Beauté

Scénario et couleurs : Hubert

Dessin : Kerascoët

Tome 1 : Désirs exaucés, 2011

Tome 2 : La reine indécise, 2012

Tome 3 : Simples mortels, 2013

Éditions Dupuis

A l’époque des châteaux, des rois du nord et du sud et des valeureux chevaliers, Morue est une jeune paysanne très laide, affublée de ce surnom du fait de l’odeur qu’elle véhicule à force d’écailler du poisson.

Alors qu’elle se désespère de sa laideur, elle prend un jour pitié d’un crapaud et fait couler une larme sur lui. Ce crapaud se change en corbeau-fée dénommé Mab et propose à Morue d’exaucer son vœu le plus cher en remerciement de sa délivrance.

Morue souhaite la beauté, mais Mab ne peut modifier son apparence. Par contre, elle change pour toujours la perception de Morue chez les autres, et notamment les hommes. Ainsi prend naissance Beauté.

Beauté, qui ensorcelle malgré elle les hommes qui la voient, est obligée de fuir, et, trouvant refuge dans un château, s’éprend du chevalier Eudes. Mais la vilaine fée Mab veille et n’a de cesse de provoquer des caprices et des rêves de grandeur chez la jeune femme, qui a bien vite oublié sa précédente condition de servante.

S’ensuivent de nombreuses aventures, durant lesquelles Beauté fera tourner bien des têtes et causera bien des guerres, toujours sous l’œil intéressé des fées.

Bande dessinée en trois tomes, estampillée jeunesse, je la classerais plutôt pour des grands adolescents ou adultes, car certains dessins et dialogues sont assez explicites. Entre violence, appropriation de la femme uniquement pour sa beauté et ébats sexuels, la majorité des messages contenus dans cette série ne me semble donc pas convenir à des enfants, non susceptibles de prendre un recul suffisant. On se croirait dans les vieux contes de fées de Perrault et autres Grimm, bien avant qu’ils n’aient été remaniés à la sauce Disney!

Mais quelques idées dans le troisième tome notamment vont un peu chambouler l’ordre préétabli, ouf!

Ça se lit vite et bien, on a envie de savoir ce qui va arriver à Morue/Beauté et à ceux qui gravitent autour d’elle. Les dessins sont plutôt agréables, les dialogues écrits en caractères suffisamment grands pour ne pas gêner la lecture. Et je confirme que quand on voit Morue sous les traits de Beauté… elle est vraiment, vraiment, très belle! Un peu comme un dessin de manga, avec de grands yeux et pleine de douceur.

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Éclair d’été

Tamara McKinley

452 pages

Éditions France Loisirs, 2009, L’Archipel, 2009

De l’Irlande de la fin du dix-neuvième siècle jusqu’aux années soixante en Australie, le destin d’une femme qui découvre tardivement qu’elle a été spoliée de son héritage.

Irlande, fin du dix-neuvième siècle. Henry, jeune homme de bonne famille, peintre, s’éprend de Maureen, jeune femme pauvre du village. Contrainte de s’enfuir pour protéger l’enfant qu’elle porte, Maureen est rattrapée par Henry, que son père a renié. Tous deux, gagnés par l’envie de réussir ailleurs, décident de traverser les océans pour s’installer en Australie.

De son côté, Kate Kelly, jeune fille irlandaise, quitte son village sur les conseils de sa mère pour devenir gouvernante et échapper à la misère et à la condition féminine de l’époque. Elle entreprend ainsi la traversée vers l’Australie pour accompagner un veuf et ses enfants.

Patrick Dempster, dit « Paddy », petit voleur et meurtrier, recherché par la police, espère lui échapper en tentant sa chance vers l’Australie.

C’est sur le bateau que les quatre protagonistes vont faire connaissance et que leurs destins vont se lier durant les six mois que dure le voyage.

Paddy est très attiré par Kate qui le rejette sentant le mauvais homme, manipulateur. Et il souhaite s’associer à Henry pour tirer le maximum de profit de mines de pierres précieuses.

Australie, années 1960. De l’union de Maureen et Henry est née Myriam. C’est elle qui, à soixante-quinze ans, ayant découvert qu’elle a probablement été privée de l’héritage de son père, veut laver son honneur et s’associe les services d’un jeune avocat, Jake, pour mener la procédure en justice.

C’est à travers le récit de Myriam et ses rêveries que l’on découvre le destin de ses parents et le sien propre et ce qui l’amène aujourd’hui à s’interroger sur cette possible spoliation. On fait ainsi connaissance avec la nouvelle génération, la fille de Myriam, Chloé, artiste peintre, son ex-mari Léo, lui aussi artiste renommé, et ses deux petites-filles, Louise et Fiona.

On suit la vie et les aventures des personnages tant du passé que du présent, avec pour cadre d’une part l’Irlande miséreuse et d’autre part, l’Australie des mines, des « stations » d’élevage, des grands espaces, de la chaleur et de la poussière.

J’ai lu plusieurs ouvrages de Tamara McKinley, j’ai toujours aimé son talent de me faire m’évader totalement grâce à des destins de femmes hautes en couleurs, dans cette Australie où tous les rêves semblaient pouvoir se réaliser, et celui-ci n’y échappe pas. Dépaysement total, je me suis laissée porter par ce livre déniché en Ressourcerie en septembre 2018, et j’en suis ravie!

J’aimais mieux quand c’était toi

Véronique Olmi

CD audio lu par l’auteure

3 h 09 découpées en 15 plages, dont une interview de l’auteure de 26 minutes

Audiolib, 2015, Éditions Albin Michel, 2015

La quatrième de couverture est si explicite qu’il me semble plus simple d’en poster la photographie pour exposer le sujet du livre.

Je n’avais pas lu la quatrième de couverture car bien souvent sur les livres audio, elles sont plus explicites que sur les ouvrages papiers. Ça m’intéressait donc de découvrir un court livre écrit par l’auteure de Bakhita, lu et beaucoup aimé en 2018. Et de surcroît, qu’il soit lu par l’auteure elle-même, qu’elle puisse ainsi faire doublement passer ses intentions.

Mais j’ai eu quelques difficultés à rentrer dans l’histoire du fait de la voix de l’auteure. Bien qu’elle soit également écrivain de théâtre et comédienne, sa voix n’est, à mon sens, pas vraiment « radiophonique » et a gêné mon écoute. De plus, j’ai trouvé peu intéressant le début, sauf quelques réflexions de Nelly sur sa famille, ses enfants, son métier.

Le tournant du livre et d’une certaine façon une mise en abîme de son personnage principal intervient lorsqu’elle monte sur scène et se retrouve pétrifiée par ce spectateur inattendu.

Dès cet instant, le rythme est plus soutenu, une sorte de schizophrénie se met en place, Nelly la femme et Nelly l’actrice se dédoublent, semblent vivre des existences parallèles durant le premier acte de la pièce de théâtre. Il s’agit à mon avis du meilleur moment du roman : on vibre avec la comédienne, on voudrait la soutenir, l’aider à se lever, lui faire oublier la femme meurtrie pour ne plus se préoccuper que du jeu scénique.

Après cet acte, la narration perd à nouveau ce rythme, jusqu’au moment où Nelly décide de faire un choix quand à ce perturbateur, non seulement de sa vie de femme, mais aussi de sa carrière. Elle va le trouver pour lui signifier sa décision et on sent la tension lorsqu’elle se remémore leur passé commun, l’opportunité de l’avenir et les impossibilités qui s’offrent à eux.

À ce moment, la narration s’emballe, les mots sont des pulsations du cœur de la femme qui doute, et la femme prend le dessus sur la comédienne.

J’ai un avis très mitigé sur ce livre : des moments où je me suis franchement ennuyée, mon esprit vagabondant durant l’écoute. D’autres durant lesquels je me suis dit que j’attendais impatiemment de savoir pourquoi Nelly disait à son interlocuteur – réel ou imaginaire – de la gare de l’Est, qu’elle était « morte hier », que tout son univers s’était écroulé. D’autres encore où j’ai bien aimé en connaître plus sur le déroulement de la journée d’une comédienne, et sur ses ressentis : excitation, peur de perdre sa voix, son texte, nécessité de faire le vide pour ne se donner qu’à son personnage, obligation de faire face sur scène quoi qu’il arrive.

Et j’ai vraiment été happée par deux moments clés : comment Nelly doit affronter son spectateur inattendu, et la toute dernière scène.

Enfin, et c’est une première depuis que j’écoute des livres audio, un entretien avec l’auteure est placé en dernière plage (15) du CD. Durant vingt-cinq minutes, Véronique Olmi expose à la fois ses intentions d’écriture du présent ouvrage et son envie de porter elle-même la version audio, mais revient également sur d’autres livres et les sujets qui lui tiennent à cœur, sa manière de travailler. J’ai vraiment apprécié d’en apprendre ainsi plus sur l’auteure.

Le journal de ma disparition

Camilla Grebe

428 pages

Calmann-Lévy, 2018

Deuxième livre du challenge annuel lancé par Séverine (blog Ilestbiencelivre), avec pour le mois de janvier la consigne de lire un livre avec une couverture évoquant l’hiver.

Ce livre fait suite à Un cri sous la glace, on y retrouve les mêmes personnages, qui doivent aider à résoudre une vieille affaire du meurtre d’une enfant dans un petit village enneigé, Omberg.

Mais voilà que Peter a disparu. Hanne est retrouvée errant dans la neige et ayant perdu ses repères. La jeune Malin, inspectrice originaire du village, et qui avait autrefois découvert la fillette morte, va assister le policier Manfred, ami et collègue de Peter, pour mener l’enquête.

Jake, un jeune garçon déboussolé par la perte récente de sa mère, prend part malgré lui à cette affaire, car il a trouvé le journal que tient Hanne depuis que sa perte de mémoire devient plus prégnante. C’est au travers de sa lecture qu’on va comprendre petit à petit ce qui s’est passé.

L’histoire se construit donc de l’alternance du récit de Malin et de Jake, lui-même lisant le journal de Hanne.

On est quasiment dans un huis clos avec ce village reculé qui compte quelques familles disséminées par-ci par-là, une bourgade qui a perdu presque tous moyens économiques et dont les migrants, qui sont installés dans une ancienne boutique reconvertie en centre d’accueil, sont devenus la cible de propos et d’actes outrageants.

Une fois de plus, les personnages sont particulièrement fouillés, leurs ressentis décortiqués, avec en toile de fond la misère sociale et la xénophobie latente. Ils semblent tous être sur le point de basculer dans une autre vie : Hanne qui perd la mémoire, Jake qui cherche son identité, Malin qui doit se marier.

Le déroulement et la résolution de l’enquête vont les mener à s’interroger et à opérer des choix très importants pour leur avenir.

L’atmosphère est oppressante, la neige semble tout envelopper et permettre que les crimes restent impunis en effaçant les traces.

C’est très bien fait et malin de la part de l’auteure d’intégrer les pages du journal d’Hanne dans la narration de Jake… je n’avais qu’une envie, tourner plus vite les pages en me disant que si j’avais été le garçon, je serais allée directement à la dernière !

J’ai encore plus apprécié cet ouvrage que le premier roman de Camilla Grebe, j’ai hâte de lire le prochain qui sera édité en français !

Citations

« J’écris le journal de ma disparition. Pas physique, mais métaphorique – car chaque jour qui passe, je m’enfonce un peu plus dans le brouillard. »

« P. est comme une drogue pour moi. Une drogue extraordinaire dont je ne veux me passer sous aucun prétexte.

Il était la drogue ; j’étais la toxicomane, qui suis-je pour l’accuser à présent ? »

« Peut-être ai-je peur d’Ormberg – ou plus exactement, de ce qu’Ormberg ferait de moi si je restais. Je suis persuadée que je me transformerais, serais engloutie dans le désespoir qui plane sur ces contrées et deviendrais comme tous les autres.

Gris, étroits d’esprit, sans rêves. »