La sentinelle

Roz Nay

314 pages

Hugo Thriller, novembre 2020

Fin de lecture 20 novembre 2020.

Je remercie Hugo Thriller pour m’avoir adressé cet ouvrage dans le cadre d’un service presse.

J’avais adoré Notre petit secret, qui a reçu en 2017 du prix Douglas Kennedy du meilleur thriller étranger, et j’avais hâte de découvrir ce deuxième roman de Roz Nay.

Dans ce nouvel opus, l’autrice met en scène un face à face entre deux soeurs que la vie a séparées : Alexandra Van Ness, assistante sociale pour la Protection de l’enfance, et Ruth Van Ness, paumée.

Tout est dit. Car tout ou presque oppose les deux sœurs : là où Alexandra, auprès de son compagnon Chase, a su construire une vie stable, tournée vers la protection des plus faibles, Ruth essaye d’échapper à la drogue et à la violence. Lorsqu’elle vient frapper à la porte d’Alex, et ainsi déranger son univers feutré, Ruth apporte avec elle un passé douloureux, tourné autour d’un drame qui a marqué à jamais leur enfance.

« J’ai eu plusieurs fois l’occasion, par le passé, d’en dire plus à Chase sur Ruth, de lui faire un portrait détaillé de ma famille, de lui raconter tout ce qui s’est passé à Horizon. Mais la vérité, c’est que je suis passée à autre chose et que je ne veux pas regarder en arrière. Je me suis débrouillée avec le gâchis que m’a laissé Ruth. Et c’est fini.»

Si Alex accepte à contrecœur d’héberger momentanément Ruth, elle y met une condition : sa sœur ne devra jamais parler du passé à Chase. Mais Ruth, qui voudrait pourtant consolider sa relation avec Alex, a du mal à résister, et à garder pour elle ce qui les a séparées.

« Il s’est à peine passé une heure depuis que j’ai promis de ne pas parler du passé. Voulait-elle dire son passé ou le mien ? Est-ce qu’elle englobait tout, ou seulement nos secrets ? Ça revient peut-être au même, de toute façon. Il est peut-être impossible de faire la différence entre les deux. Mais on ne vit pas et on ne pense pas uniquement au présent. Pas Alex. Pas moi. Si Chase doit traîner souvent dans les parages, je vais devoir rester sur mes gardes. »

Ce récit à deux voix, chacune s’exprimant tour à tour, dévoile peu à peu les faits, mais également les personnalités, complexes. Les informations distillées sèment ainsi le doute dans l’esprit du lecteur : que s’est-il vraiment passé durant ce lointain été ? Il vous faudra atteindre les toutes dernières lignes de ce livre pour le savoir !

Le talent de Roz Nay est de nous faire voir les faits par le truchement de chaque sœur et de faire basculer le lecteur d’un chapitre à l’autre vers l’empathie ou la colère. Alors que ces chapitres témoignent des pensées et faits de l’une puis de l’autre, on se retrouve comme dans un tribunal avec le témoignage des différentes parties confrontées à la même situation : elles se répondent et donnent chacune leur version, édulcorée puis de plus en plus précise, permettant ainsi au lecteur de se faire son opinion. Opinion qui oscille de l’une à l’autre, pour se forger finalement en certitude.

Confrontation du passé et du présent, de la vérité et du mensonge : entre les deux sœurs ennemies, que reste-t-il donc de l’amour ?

J’avais envisagé quelques points de l’histoire, mais pas le final ! J’ai beaucoup aimé ce thriller psychologique, et je serai ravie de retrouver, très vite, les histoires imaginées par Roz Nay.

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Némésis

Xavier Massé

320 pages

Éditions Taurnada, 5 novembre 2020

Fin de lecture 16 octobre 2020.

Je remercie les Editions Taurnada de m’avoir transmis ce livre en format numérique dans le cadre d’un service presse.

De Xavier Massé, j’avais déjà lu L’inconnue de l’équation, dont j’avais beaucoup aimé les ressorts psychologiques.

Dans Némésis, l’écriture s’est affirmée, et le lecteur est entraîné dès les premières pages dans l’horreur absolue : un meurtrier s’acharne sur les corps de ses victimes avec une extrême cruauté. Je n’ai ainsi pu m’empêcher d’avoir la nausée à la lecture de certains passages…

Mais cette histoire est aussi celle des retrouvailles de deux amis d’enfance devenus policiers, Vincent et David, au sein du village d’Aussié, près de Lyon, qui les a vu grandir. Et si David en est parti à l’adolescence, Vincent qui y est resté, fait appel à son ami pour résoudre l’enquête qui meurtrit la population.

David découvre que les habitants et les lieux ont bien changé depuis son départ, et tandis qu’une course contre la montre se met en place pour éviter d’autres victimes, il s’interroge sur le passé de certains villageois.

Je ne souhaite pas entrer plus loin dans les détails de l’histoire pour ne pas gâcher le suspense, à vous de découvrir ce qui se cache derrière cette série de meurtres !

C’est haletant, donne envie de poursuivre sa lecture pour en connaître l’issue, mêle les vieilles connaissances avec les nouvelles, les croyances au réel.

En lisant les aventures de ces deux policiers, on a l’impression de ne pas dormir, de les suivre dans leurs poursuites d’ombres mystérieuses à travers des champs bien entretenus, de veiller avec eux devant les maisons de potentielles victimes.

J’ai aimé l’histoire complexe mise en place par l’auteur, ce petit grain de sable qui peut tout changer, cette interrogation du destin : qu’est-ce qui fait que l’on devient ce que l’on est ?

Lu en deux jours, un polar bien ficelé et qui donne envie de continuer à suivre l’auteur dans ses œuvres… et une magnifique couverture !

Zoé et l’éléphanteur

Illustrations : Hélène Lacquement

Textes : Marion Lépineux

36 Pages

Éditions Astrid Franchet, 2020

Fin de lecture 21 novembre 2020.

Je remercie Babelio et les Éditions Astrid Franchet pour m’avoir adressé ce très bel album, à destination des plus de trois ans, dans le cadre de la Masse Critique jeunesse de novembre 2020.

Voici l’histoire de Zoé. Vous ne connaissez pas Zoé ? En général, je n’aime pas trop rencontrer des membres de la famille de Zoé… enfin, cela dépend surtout de leur taille…

Parce que oui, Zoé est une araignée ! Mais voilà, Zoé est « petite », « fine et élancée », ouf !

Et puis surtout, Zoé n’est pas intrépide, elle vit tranquillement sous le canapé du salon. Mais ce qui la terrifie, c’est l’éléphanteur. Comparé à la minuscule arachnide, cet animal est énorme, et son bruit détestable. Avalée par sa trompe monstrueuse, Zoé va être arrachée à son cocon douillet et découvrir d’autres univers, dont elle n’imaginait pas l’existence.

Quel bel album, sous tous les aspects !

L’histoire permet de confronter les peurs des humains, dont les jeunes enfants, à celles de nos colocataires à huit pattes, et de réhabiliter l’ordre des arachnides par des dessins joyeux et colorés.

Le format de l’ouvrage est agréable, il permet une bonne prise en main. La belle dimension des images rend ainsi possible l’accès à leurs détails avec l’enfant.

La couverture permet déjà de découvrir une Zoé bien distincte par sa forme de pompon de laine rouge, et cela élimine la peur attachée aux araignées, qualifiées bien souvent dans l’imaginaire collectif de « noires et velues ».

Les dessins sont simples et explicites, les couleurs de la première partie du livre essentiellement foncées. Puis, lorsque Zoé rejoint ses congénères, le livre semble s’animer, d’autres araignées-pompons vivement colorées apparaissent, modifiant la dynamique de l’histoire.

Cette transition ouvre (littéralement) la porte vers le monde du dehors, qui éclate de luminosité.

Le texte narratif est très court sur chaque page. Mais tel une poésie, le rythme est assuré par des rimes et par d’autres mots ou phrases positionnés au sein du/des dessin(s), qui semblent parfois émaner des illustrations plutôt que les souligner. Par ailleurs, les variations de police et de casse, les circonvolutions au sein des dessins et les modifications des couleurs du texte amplifient la dimension narrative.

L’humour, le choix des dessins et des textes, une certaine douceur qui se dégage, tout l’ouvrage donne envie de prendre un enfant contre soi et de lui faire découvrir la jolie histoire de Zoé !

J’ai eu un énorme coup de cœur pour cet album.

Pour prolonger la connaissance des araignées, à la fin du livre est indiquée la démarche à suivre pour trouver sur le site internet de l’éditeur un dossier documentaire. Réalisé par les auteures avec l’aide de l’arachnologue Christine Rollard, il s’agit d’un fichier pdf téléchargeable très intéressant, plein d’humour, agrémenté des dessins d’Hélène Lacquement.

L’ensemble est une belle réussite !

Storia

Collectif d’auteurs (cf détail plus bas)

410 pages

Hugo et Cie, octobre 2020

Fin de lecture 12 novembre 2020

Je remercie les Éditions Hugo Poche de m’avoir adressé ce livre.

Il s’agit, comme en 2018 avec Phobia , de la rédaction de nouvelles sur un thème imposé, par un collectif d’auteurs de thrillers. Ce livre est ainsi édité au profit de l’association ELA contre la leucodystrophie.

Dix-sept auteurs ont participé cette année à l’exercice, sur le thème des mythes, légendes et contes de fées, et j’ai beaucoup aimé cette revisite si particulière. Cela m’a permis également, comme à chaque recueil de nouvelles, de découvrir la plume d’écrivains que je n’avais pas encoe lus. Voici ci-dessous un bref résumé de chaque nouvelle, sans dévoiler bien évidemment leur fin… car à l’inverse des contes de fées… le dénouement n’est pas toujours très joyeux !

La fille aux allumettes Roy Braverman & Ian Manook Pp 13-27

Froideur de l’hiver pour ce conte moderne qui dénonce entre autres les jugements hâtifs des soi-disant bien pensants. On se prend très vite à aimer cette jeune fille qui cherche à rassurer ses proches.

J’ai beaucoup aimé le parti pris des auteurs, sans filtre.

Nico le petit saint Damien Eleonori pp 29-53

Des jeunes garçons se baladent à vélos dans la campagne et jouent à se faire peur près d’un camp de gitans. Des disparitions, des réapparitions. Une référence tout au long de la nouvelle à la légende initiale, un peu à la manière d’Agatha Christie.

La peau que j’habite (d’après Peau d’Âne) Johana Gustawsson Pp 55-73

Une jeune fille vient de perdre sa maman, et doit la remplacer au sein du foyer familial. Comment réintégrer son rôle initial de jeune fille ? Un coup de cœur pour la modernité de l’adaptation. (Et un clin d’œil à Thierry Jonquet).

Dur à cuire (d’après Le Petit Bonhomme de pain d’épices) Victor Guilbert Pp 75-104

Une policière malmenée par son corps se lance à la poursuite d’un tueur en série singulier. En trente pages, l’auteur réussit le pari de conquérir le lecteur par un attachement au personnage principal, une poursuite haletante… et une fin, ouah !!!!

L’une de mes nouvelles préférées.

Blanche et les sept assassins Jérôme Loubry Pp 105-123

Amsterdam, quartier rouge. Blanche exerce le plus vieux métier du monde, alors que sévit un tueur en série.

L’arbre de glace (d’après La Genèse) Mo Malø Pp 125-144

A travers l’expédition de trois scientifiques dans un coin inexploré du Groenland, Mo Malø décortique le sens de la vie et de la mort, en réinventant un jardin d’Eden glacé. Un conte philosophique.

Au bois hurlant (d’après La Belle au bois dormant) Armelle Carbonel Pp 145-168

Clara peine à maintenir en place les sept jeunes enfants dont elle a la responsabilité. En pleine forêt, sous des abris de fortune, elle leur conte La Belle au bois dormant sans se douter que leur vie va bientôt relever du mythe…

Le joyeux Noël d’Otto (d’après Le Bûcheron et ses trois fils) Thomas Enger (traduit du norvégien par Henning Enger) Pp 169-195

Le vieil Otto tient à sa forêt comme à la prunelle de ses yeux. Il en connaît chaque arbre, chaque souche. Sa forêt est donc l’objet de convoitise, surtout au moment des fêtes. Mais cette année, c’est décidé, il piègera le voisin qui lui vole habituellement le sapin qu’il s’est choisi pour Noël… Brrr quelle horreur !

Sangdrillon Nicolas Beuglet Pp 197-207

Quand un professeur entreprend de replacer, pour ses élèves, Cendrillon au cœur des mœurs en vigueur lors son invention… Une nouvelle complètement déjantée, qui m’a beaucoup fait rire !

Once upon a time… in L.A (d’après Pinocchio) Nicolas Duplessier Pp 209- 234

Quand un couple de policiers recherche un jeune voyou dans les bas-fonds de L.A., tout peut arriver.

Un de mes contes préférés, avec cette impression de visionner une série américaine.

Rouge (d’après Le Petit Chaperon Rouge) Ivan Zinberg Pp 235-266

L’auteur réussit le pari de revisiter le conte du Petit Chaperon Rouge tout en s’appuyant sur un fait divers qui a marqué le Paris des années 80, « Le tueur de vieilles dames ».

Les trois petits porcs Ludovic Miserole Pp 267-277

Les « Trois petits cochons » à l’heure d’internet, quand la louve vient se venger de ces bestioles beaucoup moins gentilles que dans le conte initial…

Un de mes préférés !

Paradise, lost and found (d’après Le Vilain Petit Canard) Christophe Dubourg Pp 279-303

Des années d’errance avant de se découvrir enfin, voici ce qu’essaye de raconter Paradise. Avec de nombreuses références cinématographiques qui émaillent son récit.

Le « Barbe-Bleu » Vincent Hauuy Pp 305-331

Brrrrr… Excellente adaptation en mode 2.0 du conte sanguinaire… A qui peut-on donc se fier ? J’aimerais bien lire la suite !

Boucles-d’Aur Lorraine Letournel Laloue Pp 333-361

Il vaut mieux éviter de tomber en panne de voiture en rase campagne… si on ne veut pas tomber nez à nez avec un… ou plusieurs ours !

La chute m’a fait beaucoup rire.

Le tout petit Pousset Jacques Expert Pp 363-383

Un petit enfant bien malin ! J’ai beaucoup aimé les descriptions du frère aîné et de sa femme, tous deux aussi répugnants que le petit est mignon.

La Belle ou la Bête ? Alice Morgane (lauréate du concours « Storia » sur Fyctia) Pp 385-400

Il ne faut jamais se fier aux apparences… un conte d’une extrême violence, psychologique et physique, qui dénote une grande maîtrise de l’écriture pour une jeune auteure que j’aurai plaisir à suivre.

P. S. Bilan global : je pensais alterner la lecture des nouvelles avec un autre livre, mais j’ai été emballée par ces revisites, et j’ai pris grand plaisir à les lire d’une traite. Beaucoup d’humour, des clins d’œil, une vraie réussite à partager avec les amateurs de thrillers et polars.