Les Grandes Occasions

Alexandra Matine

250 pages

Les Avrils, Delcourt, 2020

Fin de lecture 28 décembre 2020.

Je remercie Les Avril pour m’avoir adressé cet ouvrage, disponible en librairie le 6 janvier 2021.

Une famille : une mère, un père, quatre enfants, les petits-enfants. Mais une famille, ce n’est pas que l’association de personnes qui partagent un patrimoine génétique. Elle se construit également sur le vécu des parents, sur leurs souvenirs, les décisions qu’ils vont engendrer.

Et c’est cela que raconte Les Grandes Occasions. Esther la mère concocte un repas pour sa grande famille qui va se retrouver enfin réunie. Elle se remémore la construction et surtout l’éclatement de sa famille, entre préférences, non-dits et refus de s’impliquer. Elle qui a toujours souhaité garder autour d’elle ses enfants, n’a su surmonter ses propres faiblesses et affronter un mari incapable d’amour.

Qui cependant pourrait en vouloir à Esther de ses lâchetés ordinaires ? Car elle-même est assujettie à la volonté de son mari Reza, qui l’a choisie plus qu’elle ne l’a fait. Dans ce récit d’une mère, transparaît par moments la femme, lumineuse, celle qui se promenait sur la pointe des pieds. Mais la mère prend le dessus, toujours ! Elle est mère dans ses tripes, jusqu’au bout des ongles, même si elle n’ose pas, pour protéger ses enfants, affronter Reza qui ne pense qu’à lui. Portrait de famille, dans son joli cadre, qui se fendille quand on s’approche de trop près : les apparences sauvegardées pour l’extérieur qui doit d’extasier sur la réussite, mais la peine qui ronge Esther de l’intérieur.

J’ai adoré. Voilà.

C’est une magnifique et douloureuse fresque familiale que dessine Alexandra Matine, d’une superbe écriture.

Telle une spectatrice invisible, j’ai suivi Esther dans son quotidien, humé l’odeur du poulet du marché de Paris, celle de l’eau de roses et de fleurs d’oranger d’Iran, frémi avec le jeune Alexandre face à ses partitions détruites, me suis révoltée avec Vanessa. Et puis, j’ai marché sur les splendides tapis persans, tissés serrés et dont Reza peigne les fils afin qu’ils ne s’emmêlent pas… ces noeuds de la tapisserie familiale qu’Esther a voulu serrés, mais, qui craqués, qui distendus, vont peut-être se renouer une dernière fois…

Les silences et les cris. L’impossibilité pour chacun d’exprimer son ressenti, car l’éclatement serait pire encore. Mais les cris jaillissent malgré tout en cette chaude journée de juillet, une grande occasion de se retrouver autour d’Esther.

Un énorme coup de cœur.

« Bien sûr, une mère pardonne tout. Une mère on peut tout lui faire, elle pardonne. Une mère se quitte, s’ignore, se broie, s’oublie. Le délice des enfants, c’est de torturer leur mère en sachant qu’au bout il y aura toujours et l’amour et le pardon. »

« Dans la famille, on ne partage pas les espoirs ni les déceptions, c’est chacun pour soi. Mais personne ne se le dit. Ce n’est pas une règle. Ça s’apprend au cours de l’enfance. Ils ont essayé, les enfants. Au début. Ils ont émis des espoirs. Ils ont parlé aux parents. Et ils ont appris à ne plus le faire.

(…)

Alors on garde les espoirs pour soi. Les envies aussi. Pour ne pas les soumettre à l’énervement qui consume tout. Alors on s’évite. On se frôle en silence pour ne pas déranger la menace tapie. L’énervement, à fleur de peau, qui pourrait éclater. On ne parle que de choses. On ne parle jamais de soi. »

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