La famille Tabor

Autour de la piscine de la propriété de Palm Springs, sous un chaud soleil, la famille Tabor ses failles glaçantes… © CF 11/09/2021

Cherise Wolas

509 pages

La Croisée, 2021

Fin de lecture le 6 septembre 2021.

Je remercie les éditions La Croisée et le Groupe Delcourt pour m’avoir adressé ce deuxième roman de Cherise Wolas.

La famille Tabor, de Palm Springs, projette toutes les apparences de la famille juive qui a réussi.

Le père Harry a fondé une société qui aide des réfugiés juifs à s’installer aux États-Unis, la mère Tara est une psychologue pour enfants renommée. Leurs trois enfants ont une belle carrière également : Camille est une anthropologue qui voyage aux quatre coins du monde, Phoebe a monté son cabinet d’avocats et Simon, avocat également, forme une belle famille avec sa femme et ses deux filles.

Revenir en week-end dans la maison familiale s’avère un moment privilégié :

« (…) être à la maison, c’est comme pénétrer un royaume spécial, un royaume où tous les Tabor resplendissent d’une brillance incroyable ; car cet éclat est une caractéristique propre à leur famille. »

Cependant, en ce jour où Harry doit recevoir le prix d’« Homme de la décennie » pour son œuvre, chacun s’interroge tour à tour sur ce qu’il est vraiment et ce qu’il refuse de montrer aux autres membres de la famille. Finalement, tous se mentent et mentent à leurs proches, pour des raisons parfois identiques : il ne faut pas décevoir l’attente des siens. Ou tout simplement, ne pas perturber l’équilibre familial en amenant ses propres dysfonctionnements :

« Se sent-elle de gâcher tout ce bonheur familial ? »

L’introspection de chaque personnage est très détaillée et fournit de nombreuses explications sur ce qu’il veut cacher. C’est d’autant plus amusant de voir comment chacun est alors perçu par les autres.

Car rien ne va plus dans la famille Tabor ! Et ce regroupement pour fêter le père, mal à l’aise avec ses propres secrets, pourrait tourner rapidement au vinaigre.

« Nous nous attachons aux autres dans l’ardeur de l’amour, et l’intimité nous convainc que nous savons tout de l’autre. Mais ce n’est pas le cas. Nous ne savons jamais. Nous ne pouvons jamais. »

J’aime beaucoup les livres qui permettent d’entrer dans l’intimité d’un foyer, même élargi puisque les enfants adultes n’y vivent plus. Outre les pensées des personnages, se dessinent les interactions basées sur les mensonges, jusqu’à ce que la vérité éclate et fasse table rase des apparences. Pour repartir sur des bases saines, chacun en accord avec soi-même, préalable pour l’accord avec autrui, pour retrouver ensuite une unité familiale réparatrice.

Ce livre explore aussi, en arrière-plan tout d’abord puis plus précisément, les fondements de la foi et de la pratique religieuse, quand celles-ci participent ou se heurtent à l’histoire familiale ou aux contingences quotidiennes : respect des fêtes qui rassemblent, moindre intérêt pour l’exploration scripturale.

« Ce qui est mystique n’est pas planifié, on ne peut en discuter ni se mettre d’accord sur ce qu’il est, on doit entendre l’appel et faire ce que l’on est obligé de faire pour l’éprouver. »

Le style de Cherise Wolas mêle action au présent et introspection, si bien qu’on ne s’ennuie jamais dans ce superbe roman.

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Un hiver en enfer

Jo Witek

335 pages

Éditions France Loisirs, 2015, Actes Sud, 2014

Fin de lecture 2 septembre 2021.

Déniché en boîte à livres par ma meilleure amie, ce roman se lit très vite !

Edward vit dans une famille très aisée. Son père est architecte, sa mère une pianiste reconnue. Mais cette dernière ne lui apporte aucun amour, et ses séjours en hôpital psychiatrique ont plutôt amené le jeune garçon à s’éloigner d’elle et à le rapprocher de son père.

Fragilisé, Edward est ainsi devenu depuis plusieurs années avec un autre jeune, Henry-Pierre dit « HP », la tête de Turc des autres garçons de son établissement scolaire très huppé.

Alors qu’il a aujourd’hui quinze ans, sa mère revient changée de sa dernière hospitalisation : elle semble vouloir sincèrement se rapprocher d’Edward, ce qui provoque une étincelle dans la vie du garçon.

« Pour la première fois depuis plusieurs années, il perçut une attention dans ses yeux. Une présence entière et généreuse, entièrement tournée vers lui. Et cette main tendue lui fait l’effet d’un baiser. De ces baisers maternels dont il n’avait pas goûté ou alors dont il n’avait plus aucun souvenir. Est-il possible qu’elle soit réellement guérie ? »

Mais très vite, un drame affreux le plonge dans le néant : son père décède dans un accident de voiture, il se retrouve seul avec cette mère qui a totalement modifié son comportement avec lui. Bouleversé, son statut ayant changé au lycée, Edward décide également de se rebeller contre ses camarades bourreaux en les provoquant.

« Il n’était plus Ed le strange dont il fallait se foutre, mais Ed le porte-poisse qui puait la mort. De bouc émissaire, il était passé au rang d’intouchable, enfermé dans une vie saccagée qu’aucun ne souhaitait côtoyer. »

Et l’issue de cette scène provoque un nouvel épisode dans le renouveau de ses relations avec sa mère : celle-ci le prive bientôt de tout contact extérieur. Edward se sent en grand danger, sans nul autre contact que HP. Il va devoir tout mettre en œuvre pour échapper à l’emprise de sa mère, alors même que personne ne croit en son histoire. Autrement, Edward pourrait à son tour sombrer dans la folie…

« Il était taré. Les faits jouaient contre lui. Sa mère jouait contre lui, effaçant les traces ou achetant le silence des témoins gênants. Un gosse fragile, sujet aux crises d’angoisse, souffrant de TOC et de crises de violence, un enfant qui avait perdu son père, une maman qui avait retrouvé sa santé mentale et dont il ne pouvait supporter l’amour : tout cela l’avait conduit à une grosse crise de paranoïa. »

J’ai beaucoup aimé ce thriller écrit par une spécialiste des romans jeunesse. Plusieurs thèmes sont abordés autour de l’intrigue principale : le harcèlement scolaire, les relations parents-enfants, l’emprise psychologique, l’amitié, les premiers émois amoureux… et l’intuition policière ! Le personnage d’Edward est profondément attachant dans sa quête de l’amour inconditionnel de sa mère et dans son instinct de survie malgré son envie récurrente d’en finir avec une vie bien compliquée.

Bilan d’août 2021

Un mois d’août riche de lectures éclectiques ! ©CF 12/09/2021

Très souvent, les périodes de vacances sont moins propices à la lecture pour moi, car je m’essaie à d’autres activités, en fonction du temps.

Mais cette année, quelques nuits d’insomnie m’ont amenée à conserver mon rythme habituel de lecture. J’ai été ravie d’alterner services presse, emprunts bibliothèque et ami(es) et utilisation de ma haute pile à lire. Et de revenir à un mode que j’affectionne également, le livre audio.

Voici donc les 11 livres lus durant cette période, dans l’ordre :

Femmes sans merci, Camilla Läckberg

Hunter, Roy Braverman (audio) (Chronique non publiée, le sera à l’issue de la lecture de la trilogie)

Va où le vent te berce, Sophie Tal Men

Scène de crime, Maud Tabachnik

Zone Est, Marin Ledun

Au petit bonheur la chance !, Aurélie Valognes

Les Garçons de la cité-jardin, Dan Nisand

« On m’a demandé de vous calmer », Stéphane Guillon

La chambre des morts, Franck Thilliez

Joueuse, Benoît Philippon

Transaction, Christian Guillerme

Transaction

Christian Guillerme

250 pages

Éditions Taurnada, 9 septembre 2021

Fin de lecture 31 août 2021.

Je remercie les Éditions Taurnada pour m’avoir adressé en service presse la version numérique de ce troisième opus de Christian Guillerme.

La couverture est magnifique. Très suggestive, elle annonce l’angle d’écriture de l’auteur, qui allie plongée dans les pensées des personnages et descriptions précises des lieux et faits, assurant ainsi une vision cinématographique de l’ensemble.

Imaginez-vous donc sur le quai du RER. Et sous vos yeux, un homme, celui qui semblait si fébrile, vient d’un geste se jeter contre la rame. Comment peut-on arriver à une telle extrémité ?

A cause d’une simple transaction. D’une petite annonce. D’une arnaque tombée sur un individu qui a refusé de se laisser berner. Un individu au profil très inquiétant.

Voilà comment les membres d’un trio d’amis, Alphonse, Johan et Manal, verront leur vie saccagée à cause d’une caméra contrefaite.

« Tu crois qu’il va faire quoi, le gars ? » lança Alphonse. Johan parut revenir à lui. « Quoi, quel gars ?

– Ben l’acheteur, tiens !

– Ah, lui ? Il fera comme tous ceux qui se font arnaquer. Soit il se dira qu’il retiendra la leçon, soit il tentera de refourguer sa caméra… comme toi… à un autre pigeon. »

Car l’homme blousé va traquer sa proie, mettre tout en oeuvre pour retrouver son vendeur et lui faire payer au prix fort son geste… jusqu’à se venger à mort ! Une première fois, par erreur… mais il va y prendre goût et réitérer.

« Espèce de petit enfoiré, je vais te choper autrement, fais-moi confiance. Tu n’as pas choisi le bon pigeon, mec ! »

Le pitch est génial, à l’heure des annonces passées sur des sites en tous genres, où les particuliers s’échangent des biens sans savoir précisément la provenance et l’état de l’objet acheté. La manière de raconter l’histoire, en commençant par l’issue, est très intéressante également, et quelque peu déroutante. On assiste ainsi aux dernières réflexions d’Alphonse, qui préfère choisir sa mort plutôt que de s’en remettre au tueur.

« Il allait mourir tellement loin de la terre de ses ancêtres, ce continent gravé sur sa peau d’ébène. Il aurait tant aimé que quelqu’un l’accompagne et lui tienne la main une dernière fois. Quelqu’un comme Johan ou Manal. »

Il se remémore le processus qui l’a entraîné vers sa chute : ce qui a conduit les amis à proposer ladite caméra à l’achat, l’origine de leur amitié et leurs interactions. Et bien sûr, la façon donc l’acheteur furieux va se muer en chasseur puis en tueur pour leur faire payer leur forfait. Jusqu’à une fin inattendue, suspense oblige.

Ce thriller original propose donc une succession de plans larges ou rapprochés faisant focus sur un personnage. Lenteur de la description des faits avant les drames, augmentation du pouls lors de la recherche des amis disparus. Un peu comme les arrêts et reprises d’accélération de ce RER fatal…

J’ai beaucoup aimé.