Juste avant le crépuscule

Stephen King

Traduit par William Olivier Desmond

618 pages

Le Livre de Poche, 2012, Éditions Albin Michel, 2010

Juste avant le crépuscule est un recueil de treize nouvelles.

Il s’ouvre sur une préface de Stephen King qui explique les différences de travail de rédaction entre un court écrit et un roman, et ce qui l’a amené à écrire ces nouvelles.

En postface, l’auteur propose des notes dans lesquelles il éclaire la façon dont il a écrit et/ou porte une appréciation sur chacune de ces nouvelles. J’ai bien aimé savoir ce qui avait conduit à l’écriture sur tel ou tel thème.

En effet, il s’agit dans l’ensemble de nouvelles aux thématiques très variées, de longueur très différentes également, et pour moi une découverte de cet écrivain de grande renommée mais dont l’univers ne m’attirait pas a priori. Cependant, comme j’aime me faire mon propre avis, j’ai préféré tenter la lecture de courts récits plutôt que m’embarquer dans des volumes trop longs.

Voici donc mon avis sur chaque nouvelle :

1.Willa (39 pages)

Crowheart Spring, Wyoming.

Dans la gare de cette petite ville perdue, des personnages attendent un train qui semble ne jamais vouloir venir. David part à la recherche de sa fiancée Willa, qui a quitté la gare. Il la retrouve dans la bourgade qui se situe un peu plus loin, dans un bar dans lequel on donne un concert. Mais les gens autour d’eux paraissent les ignorer.

Je n’ai pas accroché au début de cette nouvelle, je ne la comprenais pas. Je me suis forcée à continuer et j’ai compris ce qu’il en était, mais c’est sans doute la nouvelle que j’ai le moins aimé. Peut-être vaudrait-il mieux ne pas commencer la lecture par celle-là…

2.La fille pain d’épice (53 pages)

Emily essaye de faire le deuil de son bébé Amy, décédée de la mort subite du nourrisson, en courant de plus en plus. Son mari Henry lui en faisant le reproche, elle décide d’aller s’installer dans la petite maison que possède son père dans les Keys de Floride, pour pouvoir courir tout son soûl. Alors qu’elle se remet petit à petit et commence à s’ouvrir à nouveau, Emily est entraînée malgré elle dans une aventure terrible. La course à pied pourrait bien jouer un autre rôle que de la remplir d’endorphines!

J’ai adoré cette nouvelle, presque un mini-roman, dont les descriptions sont précises et permettent vraiment de visualiser les scènes portées par Emily. L’explication du titre est donné dans les notes.

3.Le rêve d’Harvey (17 pages)

Connecticut.

Entre rêve et cauchemar, aux confins de l’illusion et de la réalité, une discussion entre deux sexagénaires qui d’ordinaire ne trouvent plus rien à partager, une angoisse qui monte : où s’arrête le rêve ?

Très courte nouvelle que j’ai bien aimée, car la vision de l’épouse sur son mari et ses enfants est sans filtre et pose la question des sacrifices personnels effectués pour mener à bien une vie familiale.

4.Aire de repos (29 pages)

Floride. Un auteur de romans qui écrit sous pseudonyme les aventures d’un héros qui n’a peur de rien, se retrouve confronté à sa propre peur et aux décisions à prendre en entendant une femme se faire battre par son conjoint

sur une aire de repos d’une autoroute.

Un peu de schizophrénie pour une histoire plutôt amusante.

5.Vélo d’appart (57 pages)

New York

Trop de cholestérol ? Vous devriez faire un régime! Voilà pourquoi Richard, graphiste, commence à utiliser un vélo d’appartement et se prend au jeu d’imaginer un vrai parcours qu’il dessine sur le mur… mais il semble que ce qu’il dessine ne reste pas à l’identique!

Sans doute ma nouvelle préférée, pour l’analogie (que je ne dévoilerai pas), et l’envie qui peut nous prendre parfois de « rentrer dans le tableau », entre rêve et réalité.

6.Laissés-pour-compte (51 pages)

New York.

« Objets inanimés avez-vous donc une âme? » disait en substance Lamartine. C’est un peu l’enjeu de cette nouvelle dans laquelle Scott, un ancien employé du World Trade Center, voit apparaître chez lui des objets ayant appartenu à ses collègues qui ont disparu dans l’effondrement des tours jumelles.

Une nouvelle très touchante.

7.Fête de diplôme (11 pages)

New York. Janice n’est pas vraiment de la même classe sociale que Bruce, son petit copain. Et sa famille à lui n’hésite pas à le lui rappeler : leur relation ne peut être que temporaire. Sauf que Janice a décidé qu’elle-même y mettrait fin ce soir, après la fête qui sanctionne l’obtention de leur diplôme. Ainsi, leurs chemins se sépareront. Mais la vie est pleine d’imprévus…

J’ai bien aimé la réflexion de la jeune fille sur les classes sociales, sa totale lucidité dans un monde très huppé mais dès lors très codifié.

8.N (91 pages)

Une jeune femme, Sheila, adresse un courrier assorti d’un dossier à un ancien ami d’enfance devenu médecin, Charlie. Son frère Johnny, ami commun devenu psychiatre, vient de se suicider, et Sheila pense qu’il a souffert des mêmes troubles que le patient dénommé « N » dans le dossier.

Aux confins de l’horreur et des troubles de l’esprit, Stephen King nous entraîne dans un champ d’incertitudes dans le Maine.

Êtes-vous bien sûr de vouloir lire ça ? Vous ne devriez pas!

9.Le chat d’enfer (27 pages)

Connecticut.

Un tueur à gages est sollicité pour tuer un chat, lui-même meurtrier de trois personnes. Par vengeance.

Le tueur à gages ne croit pas trop à cette fable, mais le contrat est juteux, alors il emmène le chat.

Brrrrr, je vais sans doute me méfier un peu plus de mon chat, désormais! Courte mais horrible nouvelle.

« Le chat somnolait et ronronnait sur les genoux de Halston, qui le caressait et le grattait de ses doigts de tueur professionnel. »

10.Le New York Times à un prix spécial (15 pages)

New York.

Annie vient de perdre son mari dans un accident d’avion et prépare ses funérailles quand le téléphone sonne : c’est James. Ses propos sont incohérents mais Annie est heureuse de lui parler.

Je ne pense pas avoir tout compris à cette nouvelle très bizarre!

11.Muet (39 pages)

Nouvelle Angleterre.

Monette, représentant de commerce toujours sur les routes vient se confesser auprès d’un prêtre et lui raconte qu’il a un jour pris un auto-stoppeur muet à qui il a raconté sa vie.

J’ai bien aimé l’histoire même si j’ai toujours du mal à me faire à l’écriture de Stephen King et que j’avais très vite deviné la chute.

12.Ayana (30 pages)

Pennsylvanie

Êtes-vous vraiment malade ? Peut-être qu’un baiser pourrait tout changer… Celui d’Ayana a tout changé pour le père du narrateur, et pour le narrateur encore plus!

« La définition médicale de miracle est erreur de diagnostic. »

13.Un très petit coin (90 pages)

Floride

Un beau quartier, de jolies maisons, un très beau terrain dont deux hommes se disputent la propriété : Curtis Johnson souhaite le conserver tel quel pour sa beauté, Tim Grunwald le promoteur y construire une autre de ses maisons.

L’antagonisme entre les deux voisins atteint son paroxysme lorsque Grunwald piège Curtis dans les sanisettes d’un de ses chantiers. Comment se sortir de ce si petit coin ?

Évitez de lire cette nouvelle avant de passer à table, sauf si vous êtes au régime!!! Les détails sont très « parlants », voire odorants, mais outre l’histoire de vengeance, on trouve ici la façon de réagir à une claustrophobie avérée (l’espace clos), mais aussi à une claustrophobie mentale.

Mon avis global :

Dans l’ensemble, les nouvelles (histoires) m’ont plu, mais je ne suis pas sûre de vouloir lire un roman de Stephen King dans sa totalité.

En effet, je n’accroche pas toujours à l’écriture, et surtout, je ne suis pas attirée par les histoires qui vont au-delà de la réalité (qui me mettent mal à l’aise) alors que je ne boude pas la science-fiction par ailleurs… J’ai ainsi lu les nouvelles dans le désordre, et surtout entre deux livres aux univers très différents.

J’aurais essayé !

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Toute une vie et un soir

Anne Griffin

Traduction de Claire Desserrey

269 pages

Éditions Delcourt Littérature, 2019

Quoi de plus banal qu’un vieil homme qui raconte sa vie?

Mais lorsque cette vie a été marquée par des grandes douleurs, la pudeur du narrateur est éprouvée.

Alors cet homme, Maurice Hannigan, accoudé au bar du Rainsford House Hotel, narre intimement sa vie à son fils -comme s’il était à côté de lui et non de l’autre côté de l’Atlantique-, en portant des toasts aux êtres qu’il a aimés. Ce faisant, le lecteur entre dans la tête de Maurice, dans ses pensées, son univers, et pénètre jusqu’à son cœur qui dévoile enfin ce qu’il n’a jamais dit. Car un Irlandais ne se confie pas, ne s’épanche pas, il subit et il se venge parfois. « C’est comme si on s’enfouissait toujours plus loin dans notre solitude. Tous ces hommes assis seuls au comptoir, remâchant en boucle les mêmes pensées. Si tu étais à côté de moi, fiston, tu entendrais rien de tout ça. Je saurais pas par où commencer. Dans mon cerveau, tout est clair, mais le clamer devant tout le monde, à quelqu’un d’autre ? »

Et l’on comprend comment l’enfance de Maurice et l’antagonisme avec la riche famille Dollard ont pu façonner l’homme qu’il est devenu, ou qu’il veut paraître. Car aux détours de ses souvenirs se dessine l’enfant éploré par le deuil de son frère adoré, l’homme profondément épris de sa femme mais qui ne le lui a pas toujours montré, le père fier de son fils mais trop peu à l’aise avec lui tant leurs univers semblent opposés.

Anne Griffin compose dans ce premier roman un portrait sans concessions mais tout en douceur de cet homme qui fait le point à l’automne de sa vie. L’écriture m’a attrapée tout de suite, je suis partie en Irlande dans ce bar, j’ai suivi Maurice à l’école et dans les champs, je l’ai vu se faire battre par Thomas Dollard, rencontrer sa belle-famille, se marier, … et si les larmes sont montées plus d’une fois au cours du récit, elles ont fini par déborder à l’issue de l’ouvrage.

Simplicité, honnêteté et pudeur font de ce vieil homme un personnage très attachant, qui nous fait partager les périodes importantes de sa vie et que l’on quitte sur la pointe des pieds, mais le cœur serré.

Je remercie les Éditions Delcourt Littérature pour m’avoir adressé ce très beau livre, tant par sa couverture attrayante que par l’histoire et son écriture.