Le Stradivarius de Goebbels

« Et maintenant, que vais-je faire de ce violon qui refuse de se laisser apprivoiser ?», semble dire Nejiko Suwa. © CF 20/02/2021

Yoann Iacono

269 pages

Slatkine & Cie, 2021

Fin de lecture 20 février 2021.

Je remercie les Éditions Slatkine & Cie pour m’avoir adressé ce livre dans le cadre d’un service presse.

Il me semble avoir vu, il y a quelques années, mais il m’a été impossible de le retrouver, un documentaire sur l’histoire du « Stradivarius » offert par Goebbels à la violoniste japonaise Nejiko Suwa. Intéressée depuis toujours par la petite histoire de l’Histoire, et notamment ce qui touche à la Deuxième Guerre Mondiale, le livre de Yoann Iacono ne pouvait me laisser indifférente.

Il s’agit d’un « roman historique » comme le souligne l’auteur dans sa postface : issu de recherches documentaires très fouillées, son ouvrage est cependant rédigé à la manière d’un roman, ce qui lui confère sans doute une plus grande accessibilité.

Le souci est que j’ai toujours eu du mal à me plonger dans des livres mêlant historique et roman, mon esprit cartésien cherchant sans cesse à identifier la réalité de la fiction. Il m’a donc fallu trouver un moment privilégié pour lire quasiment d’une traite cet ouvrage et pour l’apprécier à sa juste valeur.

Le point de départ du livre est la lecture des carnets de Nejiko Suwa par le narrateur, chargé d’enquêter sur elle et son violon, et qui l’a croisée à quelques reprises : la musicienne qui s’est toujours refusée à lui parler, lui a cependant confié ses carnets avant sa mort. On y distingue donc une jeune Japonaise virtuose mais ingénue, préoccupée par son art mais indifférente à son implication dans la culture hitlérienne qui refuse l’interprétation des compositeurs juifs.

Nejiko est cependant devenue l’intermédiaire entre les deux empires, le Reich et Le Soleil Levant, dans une alliance scellée par l’offrande du fameux « Stradivarius », qu’elle n’arrive pas à apprivoiser. Interrogeant son ancien professeur, voici la réponse qu’il lui oppose :

« Si ce violon vous résiste, alors renseignez-vous sur son passé, apprenez à le connaître… Qui étaient ses précédents propriétaires, comment jouaient-ils… ? (…) Vous n’imposerez rien à ce violon. Vous devez apprendre à éprouver mutuellement vos âmes. »

La jeune femme craint alors de posséder un instrument volé, mais son attitude au cours des ans sera ambivalente : envie de savoir, refus de prendre conscience de ce que cela implique, et surtout de se séparer de l’objet qui est devenu SON violon, qu’elle lèguera à son neveu.

Ce livre n’est donc pas seulement l’histoire de Nejiko Suwa, mais bien au-delà, celle de l’expression musicale durant et après la deuxième guerre mondiale. Cela m’a énormément intéressée, car si l’on connaît généralement l’histoire de la spoliation des oeuvres d’art par le Troisième Reich, dont plusieurs films (Monuments Men, La femme au tableau, …) se sont fait l’écho, celle des instruments de musique et autres partitions reste plus méconnue.

Le livre évoque ainsi la création d’un Sonderstab Musik dont Gerigk, médiocre musicien, s’est servi pour spolier les musiciens juifs à Paris notamment. Il était chargé de confisquer leurs instruments et de les recéler avant leur répartition aux quatre coins du Reich. La liste de 1943 donne froid dans le dos ! Ironie suprême, Gerigk demandait au commandant du camp de Drancy de lui fournir des musiciens juifs pour entretenir ou nettoyer ces instruments avant leur transfert…

Au travers de la vie mouvementée de Nejiko Suwa, qui a traversé les continents en l’espace de quelques années, se dessinent les enjeux politiques et diplomatiques de l’époque. La jeune femme devient elle-même l’instrument dont on se sert pour appuyer un pacte, de guerre comme de paix !

« Toute sa vie, sauf peut-être le jour où elle a décidé seule de quitter le Japon pour poursuivre sa formation musicale à Paris, Nejiko aura bénéficié malgré elle du destin, du shukumei, d’opportunités qu’on a saisies pour elle, à sa place, malgré elle. Et toute sa vie, on se sera servi d’elle comme d’un symbole. Non pas de sa musique ni même véritablement de son violon, mais d’elle, de ce qu’elle incarne : naguère, la musicienne japonaise installée en Europe qui scelle l’alliance des deux empires, et, désormais la violoniste nipponne formée en Europe, modèle à encourager dans ce nouveau Japon modernisé que le général MacArthur est venu bâtir. »

Au travers de grandes parties identifiées comme des compositions musicales, Yoann Iacono esquisse le portrait d’une femme insaisissable, partagée, qui restera tourmentée par l’origine de son violon, tout en regrettant par instants la vie luxueuse et bien remplie qu’elle menait dans le Paris occupé…

Une des vertus de cet ouvrage a donc été pour moi de découvrir, au travers de la vie de cette artiste, la scène musicale et ses enjeux durant l’occupation (et même après avec les grandes figures du jazz rencontrées par le narrateur) et d’enrichir mes connaissances du sujet par de nombreuses heures de recherches sur internet !

C’est ainsi que j’ai pu explorer le site https://musique-et-spoliations.com/ qui expose l’admirable et ardu travail de restitution des instruments à leurs propriétaires légitimes.

Il faut ainsi lire Le Stradivarius de Goebbels pour entrevoir Nejiko Suwa sur scène, dans son appartement luxueux, dans une cabine de bateau, dans le bunker d’Hitler, pour s’interroger avec elle sur ce qui fait sens :

« Je viens pour faire de la musique, et la musique véhicule des sentiments universels parmi lesquels l’aspiration à la non-violence et à la paix. »

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Le prieuré de Crest

Sandrine Destombes

348 pages

Hugo Thriller, 2019

Fin de lecture 13 février 2021

Quand le gendarme Benoit exerce un contrôle de routine sur une 205 qui fait quelques embardées, il ne s’imagine pas qu’il va déclencher une succession d’événements dramatiques. La conductrice et l’enfant qui l’accompagne, tiennent des propos incohérents, qui éveillent les soupçons du gendarme. La conductrice s’enfuit, et après une courte course-poursuite, la voiture sort de la route.

La conductrice meurt bientôt, la petite Léa est hospitalisée mais très vite enlevée.

L’appui des experts du Pôle Judiciaire de la Gendarmerie Nationale s’avère nécessaire, d’autant plus que le cadavre d’un homme recherché vient d’être retrouvé non loin, nucléé.

La petite ville de Crest, dans la Drôme, sombre alors dans l’inquiétude. Les cadavres s’amoncellent. Une mystérieuse association située au Prieuré de Crest, qui recueille des femmes victimes de violences, devient bientôt le cœur de l’enquête. Joséphine Ballard, sa responsable, défend pourtant avec ferveur ses protégées.

Le jeune Benoit, associé aux différentes recherches par le Capitaine Daloz avec les lieutenants Vernet et Gardel, découvre des méthodes d’interrogatoire poussées et apprend des techniques d’investigation de la part de ses aînés, ce qui le ravit.

« Benoit était attiré par la criminalistique comme un aimant, or ces hommes y dédiaient leur vie. Ils agissaient sur tout le territoire français, étaient appelés en renfort par toutes les brigades de la gendarmerie. Cette famille, il rêvait depuis trop longtemps de l’intégrer pour retourner à sa caserne comme il le faisait chaque soir depuis deux ans. »

Petit à petit, avec le travail acharné de tous, les contours de l’affaire deviennent plus clairs, permettant sa résolution en une semaine à peine.

Lu quasiment d’une traite, j’ai trouvé le rythme de ce livre très soutenu, avec des retournements de situation qui remettent en cause les certitudes des enquêteurs. Sandrine Destombes s’y entend pour mener ses personnages – et donc le lecteur – par le bout du nez !

J’ai trouvé utile, au-delà de l’intrigue très fouillée, le traitement particulier de plusieurs thématiques.

La place des femmes, les violences dont elles sont victimes et les conséquences qu’elles engendrent, forment ainsi un sujet majeur de ce livre.

C’est également très intéressant du point de vue des rapports sociaux, car une large part est faite à la psychologie des protagonistes de l’histoire. Et on y découvre aussi une sorte de parcours initiatique d’un jeune militaire par ses pairs plus expérimentés.

Un polar bien agréable, qui confirme mon intérêt pour l’auteure de La Faiseuse d’anges.

Bilan Janvier 2021

Lectures de janvier 2021 © CF 13/02/2021

Une nouvelle année qui a très bien commencé côté lecture, avec déjà des jolis coups de cœur ❣ ! Et à nouveau l’envie de lire, en alternant nouveautés et livres qui dormaient sur mes étagères…

7 ouvrages, ce n’est pas beaucoup, mais je me suis régalée :

  • Douve, Vincent Guilbert
  • Jusqu’à la fin, Carlène Thompson
  • Les Bordes, Aurélie Jeannin
  • L’espion anglais, Daniel Silva
  • La trahison Prométhée, Robert Ludlum
  • Le Premier Homme du monde, Raphaël Alix
  • L’émouvante et singulière histoire du dernier des lecteurs, Daniel Fohr

Bilan année 2020

La sélection polars pour le Prix des Lecteurs du Livre de Poche 2020 © CF 8/2020

Une année bizarre, beaucoup moins de facilité à me concentrer, donc moins de lectures : 101 comptabilisées ! Mais de belles découvertes, et la participation à un jury de lecteurs pour le prix polar du Livre de Poche, qui s’est avérée une chouette aventure.

Toutes mes lectures n’ont pas fait l’objet de chroniques, et certaines sont en cours (chroniquées ou en cours sont soulignées)… Les livres audio sont en italique, les coups de coeur en gras, les abandons barrés, et les livres lus dans le cadre du prix des lecteurs sont siglés d’un (J).

Janvier 12

  • Sauf – Hervé Commère
  • La vie rêvée des chaussettes orphelines Marie Vareille
  • Préférer l’hiver – Aurélie Jeannin
  • Animal – Sandrine Collette
  • Millenium 6-La fille qui devait mourir – David Lagercrantz
  • Ces jours qui disparaissent – Thimoté Le Boucher
  • La science de l’esquive – Nicolas Maleski
  • Malfosseauteurs multiples
  • Shangri-La – Matthieu B
  • Dans son silence – Alex Michaelides(J)
  • Présumée disparue – Susie Steiner(J)
  • Le long voyage de Léna – André Juillard/Pierre Christin

Février 7

  • Le guide mondial des records – Tonino Benacquista/Nicolas Barral
  • Le démon de midi – Florence Cestac
  • Octobre Soren Sveistrup
  • Comme des bleus – Marie Talvat/Alex Laloue
  • Le plus petit baiser jamais recensé – Mathias Malzieu
  • Organigramme – Jacques Pons
  • L’empathie – Antoine Renand

Mars 5

  • Psychopathe – Keith Ablow
  • Dix petites poupées– B.A. Paris (J)
  • Avalanche Hôtel – Niko Tackian (J)
  • Déni, mémoire sur la terreur – Jessica Stern
  • Annabelle – Lina Bengtsdotter(J)

Avril 9

  • Mamie Luger – Benoît Philippon(J)
  • L’apiculteur d’Alep – Christy Lefteri
  • Malamorte – Antoine Albertini (J)
  • La route du cap – Jennifer McVeigh
  • Le douzième chapitre – Jérôme Loubry (J)
  • Comme une eau dormante – Jayne Ann Krentz
  • L’écho du temps – Kevin Powers
  • Une triche si parfaite – David Baldacci
  • Meurtre chez un éditeur – J.B Livingstone

Mai 8

  • Terres fauves – Patrice Gain (J)
  • Et l’été reviendra – Gilbert Bordes
  • Meurtre à l’anglaise – Cyril Hare
  • La chambre indienne – Serge Brussolo
  • 3 secondes – Roslund et Hellström (J)
  • Bleu Calypso – Charles Aubert
  • L’affaire Farid Ouzzane – J.M. Bloch/Rémi Champseix
  • Langelot et le gratte-ciel – Lieutenant X

Juin 7

  • Six filles à marier – Franck et Ernestine Gilbreth
  • Survivre – Vincent Hauuy
  • Sirènes – Joseph Knox(J)
  • En lieu sûr – Ryann Gattis (J)
  • Ghost in love – Marc Lévy
  • Le bal des folles Victoria Mas
  • Trois heures du matin – Gianrico Garofiglio

Juillet 7

  • Fleur de cadavre – Anne Mette Hancock (J)
  • Le triomphe des ténèbres – Giacometti et Ravenne
  • La nuit du mal – Giacometti et Ravenne (J)
  • Octobre – Soren Sveistrup (J)
  • Castelletto-Chiara – Emma Mars
  • Le tatoueur d’Auschwitch – Heather Morris
  • Le dernier match de River Williams – Vincent Radureau

Août 11

  • Cari Mora – Thomas Harris (J)
  • Ce qui se dit la nuit – Elsa Roch
  • De bonnes raisons de mourir – Morgan Audic (J)
  • La vraie vie – Adeline Dieudonné
  • Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même – Lise Bourbeau
  • Les prisons familiales – Anne-Laure Buffet
  • À corps ouverts – Nathalie Guyader
  • Miel et vin – Myriam Chirousse
  • Manuel du randonneur – Rob Beattie
  • Petit guide de survie – Ken Griffiths
  • Frère d’âme – David Diop

Septembre 9

  • La dislocation – Louise Browaeys
  • Jazz à l’âme – William Melvin Kelley
  • Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon – Jean-Paul Dubois
  • Confessions d’une sage-femme – Diane Chamberlain
  • Ne pleure plus – Joy Fielding
  • Regard oblique – Dean Koontz
  • La faiseuse d’anges – Sandrine Destombes
  • Presque génial – Benedict Wells
  • Rue de l’Atelier – Collectif

Octobre 7

  • Trois chemins vers la mer – Britt Bildøen
  • L’irrésistible histoire du café Myrtille – Mary Simses
  • Le bruit des avions – Sophie Reungeot
  • Les Aventuriers de l’Autre Monde – Luca Di Fulvio
  • Némésis – Xavier Massé
  • Se cacher pour l’hiver – Sarah St-Vincent
  • La loi des hommes – Wendall Utroi

Novembre 9

  • Wonderland – Jennifer Hillier
  • Les jardins d’hiver – Michel Moatti
  • Storia – Collectif
  • La forêt de la peur – Michelle Gagnon
  • La Sentinelle – Roz Nay
  • Inexorable – Claire Favan
  • Zoé et l’éléphanteur – Hélène Lacquement/Marion Lépineux
  • Confessionnal – Jack Higgins
  • Max – Sarah Cohen-Scali

Décembre 10

  • Tu comprendras quand tu seras plus grande – Virginie Grimaldi
  • 1Q84 tome 1 – Haruki Murakami
  • A pas de loup – Isabelle Villain
  • Astérix, les vérités historiques expliquées -Bernard-Pierre Molin
  • Tant qu’il reste des îlesMartin Dumont
  • Les Grandes Occasions Alexandra Matine
  • Karen Blixen, Une odyssée africaine – Jean-Noël Liaut
  • Les yeux d’Edith,Tome 1 : Cambremer
  • Les yeux d’Edith, Tome 2 : Calvados -Jean-Blaise Djian/Nicolas Ryser
  • Les protégés de Sainte Kinga Marc Voltenauer