Nos embellies

Scénario : Gwénola Morizur

Dessins et couleurs : Marie Duvoisin

71 pages

Bamboo Éditions, Collection Grand Angle, 2018

Fin de lecture le 11 avril 2023

Quand un voyage impromptu et quelques rencontres inopinées changent le cours de plusieurs vies.

Lily et Felix sont en couple. Il est musicien, elle est photographe. Il est tout heureux de partir préparer une tournée qu’ils pourront effectuer bientôt ensemble.

Lily cache un secret : elle vient d’apprendre qu’elle est enceinte. Et se demande ce qu’elle va faire de cette nouvelle et de l’enfant qui s’annonce. Mais elle n’a pas l’opportunité de s’interroger tranquillement, car alors que Félix doit partir, son neveu Balthazar arrive du Canada pour passer Noël à Paris suite à la séparation de ses parents. Et Felix confie Balthazar aux bons soins de Lily.

Sauf que Noël au Canada, c’est synonyme de neige. Et Balthazar ne comprend pas qu’il n’y en ait pas à Paris ! Alors Lily décide de l’emmener dans le Massif Central. Sur une aire d’autoroute, ils croisent Jimmy, un jeune homme gentil mais qui semble marginal. Le trio poursuit ensemble le périple jusqu’à ce que la neige ait raison de la voiture !

Perdus en pleine montagne, ils arrivent chez Pierrot, berger qui les accueille au milieu de ses chèvres.

Ces quatre êtres qui n’ont a priori rien en commun vont se découvrir et réunir leurs solitudes pour finalement s’entraider…

C’est un joli roman graphique, tant par les histoires contées que par les dessins, sublimés par des couleurs douces et chaleureuses.

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Duhamel

72 pages

Bamboo Éditions, Collection Grand Angle, 2019

Fin de lecture le 10 avril 2023

Je recherchais une bande dessinée amusante, j’ai été servie !

Après un savoureux avertissement de l’auteur en mode « si vous n’avez pas compris que tout ça est du second degré, mais pas que, passez votre chemin ! », on fait connaissance de trois habitants d’un tout petit village écossais, Castle Loch : Maggie qui tient l’épicerie, le « general store », une nouvelle venue, Emma Holmes, qui vient de racheter une ferme et surtout Doug, le photographe raté qui ne veut pas que ses photographies soient vues par d’autres que lui.

Mais un soir, Doug prenant à la chaîne des clichés des animaux qui barbotent dans le lac juste devant sa maison, une mystérieuse et horrible créature translucide apparaît sur son écran, puis il voit l’énorme bête. Doug n’en croit pas ses yeux. Un instant, il se dit qu’il tient là sa revanche et une possible reconnaissance : il poste les photos sur un réseau social qui ne lui a rien apporté jusqu’alors, Twister.

Et c’est le début du chaos.

Journalistes, chasseurs, scientifiques, écologistes, soldats, puis féministes, … bref, autant de groupes divers et variés qui assiègent la maison de Doug qui en perd la tête.

J’ai adoré cette BD. Elle montre les effets ravageurs des réseaux sociaux, les luttes de pouvoir qui se tissent dans l’ombre sans aucune retenue, la violence qui en émane. Sous couvert d’un événement qui pourrait être banal, Duhamel dessine les dangers qui résultent de notre société ultra-connectée et de l’influence du grand nombre sur des esprits qui ne prennent plus le recul nécessaire et l’instant de réflexion salutaire avant d’écrire ou d’agir.

Les planches, les couleurs, les dialogues, le ton, tout concourt à l’attractivité de cette bande dessinée.

Cette BD devrait être étudiée au lycée tant les messages qu’elle délivre sont importants. La dichotomie entre les images dont nous sommes saturés et les messages véhiculés par exemple.

L’hôte

Jacques Ferrandez

D’après l’œuvre d’Albert Camus, Préface de Boualem Sensal

62 pages

Gallimard jeunesse, Collection Fétiche, 2009

Fin de lecture 17 février 2023

« La Loire, le Rhône, la Garonne. » Voici ce que répètent les élèves algériens de ce maître français, qui dirige une école sur les Hauts Plateaux, au milieu de nulle part.

Il subvient aux besoins de ces enfants et leurs familles démunies et vit seul sur cette colline aride bientôt enneigée.

« Ce pays est cruel à vivre, mais je me contente du peu que j’ai… Avec mes murs crépis, mon puits et mon ravitaillement hebdomadaire, je suis un seigneur, ici… Et puis… c’est là que je suis né… Partout ailleurs, je me sens exilé…»

La guerre est présente, sans être cependant déclarée. Lui est maître d’école, se refuse à y prendre part. Un policier va cependant lui demander de remettre un présumé meurtrier indigène à la prison de la ville la plus proche. Le maître rejette fermement cette obligation qui lui est faite, mais accepte d’accueillir l’hôte inattendu. Cet homme intègre sympathise avec le prisonnier, partage son repas avec lui et au petit matin, lui remet de la nourriture et de l’argent avant de lui indiquer une route vers laquelle il pourra s’enfuir.

Mais le prisonnier prendra une toute autre décision, sans imaginer ses graves conséquences pour le maître d’école.

L’hôte est une nouvelle écrite par Albert Camus, issue du recueil L’exil et le royaume. On y retrouve tout son amour pour l’Algérie, les drames qui s’y sont joués. Dans cet écrit, il transcende les différences qui séparent les hommes pour proposer, dans un espace-temps superbe, un instant de respect et de fraternité entre deux inconnus que tout devrait opposer.

La préface de Boualem Sansal contribue à expliciter le propos et à remettre la nouvelle dans son contexte historique.

« L’homme de la colline et son hôte font le choix de la responsabilité et du respect de soi, c’est le seul chemin qui vaille. »

Jacques Ferrandez transcrit admirablement la solitude de vie sur la colline qui permet prendre du recul sur le chaos, les silences, les hésitations et la force dans des dessins d’une grande beauté. Très peu de dialogues sont nécessaires pour traduire les émotions et la beauté des êtres, l’étendue des paysages.

J’ai lu la nouvelle dans mon adolescence, l’avais oubliée, j’ai été charmée et émue par ce roman graphique qui m’en a rappelé l’intensité.

La boîte noire

Dessins : Jacques Ferrandez

Scénario : Tonino Benacquista

64 pages

Gallimard, Collection Futuropolis, 2000

Fin de lecture 11 février 2023

Un roman graphique qui porte le nom de Tonino Benacquista attire forcément mon regard. J’aime ses romans noirs et son humour particulier.

Au début de cet ouvrage réalisé avec Ferrandez, Laurent Aubier est victime d’un terrible accident de voiture. Il reste une dizaine d’heures dans le coma, et sa logorrhée, restituée dans un carnet par une infirmière attentive, constitue le ferment de la fameuse boîte noire de sa vie. Des mots, des phrases, des lieux et des événements auxquels on ne prête garde, mais qui s’impriment irrémédiablement dans notre cerveau si réceptif.

« -Janine, vous êtes en train de me dire que vous… Vous avez violé mon intimité mentale ?! …

-Laurent, je fais une psychanalyse depuis 14 ans, et en 14 ans, je n’ai pas dit la moitié de ce que vous avez fait sortir en une seule nuit…

(…) Tous vos mystères et vos oublis, tout votre amour et toute votre haine, tous vos messages restés sans écoute, toutes vos craintes, et vos fantasmes sont consignés là-dedans… Faites-en bon usage…»

Alors Laurent n’aura de cesse de retrouver de vrais souvenirs à partir des bribes implantées dans son inconscient. Jusqu’à tomber au plus bas, ingurgiter des produits illicites et perdre goût pour l’avenir, au profit du passé.

Les dessins sont explicites : à plusieurs reprises, des planches sombres occupent toute une page pour retracer les cauchemars horrifiques qui envahissent le sommeil de Laurent. C’est une véritable quête qu’engage le jeune homme pour enfin découvrir la vérité, tracée sur des planches un peu plus claires et heureuses.

J’ai aimé tant le scénario que sa traduction en images. L’obsession de Laurent Aubier et sa descente en enfer sont particulièrement bien décrites. Et le petit plus de l’ouvrage concerne la leçon qu’on peut en tirer : si nous ne savons pas, faisons confiance à notre inconscient, car lui, il sait !