Des rencontres, un salon du livre, des auteurs confirmés, des découvertes : cinq livres seulement, mais qui m’ont transportée à travers le monde, du Brésil à San Francisco en passant par Lille et Chypre.
Et hop, un autre polar. Camilla Grebe, une valeur sûre pour maintenir le suspense.
Dans ce one-shot, l’autrice met en scène une famille recomposée : Samir, médecin franco-marocain, et sa fille Yasmin ont émigré de France en Suède après le terrible accident qui a coûté la vie à la mère et à la sœur de la jeune fille. Samir y a rencontré Maria, mère du jeune Vincent, atteint du syndrome de Down. Ils se sont mariés et les deux enfants vivent en harmonie, même si la jeune fille et sa belle-mère ne sont pas toujours sur la même longueur d’ondes, adolescence oblige.
Lorsque le livre débute, Maria participe à une soirée amicale. Lorsqu’elle rentre, sa belle-fille a disparu. Mais du sang retrouvé sur la falaise et une lettre d’adieu semblent indiquer que Yasmin s’est jetée dans la mer.
Toute la famille est dévastée.
Deux policiers sont chargés de l’enquête, dont Gunar. Samir est bientôt suspecté, et Maria qui le défendait se met aussi à douter. Et entre eux, Vincent observe et se tait… c’est la seule solution qu’il a trouvée pour se protéger.
Vingt ans après, on retrouve Gunar qui enquête sur le corps d’une femme rejeté par la mer, quasiment à l’endroit de la disparition de Yasmin : s’agit-il de celui la jeune fille ?
Maria, Vincent, Gunar et Yasmin décrivent tour à tour les événements tels qu’ils les vivent et les perçoivent, avec leurs sentiments, leur approche personnelle et ce qu’ils en comprennent. Les deux comédiens qui leur prêtent leurs voix sont remarquables. J’ai particulièrement apprécié la prestation relative au jeune Vincent, qui le rend très touchant.
Au début, j’ai cru avoir compris rapidement ce qui s’était passé. Puis, au fur et à mesure des récits parallèles, je me suis rendue compte que l’histoire était beaucoup plus complexe que ce que je pensais.
Camilla Grebe évoque la famille recomposée, le racisme, le handicap et les interactions entre enquêteurs, victimes et familles des victimes. Au-delà de l’histoire policière, il s’agit donc d’un roman riche en émotions qui explore les ressorts psychologiques des personnages et les conséquences des actes de chacun, réalisés ou manqués : car si l’un ou l’autre avait réagi différemment, une cascade d’événements terribles auraient pu être évités…
C’est une famille itinérante qui nous convie, à travers le récit de Tom, jeune garçon de quinze ans, à passer quelques jours en Moldavie pour descendre une rivière en rafting.
La famille, c’est donc Tom, sa sœur jumelle Luna, ainsi que leurs parents Alex et Émilie. Habitués à voyager de saison en saison dans leur camion-maison rouge, ils offrent leurs services à qui le souhaite. Revenant régulièrement aux mêmes lieux, ils y retrouvent d’autres saisonniers pour de belles fêtes.
En ce mois d’août, Alex le père de famille et Goran, un de ses nouveaux amis serbe, décident l’organisation de ce week-end de descente en rafting. Goran est guide et Alex est ravi d’initier sa famille. Mais Émilie n’est pas vraiment rassurée, atteinte d’un mauvais pressentiment. Au contraire, Luna est ravie de pouvoir repousser ses limites. Tom, en admiration constante de sa sœur, se tient en retrait, observateur de ce qui l’entoure.
Si le début est idyllique, la suite est un drame, qui entraîne la famille dans le chaos, écartelée. Chacun essaie de se reconstruire avec ses propres failles et potentiels. Mais ce qui se joue autour de cette famille initialement sans histoire les dépasse, et Tom en est le témoin et le révélateur. Malgré lui au début, puis volontairement.
Car le garçon fluet et « suiveur » qu’il décrit, va dans l’adversité se forger une personnalité adulte et dévoiler une vérité abjecte.
J’avais lu et aimé Terres fauves en 2020 et lorsque j’ai vu ce livre en présentoir de la médiathèque, je n’ai pas hésité.
On y retrouve le fabuleux sens du détail de l’auteur pour décrire la nature qui entoure les protagonistes et accompagne les événements qui les touchent. On entend le son ravageur de la rivière, celui enchanteur des oiseaux, on sent le vent dans la cerisaie et l’odeur salée de la Méditerranée, on voit les rochers approcher et s’épanouir le sourire du Scorpion tandis qu’il fond sur sa proie.
« Tout autour de la grange, les prés attendaient d’être fauchés. Des hautes herbes émergeaient une multitude de fleurs jaunes, blanches, bleues, violettes et de bien d’autres couleurs encore. Je garde de cet instant un souvenir bien vivace, quelque chose comme le battement d’ailes, dans la paume de votre main, d’un oiseau que l’on croyait mort, et de la chaleur de la fiente de frayeur dont il vous gratifie avant de prendre son envol. Un instant de grâce bien ancré dans la réalité du moment. »
Ce sont plusieurs livres en un, car de nombreux thèmes émergent : le récit terrible d’un jeune homme dont les émotions et les doutes s’amplifient au fil du temps, le deuil, la parentalité et la gémellité, l’isolement et l’abandon, les rencontres qui influent sur le cours de l’existence et le poids de l’Histoire.
Ce roman relativement court provoque des émotions contradictoires, du malaise à la révolte, de l’empathie à la compassion.
Une phrase parmi tant d’autres m’a beaucoup touchée :
« Ce qui compte, c’est de faire ce que l’on aime faire, avec les gens avec qui on aime être, surtout quand ça ne va pas fort. Le reste ne sert qu’à empeser le quotidien et à masquer la lumière. »