Bilan de juin 2021

Voici le bilan d’un mois riche en découvertes, où nouveautés ont côtoyé des livres plus anciens que je souhaitais lire depuis longtemps, ainsi que des achats coups de cœur. J’ai aussi renoué avec les emprunts en médiathèque, que je n’avais pas fréquentée depuis près de dix-huit mois.

Un mois dédié majoritairement au polar/thriller, avec quelques incursions dans d’autres styles, le plein de bonheur littéraire. Voici donc les 15 ouvrages lus dans l’ordre :

Train d’enfer pour ange rouge, Franck Thilliez

Montagnes russes, Gwénola Morizur et Camille Benyamina

Sabbon le gibbon, Kenji Abe

Guide pratique à l’usage de ceux qui n’ont pas le temps ! Simplifiez, organisez, respirez !, Natie Diffaza Lahitte

Nous allons mourir ce soir, Gillian Flynn

Heresix, Nicolas Feuz

Seule la haine, David Ruiz Martin

Pasakukoo, Roy Braverman

L’art de ne pas être grand-mère, Agathe Natanson

Poutine, l’itinéraire secret, Vladimir Fédorovski

Les mères, Samantha Hayes

Le souffle de l’Ogre, Brigitte Aubert

Deuils de miel, Franck Thilliez

Sur ma peau, Gillian Flynn

L’Aile des vierges, Laurence Peyrin

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L’Aile des vierges

Laurence Peyrin

479 pages

Pocket, 2019, Calmann-Lévy, 2018

Fin de lecture 29 juin 2021.

Ce livre mis en avant sur un présentoir, je l’ai choisi sur conseil d’une libraire. Mon premier de Laurence Peyrin, et à coup sûr ce ne sera pas le dernier !

Maggie a déjà bien souffert lorqu’elle intègre sur recommandation la domesticité du manoir Sheperd House dans le Kent, pour y servir la famille Lyon-Thorpe, juste après la Deuxième Guerre Mondiale.

Logée, elle y intègre le couloir réservé aux femmes de chambre, l’Aile des Vierges.

Cependant, descendante de femmes engagées, féministes, elle doit se faire violence pour s’intégrer au personnel dont les individus essayent d’obtenir les faveurs de cette noblesse qui la répugne.

Il est délicat de raconter l’histoire de Maggie sans en déflorer les principales aventures et rebondissements. Et j’ai tant aimé les découvrir que ce serait dommage de spoiler. Aussi vais-je m’en tenir surtout à un avis d’ensemble de cet ouvrage.

Maggie. Quel personnage ! Bien campée, droite dans ses bottes, prête à envoyer paître autrui pour respecter ses convictions. Et malgré tout une femme toute en nuances et en empathie, qui s’oublie pour aider les plus faibles.

Deux périodes très distinctes de la vie de Maggie sont relatées : une première au style « so british », château et parc verdoyant, maîtres et valets, qui m’a fait penser à la série Dowtown Abbey, dans laquelle Maggie devrait rester en retrait pour conserver sa place. Une deuxième, beaucoup plus moderne, beaucoup plus rapide aussi, où se dessine un destin de premier plan pour elle.

Maggie est tournée vers le progrès pour les droits des femmes (même et surtout lorsqu’ils n’existent pas encore en Grande-Bretagne), les acquis sociaux. Son combat sera ainsi pour elle-même et pour ses collègues domestiques notamment, avec parfois une certaine naïveté, charmante, mais opiniâtre. Son naturel la pousse à exprimer ses pensées sans filtre, et ses réparties sont ainsi pleines d’humour et de causticité… et quelquefois déplacées dans le monde feutré de l’aristocratie anglaise.

« Elle eut la certitude qu’ici, personne ne l’apprécierait, et qu’elle entamait aujourd’hui une carrière d’emmerdeuse de bout de table. »

Son ambition est à la mesure de ses convictions, et elle ne saurait stagner dans un univers qui lui déplaît.

Mais au fur et à mesure qu’elle gagne en maturité, elle se trouve écartelée entre des choix publics et privés, entre l’être et le paraître. Cette ambivalence est très bien décrite, et les injonctions reçues en héritage viennent se heurter à son envie de s’épanouir autrement que par des combats féministes, de vivre simplement SA vie, non une ligne tracée par d’autres.

Les personnages secondaires ne laissent pas non plus indifférent, qu’on les aime ou qu’on les déteste ! Certains sont surprenants et donnent du piquant à l’histoire, d’autres sont attachants. J’ai eu un petit faible pour le vieux Monsieur Lyon-Thorpe…

J’ai adoré. J’ai ri, j’ai pleuré. J’ai suivi Maggie dans l’Aile des Vierges quand elle a construit son petit nid, je l’ai accompagnée sous la pluie à la recherche d’un train, dans un petit puis un grand bureau, dans des hôtels… J’ai vécu ses atermoiements et prié pour qu’elle fasse le bon choix.

Voici un très beau portrait de femme. Un voyage entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Une histoire d’amour. Une histoire sociale. Une histoire pleine d’humanité. Un coup de cœur !

Sur ma peau

Gillian Flynn

382 pages

Le Livre de Poche, 2014

Fin de lecture 27 juin 2021.

J’avais été séduite par Les apparences, cela faisait longtemps que je souhaitais lire le premier écrit de Gillian Flynn et retrouver cette façon si particulière de créer un univers.

Et je n’ai pas été déçue.

C’est l’héroïne, Camille, qui raconte l’histoire, son histoire d’une certaine façon.

Camille est journaliste dans un obscur journal de Chicago quand son rédacteur en chef lui demande d’enquêter sur des disparitions de petites filles intervenues dans le Missouri. Curry pense en effet que Camille pourra écrire un article plus étoffé et obtenir des scoops en retournant dans sa ville natale.

Or c’est un crève-coeur pour la jeune femme qui a coupé les ponts avec sa richissime famille. Décidée néanmoins à écrire un papier digne d’obtenir le Prix Pulitzer, elle retourne à Wind Gap.

Petit à petit, Camille s’immerge dans cette ville et son propre passé, qui l’ont tant marquée qu’elle s’est infligée des blessures indélébiles.

Accueillie chez sa mère, l’excentrique Adora, et son beau-père, le falot Alan, Camille y renoue également avec sa demi-soeur, la jeune Amma. Les relations familiales sont tendues et complexes, et génèrent un malaise entretenu par la disparition prématurée de la sœur du milieu, Marian, quand Camille avait treize ans.

« La ville ne m’inspirait aucun sentiment d’allégeance particulier. C’était là que ma sœur était morte, là que j’avais commencé à me couper. Une ville si étouffante, si petite, qu’on y croisait chaque jour des gens qu’on détestait. Des gens qui savaient des choses sur vous. C’est le genre d’endroit qui laisse des marques. »

Camille retrouve ses anciennes camarades de lycée, mariées et mères de famille, qui ne correspondent plus à ce qu’elle en avait connu. Désœuvrées, occupées à dénigrer tantôt l’une, tantôt l’autre, leur fréquentation offre un jour nouveau sur l’ancienne vie de Camille.

Camille va également collaborer avec un inspecteur, Richard, venu aider le shérif en titre, et qui va lui offrir une parenthèse bienvenue dans la fournaise de la ville.

Gillian Flynn exerce son emprise sur le lecteur en l’invitant à suivre Camille dans cette petite ville où toutes les vilénies semblent être réunies. Des gamines surjouant un rôle de midinette aux parents éplorés jusqu’à la propre famille dysfonctionnelle de la jeune journaliste, on découvre une population qui s’épie, une violence larvée dans la chaleur moite du Missouri. Une horreur croissante. Un sentiment de dégoût pour les agissements des gamines délurées et violentes avec leurs semblables : sexe, drogue et violence à gogo…

Accompagner Camille dans ses recherches et son introspection s’avère douloureux, on voudrait l’encourager à faire ses bagages sans tarder.

Car ce n’est pas que la résolution des meurtres des petites filles que Camille va rechercher… c’est aussi sa propre vie !

Jusqu’à la dernière page, j’ai éprouvé un sentiment d’empathie pour la jeune femme, un trouble concernant cette jeunesse effrontée et une admiration pour l’imagination de l’autrice.

Nous allons mourir ce soir

Gillian Flynn

60 pages

Sonatine Éditions, 2016

Fin de lecture 3 juin 2021.

Une narratrice inconnue. Prostituée, voyante extralucide. Une connaissance des êtres humains surtout. Qui l’amène à proposer ses services à une cliente, Susan, pour exorciser une maison ancienne qui semble avoir une influence néfaste sur son beau-fils Miles. Elle la considère hantée. Une très bonne aubaine pour gagner beaucoup d’argent sans faire grand-chose. Mais Miles semble de plus en plus violent et Susan très tendue, ce qui amène la jeune voyante à s’inquièter fortement.

C’est donc un jeu de dupes auquel nous convie Gillian Flynn dans cette nouvelle. Elle nous fait entrer dans les pensées de la narratrice, dans ses atermoiements, dans les ficelles qu’elle emploie pour contenter ses clients et berner ses clientes lorsqu’elle devient une sorte de « Mme Irma » de pacotille.

Mais cette facilité à embobiner pourrait également se retourner contre elle. Car qui croire ?

« Une fois la transaction terminée, mon esprit redevenait une page blanche, en attente de la prochaine transaction. Mais Suzanne Burke et sa famille, je ne parvenais pas à les oublier. Suzanne Burke, sa famille et cette maison. »

Magistral ! En soixante pages, l’auteure réussit à faire passer des émotions – rire, angoisse, peur, dégoût, … – , à provoquer des retournements de situations, bref, à embarquer son lecteur dans cette aventure très très spéciale. Elle n’a pas écrit précédemment Les apparences pour rien…

Avec un petit bémol néanmoins sur la vulgarité du début du récit qui ne me semblait pas nécessaire pour la compréhension du reste…