Marc Voltenauer
546 pages
Pocket, 2019, Slatkine et Cie, 2017
Un grand merci aux Éditions Slatkine et Cie pour m’avoir adressé ce livre en préalable de la rencontre du 25 mars 2019 avec l’auteur autour de son troisième opus L’aigle de sang. Et merci à Marc Voltenauer pour sa disponibilité à répondre à mes nombreuses questions 😉. (Cf l’article L’aigle de sang)
Un thriller champêtre, dans l’alpage suisse, où se croisent des personnages un peu paumés, marqués par la vie et l’enfance et qui vont devenir, pour certains, les acteurs malgré eux d’une machination qui les dépasse.
C’est ainsi que l’inspecteur Andreas Auer, suspendu de ses fonctions pour des faits relatés dans le précédent tome (que je n’ai pas encore lu, snif), va, malgré son congé forcé, enquêter sur la mort de deux vaches, celle d’un fermier, la disparition de plusieurs femmes et des transactions immobilières douteuses.
On découvre ainsi, dans la petite ville de Gryon, au fil de chapitres assez courts, un tueur à gages russe amateur de luxe à la James Bond (l’auteur aime beaucoup ce personnage), des éleveurs acharnés à gagner le prix de la vache de l’année, un homme hanté par sa mère, des jeunes gens un tantinet désœuvrés et amateurs d’alcool, dont les destins vont se heurter.
Andreas, aidé de son compagnon le journaliste Mikaël, va essayer de démêler tous les fils, tout en faisant face à ses propres cauchemars récurrents, qui l’amènent à s’interroger sur son passé.
J’ai trouvé la mise en place un peu longue, puisqu’il faut attendre une centaine de pages pour que l’action démarre vraiment. Mais j’ai compris ensuite combien cela sert l’intrigue, puisque le lecteur connaît déjà les façons d’être des protagonistes et leurs objectifs intimes sans pour autant que soit dévoilée la manière dont ils vont se croiser ultérieurement.
Marc Voltenauer explore au sein de plusieurs maisons les relations père-fils, l’absence de la mère – décédée, enfuie, disparue – qui malgré tout impose encore sa présence virtuelle dans le foyer abandonné. C’est ce qui fait tourner en bourrique le lecteur qui se dit tour à tour « c’est lui le jeune homme qui aimait sa mère »! Et se trompe forcément…
J’aime beaucoup l’écriture fluide, les descriptions précises, la narration d’histoires qui se superposent et s’entremêlent, l’humour distillé au moyen notamment du personnage du tueur à gages tellement décalé : Russe aimant le luxe, rêvant d’une retraite dorée mais tellement pointilleux et glaçant lorsqu’il s’agit d’exécuter son travail(❗️attention spoil : et si étonné, voire désappointé, quand on le devance!)… et qui éprouve des états d’âme au sujet de certaines de ses victimes en particulier.
Il y a de l’action, et l’attachement qui grandit pour le personnage d’Andreas laisse le lecteur en déroute à la fin, dans l’attente de la suite de ses aventures.
Quand on referme le livre, il flotte une étrange odeur de mort mêlée d’un parfum suave. Shalimar.
Citations :
« Dehors, la tempête faisait rage. Les instruments à cordes étaient la pluie, qui tombait avec un rythme effréné, saccadé. Puis le tumulte des vents, le rythme qui s’accélère, les trombones, les tubas, les cymbales, la grosse caisse. Dès les premières mesures, on pouvait prévoir le destin dramatique des héros. »
« Andreas avait de la peine à accepter l’idée que l’ombre mène une existence propre, parfois indépendante. Impossible de la diriger et de la contrôler complètement. Le risque, si on ne cherchait pas à la comprendre et à l’apprivoiser, était qu’elle étende subrepticement son voile dans l’inconscient. »
« Andreas s’était placé au centre, comme on le lui avait demandé. Il regarda les autres autres concurrents se ranger à côté de lui, un à un, avec sa vache. Le juge avait-t-il cette fois commencé par la fin ? Serait-elle classée dernière ? Lorsque toutes les vaches eurent rejoint le centre, le juge se dirigea vers Yodeleuze et mit sa main sur son dos. C’est à ce moment qu’il comprit. »