Un cercueil pour les Caïmans

Michael Kimball

397 pages

Albin Michel, 1997

Fin de lecture 29/03/2021

Je continue à sortir des ouvrages anciens de ma grosse PAL. Et c’est bon ! Je découvre ainsi des polars amusants.

Gravity, petite ville du Maine. Bobby a une très grosse dette. Bobby est très amoureux de sa femme Noëlle. Bobby ne veut donc pas aller en prison et laisser Noëlle.

Alors tous les deux imaginent un plan : Bobby va simuler sa mort, se faire enterrer dans un cercueil paré des conditions lui permettant de respirer. Ensuite, Noëlle viendra l’en sortir et tous deux fileront sous une fausse identité aux îles Caïmans où un compte en banque bien fourni les attend, pour y couler des jours heureux.

Sur le papier, tout se tient. Oui mais il faut un complice supplémentaire : le croque-mort, Wicker. Et voilà le principe même du secret qui est remis en question : un secret n’est bien gardé que lorsqu’il n’est pas divulgué, dès que deux personnes sont dans la confidence, tout peut basculer.

Et tout va basculer effectivement dans cette histoire. Surtout quand on découvre que le corps de Bobby a disparu -prévisible – mais que celui de Wicker est déposé à sa place, et qu’il semble que l’entrepreneur des pompes funèbres a été enterré vivant. Et que Noëlle est toujours à Gravity.

Il ne faut pas en dire plus pour ne pas dévoiler les ressorts de cette histoire alambiquée. Alors parlons de l’atmosphère et des personnages.

Tout se déroule dans une petite ville, où l’on s’apprête à lancer la Fête de la Myrtille, fruit cultivé par les paysans du coin. Donc chacun sait ce que fait l’autre, la discrétion n’est pas vraiment de mise.

Le point névralgique du village, c’est La Supérette, bazar-épicerie-bar que tiennent Bobby et Noëlle, avec leur appartement au-dessus et qui va être le théâtre de pas mal de discussions intéressantes. Un autre lieu sensible est la rivière qui forme un étang marécageux où Bobby voit pour la dernière fois son meilleur ami Sal, et où celui-ci emmène habituellement sa fille pêcher. Enfin, et bien évidemment, une grande partie de l’histoire se joue dans le cimetière Le Bon Repos.

S’agissant des personnages principaux, on découvre leurs différentes facettes au fur et à mesure de la progression.

Bobby, Jane et le croque-mort Eliot Wicker forment le trio comploteur. Bobby est un homme d’affaires, probablement trop amoureux et triste de mentir à son meilleur ami. Mais il a peur que celui-ci finisse un jour par le trahir. Noëlle est une jeune femme sexy, peu scrupuleuse, manipulatrice, qui attire les regards concupiscents des hommes et la jalousie des femmes.

« Quoique la soupe de poisson de Bobby fût très prisée, Herb True (dont la femme, Bonnie était employée du magasin) affirmait que les clients ne venaient pas là pour la soupe, mais pour Noëlle Swift qui la servait. Herbe se plaisait à dire qu’à Gravity Noëlle provoquait sans doute plus de naissances non désirées que les interdits du pape. »

Wicker semble au-dessus de tout soupçon, pourtant, lui aussi aime l’argent.

Autour d’eux gravitent Sal, sa femme Iris, et leur fille Davey. Des rancœurs familiales empêchent Iris d’entretenir des relations avec son frère Jerry et son père Otis (employés tous deux au cimetière, vous suivez ?) alors qu’ils vivent en face les uns des autres.

Sal semble se positionner en réaction au cours des événements et pas forcément procéder d’une réflexion propre. Il est faible, possédé par l’alcool qui lui ôte tout souvenir de ses actes et le rend d’autant plus vulnérable.

Et puis, comme dans tout bon polar, on trouve les rivalités entre deux policiers : d’une part, le sergent Murdoch, un parfait arriviste qui veut se tenir dans la lumière des projecteurs et aux méthodes plutôt musclées et, d’autre part, l’inspecteur Sheperd, engagé plus simplement pour découvrir la vérité dans l’imbroglio qui s’offre à lui.

Enfin, ma préférence va au constable Alston Bouchard, que la police essaie en vain de mettre sur la touche, et dont les interrogations, la clairvoyance et la ténacité vont permettre de concourir à dévoiler la vérité.

Outre l’intrigue initiale, ce roman propose donc une étude de moeurs (y compris les scènes scabreuses), où le meilleur côtoie le pire, surtout le pire : mensonge, avidité, sexe et trahison. Les retournements de situation sont nombreux, les apparences sont toujours sujettes à caution.

J’ai passé un bon moment à Gravity, j’y retournerai peut-être déguster quelques myrtilles, pêcher quelques poissons, mais jamais, au grand jamais, je n’expérimenterai l’enfermement dans un cercueil !

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