La vie qui m’attendait

Julien Sandrel

332 pages

Le Livre de Poche, 2020, Calmann-Lévy, 2019

Fin de lecture 26 mars 2021.

J’avais emprunté en bibliothèque «La Chambre des merveilles et eu le plaisir de rencontrer Julien Sandrel lors d’un salon du livre, j’avais apprécié sa simplicité.

Lors d’une séance de shopping improvisée fin janvier 2021, j’ai donc acheté « La vie qui m’attendait », pensant y trouver une alternance agréable avec les polars qui fondent majoritairement mes lectures. Je ne me suis pas trompée !

Romane est médecin généraliste à Paris. Bientôt quarantenaire, célibataire, sa vie est plutôt morne et gâchée par de multiples phobies. Sans famille à part un père ultra protecteur, en ce mois de juillet 2015, elle se demande quel projet élaborer pour ses vacances.

« Vieille, seule, hypocondriaque, pathétique, mais qui se soigne. Ou du moins, qui essaie. »

Et l’occasion lui en est donnée par une patiente qui lui affirme l’avoir vue avec certitude lors d’une consultation dans un hôpital de Marseille. Romane, intriguée, brave ses phobies pour vérifier l’information et découvre en Avignon une femme qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau : c’est Juliette, qui tient une librairie, et qui est donc sa sœur jumelle.

« C’est elle, mais ce n’est pas elle. Une autre elle-même. »

Les deux femmes ignoraient tout l’une de l’autre, et le mystère autour de leur naissance a été bien gardé. Romane souhaite découvrir la vérité, mais Juliette a besoin d’elle : sa maladie nécessite une hospitalisation, elle ne veut pas en informer ses proches, Romane va devoir prendre sa place durant quelques jours. Et cela ne va pas être de tout repos de donner le change aux proches de Juliette, aux habitués de la librairie et à ce patient pas comme les autres qui lui l’a reconnue.

Ce livre présente à peu près tout ce que j’aime : du suspense, des retournements de situation, des quiproquos, des bons – et moins bons – sentiments, énormément d’humour ! On y croise des personnages hauts-en-couleur, tels Gloria ou Désiré, deux héroïnes au physique semblable mais aux personnalités bien différentes, des drames qui entraînent des décisions modifiant le cours de plusieurs vies.

Et en prime, une jolie écriture, un rythme adapté aux différents événements que vivent les personnages : la scène de la rencontre entre les deux sœurs est magnifique.

J’ai aimé me plonger dans cette histoire pleine d’espoir, parcourir avec Romane la France du Nord au Sud et inversement, la voir peu à peu lâcher prise pour accueillir les différents amours qui peuvent enrichir une vie. Je me suis émue, j’ai ri, j’ai frémi, je me suis indignée : toute la palette des émotions y est passée ! après tout, c’est exactement ce que j’attendais… puisque, comme Romane,

« Le pouvoir émotionnel des livres m’a toujours fascinée. »

Coup de cœur !

Publicité

Supernova

Dimitri Kantcheloff

189 pages

Les Avrils, Groupe Delcourt, 2021

Fin de lecture 20 mars 2021.

Je remercie Les Avrils pour m’avoir adressé ce nouveau roman de leur superbe collection dans le cadre d’un service presse.

Une journaliste de l’AFP avide de sensationnel, un vieil homme avide de liberté : leurs chemins vont se croiser à l’occasion de l’observation d’un phénomène physique et astral, la splendeur d’une supernova comme nul n’en a vu depuis cinq cents ans.

Ce sont les apparences : finalement Chloé ne vient réaliser ce reportage auprès de Charles que parce qu’elle a besoin de nourrir sa famille. Elle l’ancienne grande reporter baroudeuse a mis de côté ses rêves et est rentrée dans le rang : « un mariage, deux enfants, un emprunt à 3,75 % sur vingt-cinq ans. (…) Les tueries familiales remplacèrent les insurrections populaires. » Désormais divorcée mais chargée de famille, elle subit la pression de son rédacteur en chef.

Pourtant, Chloé ne veut pas aborder Charles comme les autres journalistes : elle est pleine d’imagination. Du maigre dossier de presse, elle comble les trous et invente la vie de l’inconnu en attendant de l’interviewer pour de bon, sur ce qui l’intéresse lui.

De son côté, Charles est parti de Paris depuis fort longtemps pour vivre sa retraite dans le sud, près de la mer, pour scruter tout à soif le ciel et les paysages qui ne laissent de l’éblouir.

« Pas âme qui vive. Nulle trace d’une quelconque humanité sinon passée. Il n’y a plus que le ressac et le vent, les goélands et lui. Charles se sent à sa place, ici, comme une bête ayant retrouvé sa liberté après de longues années de captivité. Pourtant, il le sait, le redoute : ils arriveront bientôt. Ce sera le mois d’août et la plage disparaîtra sous un amas de corps étendus.(…) La vanité embrasera chaque parcelle de l’endroit. Il ne restera rien de ce paradis, ni sa beauté ni sa douceur. Qu’un incendie de cris et de joie molle. »

Charles est un solitaire, un original diront certains. Surtout, Charles ne demande rien d’autre que de chérir en paix ces moments consacrés à la magnifique étoile qui brille depuis quelques jours de mille feux. Son étoile en fait, puisqu’il en est le découvreur. Et c’est ce qui va faire son malheur :

« Mais l’apparition d’une supernova assez proche et assez puissante pour être vue de la Terre (…). C’est historique. Aussi, les agences spatiales occidentales décidèrent-elles, sans demander son avis à Charles, de revenir à la tradition en nommant la chose du nom de son découvreur.

Ce serait la supernova de Korzybski. »

Et c’en est fini de la paisible retraite de Charles. Sa maison est assiégée de cameramen, de journalistes, d’indésirables donc. La seule solution, c’est la fuite. Mais Chloé le suit… de loin… puis de près. De trop près.

Dans ce premier roman, Dimitri Kantcheloff mêle tout à la fois une magnifique poésie qui transparaît dans les descriptions des paysages terrestres, marins et bien évidemment célestes, avec la noirceur des enjeux médiatiques et du scoop à tout prix.

En moins de deux cents pages, il provoque des émotions contrastées, un attachement aux personnages qui, s’ils se rencontraient dans un autre contexte, pourraient sans doute évoquer leurs solitudes respectives.

Il dénonce la volatilité de l’instant présent, la pression des organes de presse toujours en recherche de plus d’action : « Un engouement invariable pour l’horreur continue de tout emporter. » La rencontre de Charles et de Chloé, juste un entrefilet désormais…

J’ai beaucoup aimé !

L’île du diable

Nicolas Beuglet

307 pages

Pocket, 2020, XO Éditions, 2019

Fin de lecture 8 mars 2021.

C’est le troisième et dernier livre de la trilogie Sarah Geringën. Le plus court aussi. Mais pas forcément le moins haletant.

Car là encore, j’ai été bluffée. On explore en effet l’histoire de Sarah et de sa famille. Sarah qui ressent des sortes de réminiscences. Qui, après une année éprouvante due à ses aventures décrites dans le deuxième tome, doit affronter un effroyable drame familial : son père, peu affectueux et avec lequel elle entretient des relations tendues, vient d’être assassiné. Son visage exprime la terreur, son corps est recouvert de poudre blanche et le légiste ami de Sarah trouve une clé dans son estomac.

Sans Christopher, Sarah se sent seule… elle l’est. Ou presque. Car même si elle n’a pas encore recouvré toutes ses charges policières, son chef continue à lui faire confiance et lui adjoint un policier efficace, Adrian Koll, sur lequel elle consent à s’appuyer.

Et elle découvre des facettes de son père totalement inconnues, qu’elle ne peut comprendre : une mystérieuse femme semble avoir été en relation constante avec lui, au mépris de sa vie conjugale.

Adrian et Sarah vont devoir mener l’enquête très loin, en Sibérie, jusqu’à l’île du Diable, dans un village particulièrement hostile. Sarah y est alors immergée avec horreur dans les moments terribles vécus par ses aïeux.

Nicolas Beuglet prend un malin plaisir à tourmenter son personnage fétiche, à lui infliger les pires douleurs physiques et psychiques pour en explorer définitivement les ressorts.

Quelle trilogie ! Avoir passé un week-end en compagnie de Sarah Geringën, de ses collègues policiers et de ses proches m’a fait voyager hors du temps. J’y ai pris un immense plaisir et ressenti une sorte de manque à l’issue de ma lecture : je me suis attachée aux personnages, ai passé outre les apparences pour entrer dans leur vie, vibrer avec eux : même si probablement aucun policier ne vit en si peu de temps des affaires aussi monstrueuses !

Complot

Nicolas Beuglet

574 pages

Pocket, 2020, XO Éditions 2018

Fin de lecture 8 mars 2021.

Deuxième opus de la trilogie Sarah Geringën.

Sarah commence une nouvelle vie en Norvège avec Christopher et Simon. Elle n’a pourtant pas la possibilité de savourer pleinement ce nouveau bonheur, car elle est sollicitée par les forces spéciales pour intervenir sur une scène de crime particulièrement abjecte. D’autant que la victime est une personnalité en vue : la première ministre norvégienne.

Sarah va essayer de mener l’enquête alors que nombre d’obstacles semblent lui barrer la route, depuis les instances les plus hautes du pays.

Grâce à l’aide précieuse de Christopher, elle dévoile peu à peu un terrible secret, qui pourrait changer le regard sur l’humanité : c’est une course haletante qui s’opère, les meurtres s’enchaînent, œuvres de barbares commandés par des politiciens sans vergogne.

A la recherche d’autres femmes détentrices de ce secret, Sarah et Christopher bravent les interdits ancestraux jusqu’en Égypte.

Traquée par des ombres jusqu’en Italie, Sarah voit sa vie totalement bouleversée, jusqu’à remettre en cause ses choix récents.

Un livre féministe ! Qui revisite l’histoire, la mythologie et entraîne le lecteur dans les méandres des jeux de pouvoir et de l’emprise masculine sur les systèmes politiques, religieux et économiques.

Nicolas Beuglet se base à nouveau sur une documentation historique précise, adaptée bien évidemment pour servir le sujet du livre, mais qui lui donne un ton particulièrement crédible et permet le maintien du suspense et des retournements de situation qui rendent ce deuxième tome très haletant.

Je me suis régalée !