Le bruit des avions

Sophie Reungeot

281 pages

Harper Collins, Collection Traversée, 2020

Épreuves non corrigées

Je remercie Babelio et Harper Collins de me permettre de découvrir le premier roman de Sophie Reungeot, publié dans l’excellente collection Traversée, dans le cadre d’une Masse Critique privilège.

Le bruit des avions dresse le portrait de deux jeunes femmes tout juste trentenaires, que le destin va rapprocher le 13 novembre 2015.

Laura, joueuse professionnelle de pocker, qui parcourt le monde au rythme des tournois, s’interroge sur ses aptitudes réelles et noie plus souvent qu’à son tour ses défaites dans l’alcool et les rencontres d’un soir.

Audrey, architecte d’intérieur assujettie à une patronne plus qu’exigeante, qui démolit ses employés au moindre accroc, se sent à l’étroit dans cette vie trop réglée.

Si la vie actuelle de ces deux jeunes femmes semble être antagoniste, celle de leurs parents ne l’est pas moins.

Christine, l’anticonformiste mère de Laura, divorcée de son père Steven, le musicien de Las Vegas, n’a rien à voir avec la très rigide provinciale Nicole, mère d’Audrey.

Pourtant, chacune de ces familles cache un lourd secret, qui date des années 80.

Et lorsque Laura rentre par hasard en taxi chez sa mère à Paris et qu’elle y recueille Audrey qui vient de s’échapper du Bataclan, c’est un coup de foudre réciproque : entre Laura la solitaire et Audrey l’introvertie se tisse une amitié exemplaire qui va changer le cours de leur vie. Chacune trouve en l’autre une écoute et la possibilité d’assumer enfin ses fragilités, rompant ainsi avec les desiderata maternels. Audrey doit notamment s’affranchir des peurs liées à son évasion du Bataclan, – espaces clos, foule – du syndrome du survivant et du « bruit des avions » qui l’oppresse. Afin de se donner un projet et ne pas sombrer, elle décide donc de mener l’enquête sur sa tante, la sœur de sa mère, qui a mystérieusement disparu dans les années quatre-vingt. Entre Paris, Berlin et Las Vegas, les deux amies vont pouvoir donner une nouvelle impulsion à leur vie et faire enfin ce qu’elles aiment.

Il est délicat de réaliser une critique sur des épreuves, car elles ne correspondent pas forcément au tirage final édité. Néanmoins, j’aime lire ce qui est l’essence même du texte produit par l’auteur.

J’ai donc trouvé un peu brouillonne et un peu longue la mise en place de l’histoire, même si elle permet de bien comprendre l’état d’esprit de Laura et Audrey.

J’ai préféré la partie qui commence à leur rencontre, et la transformation qui s’effectue en chacune d’elle, grâce notamment au soutien de l’autre.

Au-delà de l’enquête autour des secrets de famille dont j’avais trouvé la clé dès le début, ce roman conte les conséquences des choix effectués, les ressorts possibles pour changer de vie, et les décisions qu’implique une belle amitié.

Ce qui m’a par ailleurs troublée, et fait froid dans le dos, c’est qu’il est bâti sur la répétition du déchaînement de haine terroriste qui marque la fin du vingtième et le début du vingt et unième siècle. J’y ai pris pleinement conscience de tous les cours de vie modifiés par les attaques de ces illuminés : à une seconde près, à un choix près, on en réchappe ou on y est totalement plongé, changeant irrémédiablement son destin.

Le bruit des avions s’inscrit parfaitement dans la Collection Traversée : des portraits d’hommes ou de femmes qui sont à la croisée des chemins, qui s’interrogent sur le sens de leur vie et décident enfin de la prendre en main.

Citations

« Audrey avançait, déterminée, ne reculait pas en dépit des nombreux signes d’hostilité lancés par Mika. Les grimaces de cette femme lui pourrissaient la vie depuis quatre ans maintenant. »

« Un cortège de serveurs vint interrompre Jean au grand soulagement de Laura. (…) Pour combien de temps encore maintiendrait-elle entre eux la barrière hermétique qu’elle s’était construite, cette phobie des liens sociaux qu’elle avait encore accentuée depuis qu’elle forgeait son mental pour être la meilleure au poker ? »

« Elle s’attendait à raconter la même histoire à chaque fois et à surmonter la vision de leur visage terrifié. Et cependant, ils ne pourraient jamais vraiment comprendre cette nuit, en saisir toute l’horreur. Ils essaieraient. Ils visionneraient de multiples reportages, des reconstitutions en images de synthèse, des témoignages. Mais compliqué de pouvoir imaginer ce genre de choses. Pour eux, cela ne resterait qu’une abstraite atrocité. »

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2 réflexions sur « Le bruit des avions »

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