
François D’Epenoux
191 pages
Éditions Anne Carrière, 2020
Fin de lecture 21 janvier 2022.
Voua avez commencé un régime ? Tant mieux !
Vous avez froid ? Tant pis !
Vous n’arrêterez pas votre régime, vous saurez que vous n’avez pas vraiment froid à l’issue de votre lecture.
Je connaissais de nom l’auteur, mais sans jamais avoir eu même l’idée d’ouvrir un de ses romans. Voilà chose faite, et je me suis régalée… Oups, si j’ose dire !
Imaginez la famille riche, le chalet dans la station de ski huppée, isolé pour ne pas côtoyer malgré tout d’autres un peu moins riches.
Imaginez la femme à l’aube de la soixantaine, rongée par l’alcool et au sourire figé par la chirurgie esthétique ; la fille unique, comédienne ratée s’apprêtant à convoler avec un lourdaud cavaleur ; ledit cavaleur, fainéant et profiteur ; le mari de la première, travailleur acharné, désabusé par les siens ; le chauffeur et la cuisinière/soubrette/bonne à tout faire.
Elisabeth, Juliette, Éric, Marc, Slavko et Rose. Vous les voyez ?
Six personnes dans un immense chalet. Au cœur d’une tempête de neige sans précédent.
« Le vent s’est levé, et du pied gauche, on dirait. Dans la pénombre qui gagne, il hurle plus que mille meutes de loups affamés. Il brasse tout, soulève tout, c’est une lessiveuse à l’échelle de la montagne. On n’y voit plus à un mètre. »
Six personnes désœuvrées. Sans vivres. Cloîtrées pendant des semaines.
Les masques tombent, les passions s’exacerbent sous la plume railleuse de François d’Epenoux.
Ce chalet, c’est la reproduction dans la montagne glacée de tout navire à la dérive qui porte ses derniers survivants… ou de toute île aride qui les accueille. Une prison initialement dorée dont personne ne peut réchapper indemne. Maîtres comme valets. Riches comme pauvres. Certains corps peut-être, sans doute pas les âmes.
J’ai adoré l’écriture. L’œil acéré du réalisateur qui scanne les petits -et gros- défauts. Les descriptions superbes du manteau blanc immaculé qui enveloppe tel un cocon le chalet et ses habitants prêts à imploser.
Celles plus odorantes mais si précises qu’on s’y croirait – malgré soi.
La colère du patriarche qui s’élève contre le je-m’en-foutisme des siens et des saccageurs de la planète entière qui court à sa perte.
« Il faut croire que nous avons trop dansé, que nous avons tous marché trop vite, que nous avons couru après n’importe quoi. Maintenant la musique s’arrête, maintenant nous en sommes là… Maintenant, la fête est finie. »
Un huis-clos sordide. Peut-être, sans doute, sûrement, une métaphore de ce qui nous attend… le cœur au bord des lèvres !