L’aigle de sang

Marc Voltenauer

511 pages

Slatkine et Cie, 2019

Au tout début, il y a une couverture : le visuel de ce coucher de soleil sur un hameau de maisons. Derrière, au verso, il y a une carte : Gotland, l’île et ses principales villes.

Ça commence plutôt bien.

Ensuite, il y a l’histoire. Celle de la recherche des origines de l’inspecteur Andreas Auer, qui, délaissant la Suisse et ses enquêtes, va se ressourcer dans la maison familiale de Gotland, petite île entre Suède et Estonie.

Et le lecteur est plongé dans la fin des années 70, avec une bande de copains qui décident de remettre au goût du jour une société secrète perpétuant les pratiques des Vikings. Andreas va comprendre que son destin s’est noué à ce moment-là en interrogeant, 38 ans après, ceux qui pourraient l’aiguiller sur ses origines. Car il se heurte rapidement au manque de collaboration de certains protagonistes, voire à leur hostilité.

Il est excessivement difficile de parler de ce livre sans en dévoiler l’intrigue. Alors je vais de nouveau me pencher sur la forme.

La construction est celle d’un roman de Camilla Läckberg : alternance de chapitres évoquant le passé puis le présent. Mais la force de Marc Voltenauer, qui revendique d’ailleurs cette influence, c’est que les chapitres sont courts, ce qui évite de se perdre dans l’histoire – ou dans les histoires, devrais-je dire. Car finalement on remonte encore bien avant les années 70, pour découvrir des faits qui vont nourrir le passé plus récent et le présent.

Un autre point fort réside dans l’attachement que crée l’auteur autour du personnage d’Andreas. Je l’ai découvert dans Qui a tué Heidi? Il y était au début dans une mauvaise passe professionnelle, puis réhabilité, c’est sa vie personnelle qui est impactée. Et dans L’aigle de sang, on comprend qu’Andreas a non seulement besoin de s’interroger sur lui-même, de connaître l’origine de ces cauchemars qui l’accablent chaque nuit, mais également de mettre une distance avec ses proches après les terribles événements survenus dans le précédent opus. C’est un homme en déroute, qui heureusement garde ses réflexes de policier, mais qui est profondément touché au fur et à mesure qu’il progresse dans sa quête. Et, ce faisant, il nous touche aussi.

Par ailleurs, la multiplicité de personnages ne m’a pas gênée ici. Elle permet à l’auteur de nous laisser errer entre différents coupables, différentes voies, et si ça m’agace prodigieusement quand je m’égare, cela maintient totalement en haleine. Et nous entraîne de la Suisse à la Suède, et de Gotland à Paris.

Enfin, l’écriture. J’aime lire, mais je n’aime pas, généralement, les descriptions. Sauf si elles sont bien tournées. Et c’est le cas ici. J’ai aimé les mises en scène du clan viking, je me suis délectée des promenades d’Andreas. Parce que Marc Voltenauer s’est beaucoup documenté, qu’il a rencontré des professionnels (policiers des différents pays, archéologue, …), parce qu’il connaît bien Gotland et qu’il y a rédigé son ouvrage, le lecteur se trouve immergé dans l’histoire, dans la géographie de l’île, visualise les scènes tel un film. Et tout y est : les explications sont données, rien n’est laissé en suspens, on referme le livre avec la réponse à toutes les questions qu’on aurait pu se poser au fil de la lecture. Cette écriture à la fois pleine de poésie en description et alerte dans l’action m’a embarquée jusqu’au bout et laissée pantoise en bout de course.

Lu d’une seule traite, en une journée, ce livre est assurément un coup de cœur! A quand l’adaptation cinématographique ?

Je remercie infiniment les Éditions Slatkine et Cie (merci Marion!) pour m’avoir adressé cet ouvrage et invitée à la rencontre avec l’auteur le 25 mars 2019.

Et je remercie chaleureusement Marc Voltenauer pour son accueil, sa gentillesse, pour les réponses qu’il a bien voulu m’apporter lors de mon quasi « interrogatoire » à cette occasion. 😉 C’était un moment très sympathique et convivial qui m’a permis d’apprécier l’auteur au-delà de son œuvre.

Citations

« C’était l’histoire de sa vie. Une existence tout en contrastes, entre des teintes éclatantes et blafardes, le clair et l’obscur, le flou, la netteté. La toile reflétait aussi la polarité entre sa vie passée et présente, entre une enfance désenchantée dans un village isolé et l’émerveillement de l’âge adulte dans une ville fourmillante, entre une lente déchéance et une ascension fulgurante, un gris pâle et terne évincé par un vert radieux. »

« – Tu as trouvé ?

⁃ Celui que j’étais censé être semble ne pas avoir existé. »

« Andreas était fasciné par la vie sauvage et la faune. Plus il passait du temps avec les humains en général, plus il avait envie de se retrouver dans la nature en compagnie d’animaux. »

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