Losing Leah

Sue Walfare

Traduction d’Anne Confuron

333 pages

Éditions de Saxus, 2019

Je remercie Lecteurs. Com et les Éditions De Saxus de m’avoir adressé Losing Leah dans le cadre du Cercle livresque.

Chris Hills et sa femme Leah partent rejoindre leur maison familiale au Pays-de-Galle et s’arrêtent à leur station-service favorite.

Mais alors que Chris va commander un café, Leah disparaît. Chris se met à la chercher, sans succès. La police est avertie, mais Leah demeure introuvable.

Le sergent Mel Daley est la narratrice de l’histoire et mène l’enquête avec son patron, l’inspecteur Harry Baker. Petit à petit, la vision idyllique de ce couple apparemment sans histoires s’effrite.
J’avais très envie de lire ce livre, car les histoires de disparition peuvent servir de départ à de nombreuses supputations.

On découvre ainsi un homme dévasté par la perte subite de son épouse, l’impossibilité pour lui d’admettre qu’elle ait pu s’enfuir ou être enlevée. D’ailleurs, les premières constatations des enquêteurs ne relèvent rien de tel.

Les enquêtes parallèles du sergent Daley dans la résidence habituelle du couple et de l’inspecteur Baker dans la maison du Pays-de-Galles vont apporter petit à petit des éléments d’information.

Pour l’amatrice de polars ou thrillers psychologiques que je suis, l’histoire me semble cependant de facture très classique. A part deux ou trois éléments que seule l’auteure pouvait garder jusqu’à la fin, j’avais deviné la majorité des retournements. Je me suis d’ailleurs essentiellement interrogée sur les modalités de la disparition de Leah, et non sur ses raisons, et c’est le suspens qui a maintenu mon attention jusqu’au bout.

Ainsi, comparer en quatrième de couverture Losing Leah à Gone girl est pour moi très loin de la réalité. Gone girl offre un roman superbement écrit et traduit, avec une tension palpable tout du long, et un génie dans la construction de l’histoire et des personnages qui fait paraître celle de Losing Leah bien pâlotte.

Il reste que j’ai bien aimé le sergent Daley, son opiniâtreté – même si ses problèmes personnels n’apportent rien à l’histoire, et les méthodes à l’ancienne de l’inspecteur Baker. La collaboration entre les différents services de police mérite elle aussi d’être soulignée.

S’agissant de l’écriture, je suis vraiment très partagée : à certains moments, majoritairement pour les dialogues, j’ai eu l’impression de lire des épreuves non corrigées, tant les erreurs de traduction, les incohérences (entre les questions et les réponses entre policiers notamment) et mots employés à la place d’autres sont nombreux (« intenter à sa vie », au lieu « d’attenter » par exemple). Ainsi, Daley est tantôt affublée du grade de sergent, de lieutenant ou d’inspecteur. A d’autres passages, et notamment lors des descriptions, l’écriture m’a semblée plus soutenue, comme si le livre avait fait l’objet de traduction très littérale d’une part, et de recherche littéraire d’autre part, ou de deux traducteurs différents. J’ai, à de nombreuses reprises, regretté de ne pas pouvoir le lire en version originale.

Cela a beaucoup gêné ma lecture, et sans doute également l’appréciation de l’histoire en elle-même.

Le dénouement est par contre plutôt bien ficelé, et laisse un petit frisson dans le dos…

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Peur

Dirk Kurbjuweit

239 pages

Éditions Delcourt Littérature, 2018

Peur est une histoire de meurtre.

Mais ce n’est pas tout à fait un thriller. Pas comme on l’imagine habituellement. Ou alors un thriller très psychologique.

Parce que Peur place le lecteur sous un autre angle de vue : ce qui peut amener un homme bien sous tous rapports, architecte renommé, à vouloir la mort d’un autre.

Et en fait, Peur raconte surtout la dérive de Rudolph Tiefenthaler, qui dénonce sa vie de peurs depuis l’enfance, peurs rationnelles ou non, engrangées par l’amour inconditionnel de son père pour les armes. Ce père qui, malgré une absence de relations avec Rudolph, joue cependant un rôle central dans le livre.

Il s’agit donc d’une approche de l’adulte sur l’enfant qu’il a été, avec des souvenirs quelquefois altérés, et des liens intra-familiaux qui vont forger cet adulte en devenir.

Et dans le cas de Rudolph, cet adulte est surtout un lâche ! Car Rudolph fuit. Il fuit les relations avec son père qu’il accuse de ne pas lui avoir suffisamment montré son amour. Il fuit les conversations avec sa femme Rebecca qui peut exploser de rage. Il fuit depuis toujours, et lorsque le voisin du dessous, Dieter Tiberius, commence à harceler sa famille, à accuser les parents du pire, que fait Rudolph ? Il n’a pas le cran d’affronter pleinement l’homme.

Pourtant ce voisin indésirable va mourir.

Rudolph le narrateur expose sa vie depuis l’enfance, sa conception du rôle du père, ses échecs dans sa vie de couple. La lucidité dont il fait preuve a posteriori est remarquable, car en quelque sorte l’histoire avec Dieter Tiberius a sauvé son couple de la déroute. Mais de cet être abject pouvait-il donc advenir le meilleur ?

C’est donc aussi une confrontation entre le bien et le mal, entre les choix de vie, que nous propose Dirk Kurbjuweit et au-delà du roman, une réflexion sur nos propres peurs et la façon de les gérer. De quel côté de la loi resterons-nous, si la loi n’intervient pas lorsque nous voulons protéger les nôtres ?

J’ai beaucoup aimé cette approche de l’auteur, et je remercie les Éditions Delcourt Littérature pour m’avoir permis de découvrir un roman d’une grande qualité. Mais je ne me suis pas vraiment attachée au personnage de Rudolph, peut-être à cause de sa trop grande lucidité justement. J’ai surtout eu l’impression d’être d’un côté le témoin des actions de la famille au regard du harcèlement de Tiberius et de l’autre, le confesseur des propos de Rudolph. Pour moi les moments les plus poignants sont ceux de l’enfance et de l’ultime confession de Rudolph.

Le roman est tiré de la propre expérience de l’auteur (merci Marie-Laure pour m’avoir éclairée!), dont le père était amateur d’armes et le harcèlement subi de la part d’un voisin a amené la destruction de sa vie familiale. Ça fait froid dans le dos.

Citations

« Nous avions grandi comme tout un chacun à l’abri des balles, mais la seule présence des armes changeait beaucoup de choses, elle ouvrait le champ des possibles et faisait planer une menace. Cela avait modifié notre manière de penser, parfois même, avec le recul, jusqu’à l’hystérie. Pour moi, la maison était l’endroit où l’on risquait de se prendre une balle. »

« Je savais y faire avec les gens, et j’étais un bon élève, apprécié et respecté. Mais tout cela est entaché par ces heures inquiétantes durant lesquelles je craignais que mon petit frère ou moi-même ne prenions une balle. J’ai certes eu une enfance heureuse, mais je ne peux pas en dire autant de mon adolescence. Le pire c’est cette sensation d’avoir manqué d’un père, il était distant, méprisant. »