Trafics

Benoît Séverac

313 pages

Pocket, 2017, La Manufacture de Livres, 2016

Fin de lecture le 29 juillet 2022.

Toulouse. La ville rose, la ville des violettes.

La ville blessée par l’explosion d’AZF et les attentats de Merah.

C’est sa ville que met en scène Benoît Séverac. Et plus précisément les Izards, un des quartiers nord, gangrené par la drogue et les gangs.

Au milieu, une vétérinaire, Sergine. Bientôt quarantenaire, esseulée. Une rencontre inattendue va bouleverser sa vie : une jeune fille, Samia, lui demande son aide pour un chien qui semble mal en point. Un passeur de drogue malgré lui. Dont la vie ne vaut que pour ce qu’il peut rapporter à ses maîtres.

Un chien, une gamine terrifiée. Et la vétérinaire plutôt bougonne s’attache. Elle devrait prévenir la police. Non, elle protège la jeune fille.

« Il n’est plus temps de tergiverser, une guerre des gangs est sur le point d’éclater, Samia ne doit pas rentrer chez elle après les cours. Sergine commence à envisager de lui trouver uneplanque pour quelques jours, quitte à l’héberger chez elle… Ou mieux, la confier à quelqu’un chez qui elle sera plus en sécurité… »

Car on ne dérobe pas impunément de l’héroïne au nez et à la barbe des dealers. Sergine est exposée, elle expose aussi sa clinique. Les agresseurs s’invitent alors dans sa vie, ils sortent de leur quartier pour s’en prendre à elle.

Mais Sergine continue à vouloir sortir Samia de l’emprise de son frère, et se découvre une énergie et des ressorts inédits pour ce faire, malgré un questionnement intérieur intense.

« Elle se traite de folle : qu’imagine-t-elle ? S’en prendre à des voyous notoires comporte des risques qu’elle ne soupçonne même pas, auxquels elle n’est pas préparée. On ne s’improvise pas démanteleur de trafic de drogue. »

La part belle est ainsi donnée à l’humanité des femmes, héroïnes chacune pour sa part : la petite Samia, bien sûr, qui décide de sauver un chien malgré la peur de représailles. Sergine, malgré l’irréalisme de son attitude, qui est la seule qui croit possible de sauver Samia. Nathalie, la chef de la BST, qui refuse de se laisser imposer la misogynie de ses collègues.

Entre guerres fratricides, djihadisme, trafics en tous genres et querelles des services de police, l’auteur met en exergue la violence quotidienne vécue par des habitants impuissants et des forces de l’ordre à bout.

Polar sociologique sans temps mort, Trafics permet de s’interroger sur les responsabilités des uns et des autres dans l’enchaînement des événements. L’écriture précise dessine le quartier, depuis les caves désaffectées et réinvesties par les petites frappes jusqu’aux toits d’où peuvent tirer les pires d’entre eux.

Un moment de lecture intense, terrifiant et émouvant.