Le chant du papillon

Gilbert Bordes

267 pages

Belfond, 2011

Fin de lecture 28 mai 2021.

Je poursuis des fouilles archéologiques au sein de mes bibliothèques, et j’en ai sorti cet ouvrage, caché par d’autres, que j’avais oublié depuis son achat en septembre 2019 lors d’un déstockage de médiathèque.

Gilbert Bordes écrit ce qu’on appelle généralement des romans « régionaux », car il met notamment en avant les caractéristiques d’une province française, voire une typologie de métiers, au travers de l’histoire mouvementée d’une famille.

J’ai toujours aimé ce type de roman, et j’en ai dégusté un certain nombre, plus majoritairement écrits par des autrices, d’ailleurs : c’est une source d’enrichissement culturel indéniable, et si l’écriture est belle, c’est aussi un film qui se déroule dans la tête du lecteur.

Dans Le chant du papillon, Lussac, une petite ville du Périgord au milieu des champs de vignes ou de tabac et des pâturages de moutons, sert de toile de fond à la résolution d’événements dramatiques entamés quelques années auparavant, avant et pendant la Deuxième Guerre Mondiale.

En 1944, un jeune garçon, Arnaud, réfugié chez une voisine, assiste à l’arrestation par la Gestapo de sa mère Marie dans leur appartement parisien.

Cinq ans plus tard, Arnaud, âgé de onze ans, est envoyé chez ses grands-parents dans leur ferme de Lussac. Ils ne se connaissent pas, la défiance est réciproque.

Le même jour, le corps d’une jeune femme assassinée est retrouvé dans le parc du château voisin. Gendarmes et policiers mènent l’enquête autour de cette inconnue. Les antagonismes initialement politiques entre le grand-père d’Arnaud et le châtelain Henri Charron ressurgissent.

« « Ici, beaucoup de gens sont communistes. Je sais que Paul crache par terre quand il passe à côté du curé ou de M. Charron. » »

On suit les rebondissements autour du personnage central d’Arnaud.

Car la rudesse des habitants de la maisonnée ainsi que des gamins alentour heurte le sensible orphelin. Affublé d’un pied bot source de moqueries, ses origines obscures prêtent aussi à commérages : sa mère, qu’il chérissait tant, aurait en effet eu moult prétendants…

Arnaud doit s’endurcir, pour conquérir le cœur de sa parentèle : Paul, le fier maçon communiste, Marguerite, l’épouse soumise, Justin, l’oncle un peu benêt, Léa, l’arrière-grand-mère aveugle. Il a un don qu’il pourrait d’ailleurs utiliser pour ce faire : il chante de façon merveilleuse.

« Arnaud s’étonna :

⁃ Mais pourquoi tu veux que je chante tout le temps ?

L’homme leva vers lui ses yeux sombres et se gratta les cheveux sous sa casquette.

⁃ Je sais pas. Ça me met de la lumière dans la tête. Je vois des fleurs partout, et pas des fleurs comme celles-là, non, des fleurs tellement grosses et tellement belles qu’elles ne peuvent pas exister ! »

Arnaud trouve une alliée en la personne de Lilly, fillette malmenée par un père trop porté sur l’alcool et les deux enfants vont s’apporter un soutien mutuel, au cœur de promenades et de parties de pêche… et faire tourner en bourrique les policiers !

D’une écriture fluide, sur fond historique et région lumineuse, Gilbert Bordes conte la fierté mal placée des hommes et les souffrances qu’elle peut engendrer, les amours contrariées, les amitiés enfantines, et bien sûr, la résolution d’un meurtre sordide.

J’ai beaucoup aimé suivre le tendre et attachant Arnaud, dans ses parties de pêche et ses efforts pour amadouer les uns et tenir tête aux autres.

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