Pompéi

Robert Harris

416 pages

Éditions France Loisirs, 2004, Plon, 2004

Fin de lecture 15 août 2022.

J’ai lu Les derniers jours de Pompéi d’Edouard Bulwer-Lytton en une nuit (déjà !) lorsque j’étais en fin de classe de troisième (il y a fort longtemps !) et j’avais beaucoup aimé. J’ai été longtemps marquée par cette histoire, même si évidemment je ne me souviens pas des détails.

Alors, l’occasion m’étant donnée de lire une version plus récente de l’épisode tragique qui a marqué l’Italie antique, j’ai trouvé que le chaud été que nous traversons était particulièrement propice…

Car la tragédie prend forme lors de la dernière semaine du mois d’août 79.

L’aquarius Exominius, ingénieur chargé d’entretenir l’aqueduc Augusta en Campanie, a disparu.

Une chaleur persistante et un manque soudain d’eau, des poissons qui meurent dans un bassin à cause du soufre.

Voilà ce qui conduit Attilius, nouvellement nommé à Misène pour remplacer Exominius sur cet aqueduc qui alimente la baie de Naples, à se rendre plus à l’est, vers la région de Pompéi, avec la bénédiction de l’amiral philosophe et naturaliste Pline.

Attilius est jeune et confronté à des subordonnés, hommes libres ou esclaves, qui dénigrent ce qui leur semble un manque d’expérience. Mais c’est bien lui qui alerte Pline des risques encourus pour près d’un quart de millions d’âmes si l’aqueduc s’assèche totalement. Le sénateur décide de lui faire confiance, question de bon sens :

« Les sénateurs pouvaient rêver les empires ; les soldats pouvaient les conquérir ; mais c’étaient les ingénieurs, ceux qui traçaient les routes et creusaient les aqueducs, qui, en réalité, les bâtissaient et donnaient à Rome toute son étendue. »

On suit donc durant les cinq jours qui ont modifié à jamais Pompéi ce jeune homme honnête, au sein d’une société versatile, tournée vers son empereur, les dieux, les oracles et plus sûrement les riches magistrats ou les riches tout court…

La cupidité et la puissance vont de pair et provoquent le dégoût chez quelques êtres intègres et humanistes tels Attilius et Corelia, la fille d’un richissime et influent homme d’affaires sur fond de Vésuve en colère.

Ce qui m’a le plus intéressée dans ce roman écrit par un journaliste, ce sont les coutumes de l’époque, les relations entre les êtres, la décadence déjà bien marquée de cette cité reconstruite sur les ruines d’un précédent tremblement de terre. Par ailleurs, les connaissances techniques étaient exceptionnelles et j’ai beaucoup appris sur la manière dont les aqueducs et leurs galeries étaient construits et entretenus à une époque où l’hygiène distinguait les riches des pauvres.

L’auteur expose la grandeur apparente de l’empire romain. Et de façon effroyable, s’appuyant sur les références scientifiques portées en tête de chaque chapitre, montre les signes avant-coureurs de l’éruption qui va le dévaster en une fraction de seconde.

A notre époque où les films catastrophes foisonnent et reprennent toujours le même scénario, un seul Cassandre que tous refusent de croire, il semble que la vie réelle rattrape malheureusement toutes les fictions…

L’habitude sans doute d’imaginer les ressources inépuisables :

« Un gros socle de pierre avec une tête de Neptune qui déversait un flot par la bouche dans une cuvette en forme de coquilles d’huîtres, l’eau débordant de la cuvette – cela, il ne l’oublierait jamais – pour cascader sur les rochers et se perdre dans la mer, dans l’indifférence générale. Personne ne faisait la queue pour boire. Personne ne lui prêtait la moindre attention. Pourquoi en eût-il été autrement ? Ce n’était là qu’un miracle ordinaire. »

J’ai beaucoup aimé ce roman historique pour la richesse de son vocabulaire, ses citations, la qualité de ses descriptions, et d’une certaine façon, pour les réflexions qu’il engendre.

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Histoires pour distraire ma psy

Jean-Louis Fournier

188 pages

Éditions Anne Carrière, 2007

Fin de lecture 13 août 2022

De Jean-Louis Fournier, je possédais quelques livres et en avais lus d’autres.

Ses petites histoires parlent directement au cœur des âmes sensibles.

Dans ce livre, il rapporte les histoires qu’il a – prétendument – racontées à sa psychanalyste pour la faire rire.

Il y commente aussi les réactions de la praticienne et ses propres réflexions sur elle, le transfert aidant.

Bien sûr, il y a des drames et les histoires sont majoritairement tristes (plusieurs relatives au suicide), voire terribles pour certaines. Ni la psy ni lui-même ne sont dupes : le narrateur y raconte ce qu’il ressent. Ainsi, certaines histoires font référence à d’autres facettes de l’auteur-réalisateur (Allô, c’est la Noiraude – L’oiseau vertigineux).

Sur deux ou trois pages en général, il dépeint un personnage, une situation, qui fait sourire ou pleurer. Il joue avec les mots – Lettre envoyée le 5 août en est un bel exemple -, avec les émotions, avec l’absurde (Interdit de mourir, Peur de déranger), de façon parfois crue mais surtout poétique (L’inconsolable, La villa malade)… parce que c’est bien souvent Le rire qui sauve.

J’ai eu plaisir à lire ce recueil d’une cinquantaine d’historiettes qui correspondent aux consultations tenues durant une année. J’y ai retrouvé ce que j’aime chez cet auteur, son impertinence, son écriture précise et son vocabulaire, l’art de dessiner les êtres avec des mots.

Igonshua ou Jamais sans eux

Eric-Delphin Kwégoué

56 pages

Lansman Editeur, 2019

Fin de lecture 13 août 2022.

Un peu de théâtre en ce mois d’août, avec ce livre chiné lors de la Fin de partie de la Compagnie Issue de Secours en résidence à La Ferme Godier de Villepinte jusqu’en juin 2022.

Igonshua a reçu le Prix 2017 inédits D’AFRIQUE ET OUTREMER.

Au sein d’une maisonnette, à la frontière entre le Cameroun et le Nigeria, un couple, Iko, pêcheur de sable et Stella, sa femme.

En cette soirée où tous deux sont couchés tôt à cause du couvre-feu, ils recueillent une jeune femme éplorée, Igonshua, avec sa petite fille de sept mois. Elle a assisté au rapt de son fils et de son mari, a elle-même été victime de violence. Les militaires rôdent autour dans le village.

En quelques dialogues entre les personnages et une cinquantaine de pages, tout est dit : les dissensions, voire la haine entre ethnies des deux côtés de la frontière, les exactions, les enjeux relationnels au sein des familles, la place de l’homme et de la femme au sein du couple, le poids des traditions, l’amour maternel, le désir d’enfants qui peut faire tout basculer, l’incompétence et l’injustice des gradés omnipotents… Quel tour de force !

Le texte est puissant, sans temps mort.

« J’entends comme une révolte… comme une nouvelle peste… Le peuple hurler de peur… Car les conflits divisent. J’entends le bruit sourd des stylos huppés signer les parchemins de la honte à la place de la majorité patriotique. »

Le drame se joue, implacable. Les monologues de Stella en mal d’enfants et ceux d’Ingonshua évoquant ses malheurs sont poignants. On scande les mots, même en lecture silencieuse, et on se représente aisément les scènes dont le décor minimaliste met en valeur le texte et les personnages.

Je regrette désormais de ne pas avoir eu l’occasion de voir jouer cette pièce… mais certainement pas d’avoir découvert le texte et son auteur !

Le bonheur est dans le près

Dominique Schelcher

263 pages

Éditions de l’Archipel, 2022

Fin de lecture 7 août 2022.

Je remercie les Éditions de l’Archipel et Babelio pour m’avoir adressé cet ouvrage dans le cadre d’une Masse critique.

Je suis toujours intéressée par la sociologie et l’économie, les deux étant profondément liées et interagissantes.

C’est donc avec plaisir que je me suis plongée dans le livre écrit par Dominique Schelcher, patron du groupement coopératif Système U. Lui-même dirigeant de son propre magasin dans le Haut-Rhin peut se prévaloir de connaître son sujet et le terrain de près. C’est tout l’enjeu de son travail : ressentir les besoins, envies, difficultés de la population d’un territoire par le biais de sa consommation.

Très documenté, l’ouvrage présente d’abord les fractures multiples de la société française, entre régions, mais aussi au sein des villes, conduisant à discriminer l’accès à l’alimentation ou au numérique et ayant de profondes conséquences économiques et psychologiques.

Il interroge nos modes de consommation, qui peuvent engendrer des conséquences diverses à la fois sur l’emploi, le vivre-ensemble et l’empreinte carbone, notamment le tout-livrable.

« Il ne s’agit ici de refuser le progrès, de se positionner contre lui, mais de regarder l’ensemble de nos manières de consommer et de prendre en compte tous leurs aspects, leurs conséquences, parfois invisibles de nous, mais bien réelles. »

Il expose la dichotomie assez drôle entre les avis bien tranchés des consommateurs et leur mode réel de consommation.

« Autrement dit, la consommation est devenue le lieu d’une tension fondamentale entre la conviction et le comportement : ce qu’on achète ne reflète pas ce qu’on pense ou, pour le dire autrement, les produits présents dans le Caddie à la sortie du magasin ne correspondent pas aux déclarations du citoyen à l’entrée (…). »

Il montre les interrogations et réflexions nées de la crise sanitaire, les consommateurs se ruant sur des produits courants, conduisant à une pénurie forcée mais non fondée de certains. Et il observe, à l’instar d’autres personnalités du monde de l’économie, que cette crise a mis en exergue les fragilités de notre système, non seulement sur les plans médicamenteux et industriels, mais également sur le plan alimentaire basique, notamment s’agissant de l’agriculture.

Il interroge les pratiques de chacun, producteur, intermédiaire, centrale d’achats, revendeur et consommateurs au regard du pouvoir d’achat fléchissant, et prône la pédagogie, le circuit court et la confiance entre les différents partenaires.

L’auteur dénonce ainsi les dérives permises par de précédentes lois, contournées par des services commerciaux au détriment des négociations tarifaires qui permettent une plus juste rémunération des uns et des autres, et notamment le producteur agricole. Il souhaite à cet égard une plus grande transparence, profitable à tous.

Dans une deuxième grande partie, Dominique Schelcher expose plus spécifiquement les valeurs soutenues grâce au mode coopératif de son entreprise : il prône, exemples à l’appui, le magasin comme lieu de rencontres sociales, pourvoyeur d’emplois, formateur et écologiquement responsable. Au cœur de l’économie des territoires, bien loin des caricatures, l’hypermarché peut ainsi concourir à redynamiser un commerce local en déshérence, grâce à une collaboration étroite et une volonté affirmée de tous les acteurs concernés.

« Quand la dernière usine a fermé, quand les industries ont disparu, les supermarché, qui lui n’est pas délocalisable, devient régulièrement le premier employeur local, et il le reste. Il constitue le dernier rempart économique. »

Si je regrette certaines répétitions, l’ouvrage s’appuie sur de nombreuses références et la progression de l’exposé se trouve facilitée par l’expérience de son auteur et l’aspect très pédagogique de son propos, qui concerne chacun des consommateurs que sont aussi les lecteurs.

J’ai trouvé pertinentes certaines notions telles que « le consentement à payer » un peu plus cher pour garder viable notre agriculture et la « répartition de la valeur » exposée au grand jour au consommateur pour une plus grande transparence de la décomposition du prix de la denrée qu’il achète. Et partagée également avec les collaborateurs.

Ce livre me semble donc relativement accessible au grand public, d’un grand intérêt pour toute personne ayant à cœur de participer de façon positive à l’amélioration des conditions de vie, de façon durable. Car ce dont Dominique Schelcher fait l’éloge, c’est d’une prise en compte de manière globale et complète des différents acteurs économiques avec une ambition de gagnant-gagnant pour tous, y compris pour la planète… qui en a particulièrement besoin !

Je termine en précisant que je ne dispose pas de magasin du groupement dans mon environnement proche, que je n’ai l’occasion de m’y rendre qu’occasionnellement, sur un lieu de villégiature par exemple, et que je n’ai donc aucun intérêt à promouvoir ledit groupement au détriment d’un autre.