
David Diop
175 pages
Éditions du Seuil, août 2018
Fin de lecture 30 août 2020.
Ils étaient deux. Amis devenus frères. Sénégalais. Ils ont quitté leur beau pays pour défendre les couleurs françaises contre l’ennemi allemand durant la Première Guerre Mondiale.
Mais quand son frère Mademba chute définitivement, Alfa sombre lui aussi : vivant au-dehors, son psychisme mort à l’intérieur. Il va devenir un bourreau sans remord, un tueur en série qui collectionne les trophées et sème la terreur au sein d’une guerre ignoble. Car oui, la guerre permet de tuer, mais pas de se venger !
« Oui, j’ai compris, par la vérité de Dieu, que sur le champ de bataille on ne veut que de la folie passagère. Des fous de rage, des fous de douleur, des fous furieux, mais temporaires. Pas de fous en continu. Dès que l’attaque est finie, on doit ranger sa rage, sa douleur et sa furie. La douleur, c’est toléré, on peut la rapporter à condition de la garder pour soi. Mais la rage et la furie, on ne doit pas les rapporter dans la tranchée. Avant d’y revenir, on doit se déshabiller de sa rage et de sa furie, on doit s’en dépouiller, sinon ne joue plus le jeu de la guerre. La folie, après le coup de sifflet du capitaine signalant la retraite, c’est tabou. »
« Il faut me promettre qu’à ton retour tu ne mutileras plus les ennemis, c’est compris ? Tu dois te contenter de les tuer, pas les mutiler. La guerre civilisée l’interdit. Compris ? Tu pars demain. »
C’est un roman magnifique par l’évocation de la lumineuse Afrique, horrifique par la violence engendrée par la violence. L’écriture est riche, enlevée. C’est un court roman, mais un profond témoignage de cette terrible période, qui a bien mérité toutes les nominations et distinctions reçues en France comme à l’étranger en 2018 et 2019.