
Dimitri Kantcheloff
189 pages
Les Avrils, Groupe Delcourt, 2021
Fin de lecture 20 mars 2021.
Je remercie Les Avrils pour m’avoir adressé ce nouveau roman de leur superbe collection dans le cadre d’un service presse.
Une journaliste de l’AFP avide de sensationnel, un vieil homme avide de liberté : leurs chemins vont se croiser à l’occasion de l’observation d’un phénomène physique et astral, la splendeur d’une supernova comme nul n’en a vu depuis cinq cents ans.
Ce sont les apparences : finalement Chloé ne vient réaliser ce reportage auprès de Charles que parce qu’elle a besoin de nourrir sa famille. Elle l’ancienne grande reporter baroudeuse a mis de côté ses rêves et est rentrée dans le rang : « un mariage, deux enfants, un emprunt à 3,75 % sur vingt-cinq ans. (…) Les tueries familiales remplacèrent les insurrections populaires. » Désormais divorcée mais chargée de famille, elle subit la pression de son rédacteur en chef.
Pourtant, Chloé ne veut pas aborder Charles comme les autres journalistes : elle est pleine d’imagination. Du maigre dossier de presse, elle comble les trous et invente la vie de l’inconnu en attendant de l’interviewer pour de bon, sur ce qui l’intéresse lui.
De son côté, Charles est parti de Paris depuis fort longtemps pour vivre sa retraite dans le sud, près de la mer, pour scruter tout à soif le ciel et les paysages qui ne laissent de l’éblouir.
« Pas âme qui vive. Nulle trace d’une quelconque humanité sinon passée. Il n’y a plus que le ressac et le vent, les goélands et lui. Charles se sent à sa place, ici, comme une bête ayant retrouvé sa liberté après de longues années de captivité. Pourtant, il le sait, le redoute : ils arriveront bientôt. Ce sera le mois d’août et la plage disparaîtra sous un amas de corps étendus.(…) La vanité embrasera chaque parcelle de l’endroit. Il ne restera rien de ce paradis, ni sa beauté ni sa douceur. Qu’un incendie de cris et de joie molle. »
Charles est un solitaire, un original diront certains. Surtout, Charles ne demande rien d’autre que de chérir en paix ces moments consacrés à la magnifique étoile qui brille depuis quelques jours de mille feux. Son étoile en fait, puisqu’il en est le découvreur. Et c’est ce qui va faire son malheur :
« Mais l’apparition d’une supernova assez proche et assez puissante pour être vue de la Terre (…). C’est historique. Aussi, les agences spatiales occidentales décidèrent-elles, sans demander son avis à Charles, de revenir à la tradition en nommant la chose du nom de son découvreur.
Ce serait la supernova de Korzybski. »
Et c’en est fini de la paisible retraite de Charles. Sa maison est assiégée de cameramen, de journalistes, d’indésirables donc. La seule solution, c’est la fuite. Mais Chloé le suit… de loin… puis de près. De trop près.
Dans ce premier roman, Dimitri Kantcheloff mêle tout à la fois une magnifique poésie qui transparaît dans les descriptions des paysages terrestres, marins et bien évidemment célestes, avec la noirceur des enjeux médiatiques et du scoop à tout prix.
En moins de deux cents pages, il provoque des émotions contrastées, un attachement aux personnages qui, s’ils se rencontraient dans un autre contexte, pourraient sans doute évoquer leurs solitudes respectives.
Il dénonce la volatilité de l’instant présent, la pression des organes de presse toujours en recherche de plus d’action : « Un engouement invariable pour l’horreur continue de tout emporter. » La rencontre de Charles et de Chloé, juste un entrefilet désormais…
J’ai beaucoup aimé !