Mathieu Menegaux
191 pages
Éditions Grasset et Fasquelle, 2015
Lorsque j’ai écrit début octobre 2018 la chronique du livre d’Inès Bayard Le malheur du bas, j’ai recueilli plusieurs avis me conseillant le livre de Mathieu Menegaux, dont le sujet est identique. J’ai donc choisi de le lire après avoir laissé quelques mois passer après la claque procurée par ma première lecture.
Tout va bien dans la vie de Claire et Antoine. Un bon job, des relations harmonieuses. Il ne manque qu’un enfant pour couronner ce bonheur.
Oui mais l’enfant se fait attendre. Car il semble qu’Antoine ait des difficultés à procréer. Alors c’est le défilé des rendez-vous, des essais de procréation assistée. Sans résultat.
Et puis un samedi soir, Claire et Antoine sont invités chez l’associé d’Antoine. Claire s’ennuie, Claire décide de partir.
Et alors qu’elle est obligée de faire un détour avec son vélo, elle emprunte un passage sombre duquel surgit un homme qui l’agresse sauvagement.
Claire veut appeler la police… mais la mise en attente lui permet de dérouler ce que sera sa vie future, le regard des autres porté sur elle, ce regard auquel elle est tant attachée.
Alors Claire va tout mettre en œuvre pour oublier. Jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle est enceinte. Enceinte. Oui, mais de qui? De son mari Antoine? Peu probable. De cet autre qu’elle exècre? Plus sûrement. Mais il y a un doute. Alors, à nouveau, Claire va s’acharner à oublier. Et préparer avec Antoine l’arrivée du petit être qu’il se réjouit tant d’accueillir sans soupçonner les doutes de sa femme.
Jusqu’à ce que, effectivement, les doutes arrivent, en force.
C’est du fond de sa cellule que Claire narre son histoire, l’histoire d’une femme qui aurait pu changer le cours de sa propre existence et celle de sa famille, si seulement elle avait bravé sa peur du regard des autres, si elle avait cessé de jouer au poker avec sa vie. Claire est sans concession avec elle-même, elle ne se cherche pas d’excuses. Elle s’est tue, pour son propre malheur, et elle continuera à se taire jusqu’au bout.
Il s’agit en effet d’un très bon roman, beaucoup moins poussé dans les détails de la dépression de la jeune femme que dans Le malheur du bas d’Inès Bayard (ouf d’ailleurs!). L’écriture soignée évoque toute l’empathie de l’écrivain-homme qui se plonge de façon exceptionnelle dans la peau et l’esprit d’une femme violée, dont le désarroi va crescendo. Et je trouve particulièrement intéressant la description du face à face avec la justice de cette victime devenue coupable.
La différence entre les deux livres réside sans doute dans la façon dont la jeune femme héroïne va appréhender l’auteur du viol : dans le livre de Mathieu Menegaux, le violeur est un inconnu que Claire pourrait tenter d’oublier, n’était son enfant ; dans Le malheur du bas, l’agresseur est le supérieur de Marie et son univers entier s’écroule, il ne lui reste rien à quoi se raccrocher. La psychologie des personnages est également très différente, tout comme deux femmes qui auraient subi la même agression vont réagir de façon contrastée.
Un autre roman pourrait ainsi envisager que la femme dénonce son violeur, et toutes les procédures qui en découleraient, jusqu’à la sanction pour l’horrible geste. Je serais bien preneuse de celui-là…
Alors si c’était à refaire, j’aurais lu Je me suis tue avant Le malheur du bas, j’aurais sans aucun doute été encore plus touchée par l’histoire de Claire.