolescence. Les chiffres lui font peur. Elle ne peut les regarder et s’enferme dans un délire psychotique malgré l’aide de son psychiatre.

Gare à la chute!

La mort, tout le temps, Mickaël Koudero

Verdun, 1916. Un jeune soldat, Martin, ressent la mort. Et il peut aussi se projeter dans l’avenir. Très très bien écrite mais tellement sombre, cette nouvelle laisse un sentiment de profond malaise.

Du bruit au plafond, Chris Loseus

Horreur! Une nouvelle terrifiante…

Un chanteur vieillissant rentre après une tournée triomphale. Il veut goûter enfin à un repos bien mérité, et savourer la vie… mais tout ne se passe pas vraiment comme prévu. La vie tient parfois à un petit détail, à un fil…

Raymond, Ian Manook

Deux amis se retrouvent autour d’un repas après quarante ans : l’un sort de prison, l’autre a prospéré. Et les reproches fusent, jusqu’au dénouement à la c***.

Avec un langage fleuri à la manière d’Audiard, que j’ai eu un peu de mal à décrypter au début (d’autant que l’alternance des dialogues me semble incompréhensible dans les trois premières pages) mais ça m’a tout de même fait rire.

Je t’aime à la phobie, Éric Maravélias

Un homme marginal, qui déteste les femmes, en référence à sa mère. Jusqu’à ce qu’il rencontre Rose.

Tue, Maud Mayeras

Un bar. Une rencontre. Une promesse d’avenir. Un rejet. Tout d’un coup, sans prévenir. Un déclencheur.

Très bonne tension.

Verdict, Olivier Norek

Un nouveau jeu télévisé : dépassement de soi et élimination progressive des candidats. Rien de nouveau me direz-vous. Si si. Car le perdant perd définitivement. Et si c’était la société qui perdait?

Bisou, Niko Tackian

La méchanceté mène à la ruine. Ou tel est pris qui croyait prendre. A l’aube d’entamer une nouvelle vie, Henri va l’apprendre à ses dépens…

Réjouissant.

***

Mon avis général sur le recueil

Globalement, des nouvelles agréables à lire, qui pour certaines exploitent bien la frayeur que pourrait ressentir le lecteur, avec également beaucoup d’humour. Une découverte aussi d’auteurs dont je n’avais rien lu à ce jour.

Difficile de dire quelles sont mes préférées, mais au moins la moitié se dégage : Lis mes nuits, Dans le ventre de la bête, 1 + 1, Du bruit au plafond, Tue, Verdict, Bisou.

Un très bon moment de lecture également par la possibilité d’alterner les nouvelles avec un roman plus conséquent et donc de ne pas se lasser. Expérience à refaire, j’ai quelques recueils du genre en stock!

MIDI

Cloé Korman

217 pages

Éditions du Seuil, août 2018

Rentrée littéraire

Marseille. Il y a quinze ans. Claire et Manu sont deux copines de dix-huit ans, qui débarquent de Paris pour encadrer un stage de théâtre pour enfants durant l’été, sous la direction de Dominique Müller, vingt-huit ans.

Paris, aujourd’hui. Claire est médecin dans un hôpital. Un homme alité, en fin de vie, demande à lui parler : c’est Dominique. Les souvenirs affluent alors dans l’esprit de Claire, souvenirs dans lesquels elle doit faire le tri, entre réalité et ressenti.

L’auteure fait ainsi alterner le présent et le passé, à la recherche de la vérité et d’une forme d’expiation. Car si Claire ne se souvient pas du nom de tous les enfants de cet été, certains sont gravés à jamais. Pour de tristes raisons. Car au-delà de la beauté de ce « midi » ensoleillé, on trouve beaucoup de noirceur et de lâcheté : celle des adultes, celle des enfants. Et une enfant va en faire les frais.

Cloé Korman construit un roman à la fois joyeux sur le plaisir de la découverte du dépassement de soi et de ses peurs intimes grâce à l’expression théâtrale, les jeux des enfants, la découverte du désir et triste avec l’indicible sur une toute petite fille qui gêne.

C’est un roman dérangeant car on se plairait à voir continuer cette expérience théâtrale dans le temps, qui semble avoir des vertus thérapeutiques pour certains, qu’on voudrait conserver cette luminosité propre au sud de la France, et cette insouciance associée à l’enfance. Mais on vibre avec Claire, on explore à travers son regard cette scène qu’est la vie, de façon très lente, et on sait très bien qu’après cet été, tout aura changé.