Le dernier match de River Williams

Vincent Radureau

335 pages

Hugo Poche Collection Hugo Sport, mai 2020

Fin de lecture 29 juillet 2020.

Je remercie les Éditions Hugo Poche pour m’avoir adressé ce livre dans le cadre d’un service presse.

Il n’existe pas tant de romans policiers qui se déroulent dans le milieu sportif, j’étais donc très intéressée par l’histoire annoncée.

Lorsque des jeunes gens découvrent par hasard le cadavre d’un géant dans une faille d’un canyon de l’Utah, le lien est rapidement établi avec la disparition de River Williams, prodige du basket, disparu cinq ans plus tôt en plein milieu d’un match final de la NBA.

Jefferson Collins, lieutenant aguerri, est alors chargé d’enquêter, s’adjoignant les services d’un jeune sergent des services de secours fan de basket, Mickey Perkins. La journaliste Kelly Kaminski, accusée par les supporters d’avoir causé la disparition de River Williams par la révélation d’un scoop juste avant ce match déplorable, revient également dans sa ville natale pour réaliser un reportage.

Sur fond d’une nouvelle rencontre importante pour l’équipe des Jazz de Salt Lake City, ancienne équipe de River, le journaliste spécialisé Vincent Radureau propose une histoire qui mêle habilement arcanes du sport, souhaits d’évolution professionnelle, histoire familiale et Américains de souche.

Sans être exceptionnel, c’est plutôt plaisant : le rythme, les personnages, et surtout, surtout, ces très belles descriptions des paysages de l’Utah, qui m’ont donné envie de faire ma valise et de partir l’explorer, The River de Bruce Springteen dans les oreilles et… avec Mickey pour guide ! 😊

P. S. : J’ai un regret : qu’il n’y ait pas un petit glossaire reprenant les termes spécifiques au jeu de basket, peu accessibles pour la (presque) néophyte que je suis.

Citations

« Il n’était pourtant qu’un rookie, River Williams. (…)

On faisait mine de le cantonner au poste d’ailier fort, mais il avait la taille et les qualités pour briller à tous les postes, y compris celui de meneur ; il pouvait dunker, contrer, tout comme il pouvait passer et shooter à long distance. (…)

Un basketteur capable de dominer la ligue pour de très longues années, de collectionner les bagues de champion.»

« Le soleil se levait lentement sur L’Utah. Depuis le belvédère du Mineral Bottom Canyon, la vue était époustouflante, de celles qui vous font réaliser à quel point les mesquineries humaines sont futiles au regard des splendeurs de la nature. Un panorama si majestueux, si apaisant qu’il valait mieux éviter les selfies triomphants, au risque de passer pour un parfait demeuré. Il suffisait juste d’être là, et d’en prendre plein les yeux. »

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Le bal des folles

Victoria Mas

Livre audio lu par Audrey Sourdive

6 h 45

Audible, février 2020, Albin-Michel, 2019

Fin de lecture 27 juin 2020

J’ai entendu parler de ce livre dès sa sortie. Il a été en lice pour de nombreux prix, en a obtenu au moins quatre, dont le Prix Renaudot des Lycéens 2019. Ce n’est que mérite !

Le bal des folles est un bal organisé chaque année à la mi-carême par l’hôpital de la Salpêtrière, permettant ainsi aux internées de vivre un moment de réjouissances et au Tout-Paris de jouer aux voyeurs.

L’histoire met en scène quatre personnages féminins, placées dans le contexte social et médical de février-mars 1885, durant les préparatifs du fameux bal.

Louise est une jeune fille de 16 ans, internée par sa tante, et qui ne rêve que de mariage avec un beau médecin.

Thérèse, ancienne prostituée internée depuis vingt ans, est une référence à la fois pour les aliénées et pour les infirmières.

Eugénie, une jeune fille de très bonne famille, souhaite s’émanciper du joug paternel et n’imagine pas le sort qu’il lui réserve.

Geneviève, enfin, est l’infirmière la plus gradée de l’hôpital, respectée par les médecins et crainte des pensionnaires.

Dans cet hôpital aux dimensions d’une petite ville, se côtoient ainsi les vraies malades, mais également celles qui sont devenues une charge sociale ou économique pour leurs proches. La condition de la femme émeut peu ces messieurs qui lui préfèrent des solutions radicales : il faut céder, ou être enfermée.

Au cours des quelques semaines durant lesquelles se déroule ce roman, les quatre protagonistes vont être confrontées à des modifications substantielles de leur vision de la vie et de leur avenir.

Les moeurs de l’époque, entre religiosité et rejet de toute autre croyance, émergence d’une rationalité imposée par l’esprit scientifique ou satanisme, laissent peu de place à une pensée construite de manière individuelle, et encore moins pour les femmes. Il est d’autant plus remarquable que la majorité de ces femmes contribuent également à maintenir ce poids sur leurs congénères.

Sur un fond historique fort documenté, Victoria Mas (dont l’interview en fin de document m’a permis de mieux comprendre l’approche littéraire) donne vie à des femmes qui deviennent les porte-parole d’une génération sacrifiée sur l’autel du paternalisme et des recherches médicales.

L’écriture est remarquable, et fort bien interprétée par la comédienne. J’ai traversé les couloirs interminables de l’hôpital, me suis perchée sur un des lits du dortoir pour partager les préparatifs du bal, suivi les séances d’hypnose organisées par le docteur Charcot, accompagné Geneviève dans son studio et rangé avec elle les lettres qu’elle écrit inlassablement…

Un coup de cœur !

En lieu sûr

Ryan Gattis

Traduction Nadège T. Dulot

403 pages

Le Livre de Poche, 2020, Librairie Arthème Fayard, 2019

Fin de lecture 23 juin 2020

Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois de juin.

Douzième livre lu dans le cadre du jury.

Dans le Los Angeles post-crise des subprimes, est-il possible de se trouver un lieu sûr, paisible, protecteur ?

C’est la quête de Ricky Mendoza Junior, alias Ghost, mais aussi, sans qu’il s’en doute, de Rudolfo « Rudy » Reyes, alias Glasses.

Tout pourrait opposer les deux hommes : Ghost est un ancien junkie, passé du bon côté puisqu’il travaille pour un serrurier à l’ouverture des coffres-forts découverts par les agences gouvernementales, dont la DEA.

Glasses est à la solde d’un parrain de la drogue, Rooster, qui laisse, comme il se doit, ses lieutenants se salir les mains à sa place.

Mais un concours de circonstances va les mettre en présence : après des années de travail « clean », Ghost a décidé de prendre le contenu d’un coffre pour aider une personne qui lui est chère… mais le contenu de ce coffre appartient à Rooster !

Ghost doit fuir les fédéraux et les malfrats qui en veulent à sa peau. Mais un autre casse l’attend, pour une nouvelle « bonne cause »…

Le lecteur pénètre, via les pensées des deux protagonistes, dans un monde de violence et de peur du lendemain : une fois qu’on a mis le doigt dans l’engrenage de la drogue, il est impossible de s’en sortir, qu’on soit du côté du dealer ou du junkie. Et la passerelle entre les deux est si ténue !

Ghost veut néanmoins s’amender, ses pensées éternellement tournées vers une jeune fille, Rose, qui reste l’amour de sa vie. Alors qu’il entame son retour à la délinquance, les chansons de la cassette audio léguée par Rose le bercent et l’accompagnent.

Cet ouvrage est très particulier, puisqu’il met en présence deux malfaiteurs qui, bien qu’opposés apparemment dans leurs choix, sont à un tournant de leur vie. La violence est contrastée par la douceur des pensées de Ghost pour Rose et de Glasses pour sa femme Leyla et leur fils Felix. Ce qui peut d’ailleurs procurer un certain malaise au lecteur qui pourrait se laisser à un peu d’empathie pour eux…

Sur l’écriture, je n’ai pas trouvé disproportionné le recours à la vulgarité, au regard des personnages mis en scène. J’ai néanmoins regretté à certains endroits quelques redites, mais ne sont-elles pas l’apanage des pensées qui nous traversent lorsque nous somme soucieux ?

Ce polar est particulièrement mélancolique, et si j’ai apprécié cette approche particulière et le traitement des personnages principaux, je n’arrive pas à me décider pour savoir si je l’ai aimé ou non. Je le qualifierais plus volontiers d’expérience de lecture…

Citations

« Les portes blindées, ça sert à rien. Si ça ouvre pas quand ils frappent, c’est là que j’interviens.

Avec une serrure Medeco ou Schlage Primus, t’as probablement une ou deux minutes de plus pour te bouger le cul, détaler par la fenêtre de derrière et te retrouver face à un agent, gun pointé sur ta gueule, prêt à tirer si tu fais le mariole. Ou t’as peut-être un entrebâilleur avec une chaînette, mais vu que les Stups arrivent avec leur bélier, les chaînettes, c’est mignon. »

« J’ai une magnifique rose sur la poitrine, parce que son nom suffisait pas. Un tatouage, c’est comme un fil sous la peau. Ça rend réel l’invisible. Ça capture les rêves, les souhaits et les souvenirs, ça les brode à l’encre sur le corps pour qu’on puisse les emmener partout avec soi et les montrer, mais seulement quand on a envie. »

« C’est possible de nuire à quelqu’un qu’on n’a jamais rencontré, de vraiment lui faire du mal. Le plus gros problème quand tu fermes ta porte à la conscience pendant des années, c’est que, quand elle finit par rentrer, elle réclame tous les intérêts que tu lui dois. Des intérêts féroces. »

« Rose disait que personne n’est protégé dans ce monde. Il n’y a pas de lieu sûr. Jamais. Et quand on croit qu’on est en sécurité, c’est là qu’on l’est pas. C’est une des grandes vérités : tout l’argent que tu touches dans ta vie, c’est qu’un prêt. Tout est risqué. »