Christy Lefteri
Traduction de Karine Lalechère
318 pages
Éditions du Seuil, 2020
Je remercie Babelio et les Éditions du Seuil pour m’avoir adressé ce livre dans le cadre d’une Masse critique privilégiée.
Nuri est l’apiculteur d’Alep. Toute sa vie tourne autour de sa femme Afta, artiste peintre, de leur fils Sami et des ruches qu’il exploite avec son cousin Mustafa.
Mais quand la guerre survient en Syrie, toute leur vie et leurs rêves s’effondrent.
Devenue aveugle, Afta se replie sur elle-même et refuse de quitter la ville malgré la violence qui y règne. Nuri finit par la convaincre d’entamer le périple qui les mènera jusqu’à Londres.
C’est Nuri qui raconte et se raconte. C’est à travers son regard qu’on découvre Alep la riche, la florissante, avant qu’elle ne soit saccagée par la guerre.
C’est son amour pour sa femme et son enfant qui transparaît tout au long de cette narration qui alterne la vie dans une pension de Londres et les événements qui ont jalonné le voyage depuis la Syrie.
Nuri dévoile alors les conditions de vie des migrants, la peur et la faim au ventre. C’est le jeune Mohammed qui s’accroche à lui et lui redonne espoir, telle une bille roulant vers son destin…
Christy Lefteri met en scène un homme attachant, profondément épris de justice et d’humanité. L’écriture m’a embarquée, j’ai vécu le voyage avec Nuri, je l’ai regardé entourer sa femme de soins. J’ai senti ses souffrances.
Et malgré les douleurs qu’il évoque, il se dégage une luminosité particulière de ce premier ouvrage de l’auteure : les abeilles, les ruches, le miel, ces ouvrières indispensables à la pollinisation, au renouveau des fleurs et des fruits, c’est le lien qui peut tenir en vie Nuri. C’est l’espoir de revivre enfin malgré tout ce qu’il a laissé derrière lui, malgré son sentiment de culpabilité.
Bien qu’il s’agisse d’une fiction, c’est le travail bénévole de l’auteure et l’observation de migrants dans un camp à Athènes qui a nourri son écriture, entre les horreurs perpétrées par certains et vécues par d’autres, et l’insouciance des enfants et l’espoir d’échapper à cette errance. Elle a traduit dans les personnages de Nuri et Afta les sentiments et les comportements qui affectent ceux qui ont subi les pires pertes. Et l’apparence peut ainsi être très trompeuse.
Ce que j’ai particulièrement aimé, dans cette écriture fluide, c’est le lien d’un même mot qui finit un chapitre et qui en commence un autre. C’est ce qui permet réellement au lecteur d’être dans les pensées de Nuri, de suivre son cheminement entre son ancienne vie et la nouvelle qu’il a tant de mal à envisager.
Un très beau livre et un coup de cœur !
Citations
« Elle portait un monde en elle, et ils s’en rendaient compte. Quand ils regardaient le tableau, puis ils la regardaient elle, ils comprenaient. Son âme était aussi vaste que les champs, le désert, le ciel, la mer et les rivières qu’elle peignait. Et aussi mystérieuse. On n’en finissait pas de la découvrir. »
« Mais c’était son rire que je préférais. Elle riait comme si la mort n’existait pas. »
« Dès qu’on s’éloignait du camp, la terre avait une odeur fraîche et sucrée, et les arbres bourgeonnaient. »
Après lecture de cette critique, j’ai énormément envie de le lire. Ça me refait penser à un livre de mon adolescence à peu près sur le même thème « Parvana, une enfance en Afghanistan » et sa suite. J’ai envie de le relire et de lire celui dont vous avez tracé les grandes lignes .
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Je ne connais pas le titre auquel vous faites référence (je vais donc me documenter), mais je suis ravie que ma chronique vous ait donné envie de découvrir Nuri et les siens !
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