Première lumière

Paul F. Husson

218 pages

Auto-édition, 2018

Un accident de voiture et c’est le drame : la maman décède et Mattieu, son petit garçon, y perd la vue.

Quelques années plus tard, une greffe de cornée est possible. D’ailleurs la chirurgienne Alice est devenue l’amie de papa, Julien. Ce qui ne plaît pas forcément à Mattieu et à sa sœur Isabelle. Mais c’est la vie. Et puis Alice aussi a perdu un petit garçon, alors chacun fait des efforts.

Mais personne n’a demandé à Mattieu ce qu’il pensait de cette greffe : et il se met à faire de terribles cauchemars en imaginant ce que sera la première lumière dont il ne veut pas.

Et ce sont les vacances d’été. Julien décide de réaliser une sorte de pèlerinage sur les lieux où a été conçu Mattieu. Mais tout ne se passe pas comme prévu : panne d’essence, gros lourdeau sur la route qu’on retrouve près du lac, une nuit de terreur, et cette insidieuse intuition de l’enfant qui persiste.

Un court roman mais haletant, tout est dans l’intention, c’est excellemment fait, car rien n’est vraiment prouvé. L’exaspération des peurs dans la nuit, celle des sentiments, jusqu’à la révélation de la vérité. Et une écriture superbe, pleine de poésie, dans les descriptions de ce que « voit » l’enfant, qui ouvre une respiration. Car Paul F. Husson explore ici les relations entre des parents, des potentiels parents et des enfants morts ou vivants, et l’empreinte psychologique qui perdure lors d’un drame familial.

Je l’ai lu très très vite avec une sensation de malaise qui ne m’a pas lâchée et j’ai voulu passer à autre chose aussi vite. Rien que de l’écrire, cette sensation revient : pari réussi Monsieur Husson, pour votre thriller (presque) sans violence!

Citation

« De lentes effluves descendues des sapins serpentent tout autour de nous. Je m’en fais des écharpes de souvenirs, ma bouche happe, mord pour se venger de l’air cruel de la nuit. Ça doit être ça, la puissance du jour. La lumière serait une arme contre laquelle, ni les goules des contes, ni les dangers de ce monde ne pourraient rien. Perché au sommet de mon père, je deviens l’enfant qui voit tout. Je domine l’invisible monde, ivre d’espoir, provisoirement débarrassé de cette peur aveugle qui m’encombre depuis le départ. »

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Sujet inconnu

Loulou Robert

248 pages

Éditions Juillard, 2018

Inconnu, le nom de cette jeune personne qui nous conte une histoire sur les années de fin d’adolescence et de passage à l’âge adulte.

Inconnu, le sujet réel de ce livre : quête d’identité, amour filial, meurtrissures de la maladie, passion désespérée, ouverture à la vie?

Mais reconnue, la magnifique écriture d’une écrivaine que je découvre enfin !

La narratrice expose ses doutes sur elle-même et ses envies dans la vie, surtout son manque d’envie. Elle se considère comme mauvaise, on la croit solitaire mais elle crève de ressembler aux autres qu’elle cotoie et qu’elle méprise tout autant : avoir des amis, un petit copain. Son seul ami, son confident, est sa peluche d’enfant, une souris dénommée Sam, qu’elle traîne partout.

Partie de sa région natale dans l’est, une sorte de fuite loin de ses parents qui ne se montrent plus d’amour, elle poursuit ses études à Paris, études qu’elle arrête bientôt lorsqu’elle se découvre enfin une qualité : l’écriture. Car les études ne la satisfont pas. Que sont donc les grandes philosophies face à la réalité de la vie? Elle ne s’y reconnaît pas. Alors plutôt que d’écouter les autres parler, elle va écrire ce qu’elle ressent. Car finalement oui, elle ressent. Elle ressent notamment les liens distendus avec ses parents se resserrer autour de la maladie qui affecte sa mère.

Elle aussi s’est finalement découvert un ami en Lucien, le septuagénaire voisin de son studio parisien, mélomane et amoureux des livres.

Et puis, elle a aussi croisé le regard d’un homme à une fête, une image qui l’obsède, un homme qu’elle va retrouver quelques temps après, un homme qui va enfin lui faire découvrir une passion sans borne, sans limite. Pour le meilleur… Et pour le pire. Car cet homme, dont elle devine l’emprise, lui non plus ne peut la laisser. Elle sent qu’il se passe quelque chose qu’elle ne peut pas maîtriser. Elle lui est terriblement attachée, il est comme son oxygène et néanmoins il peut aussi être celui qui va la faire mourir. « Sans toi je n’ai plus d’air. Avec toi, je ne respire pas. »

Et c’est ce que ressent le lecteur à découvrir ces mots martelés, une lecture en apnée car comment cette toute jeune femme pourrait-elle échapper à ses propres doutes, à la perte de ses repères familiaux, à un bourreau potentiel qu’elle aime éperdument ?

Un roman fort, juste, des phrases courtes, des mots qui frappent, qui frappent l’esprit, qui frappent le cœur. Un uppercut qui laisse des traces au coin de l’âme.

Citations

« J’ai donc grandi dans un village de l’Est, dans une grande maison vide, entre une mère hystérique, un père dans son bureau et un aspirateur. C’est un bon résumé. »

« Le truc rassurant est qu’aujourd’hui, beaucoup de gens vont mal. Certains très mal. Je ne suis donc pas seule au monde. Même parmi mes camarades, je sais que certains cachent de la souffrance. Ainsi, la douleur des autres me permet de supporter la mienne. Ce qui fait sûrement de moi une sacrée égoïste. Je m’en fous. Je m’excuserai le jour où ma mère ne sera plus malade. J’ai le temps d’après le médecin. Le traitement est long. Le temps d’être en colère contre la terre entière. Le temps : celui-là aussi je l’emmerde. »