Les Sept Jours où le monde fut pillé

Alexeï Tolstoï

96 pages et une postface de 7 pages du traducteur Paul Lequesne

Libretto, 2018

Sans la Masse Critique d’octobre 2018 de Babelio et les Editions Libretto, je n’aurais jamais ouvert un livre d’Alexeï Tolstoï, qu’ils en soient remerciés!

J’ai en effet découvert un auteur inconnu de moi (je connaissais son illustre parent Léon, sans avoir pour autant poussé mes recherches…), prolifique dans les années 20 et 30, et dont les études scientifiques ont servi de base à plusieurs ouvrages.

Le court roman écrit en 1924 et intitulé Les Sept Jours où le monde fut pillé (réédité en 1935 sous le titre L’Union des Cinq) met en scène le monde du début du vingtième siècle et une certaine vision du capitalisme.

Etats-Unis, en mai d’une année future (1933?). Un homme d’affaires, Rough, réunit sur son magnifique trois-mâts le Flamingo, les quatre autres plus grands du monde qui forment l’Union des Cinq afin de monter une sorte de complot. Il leur expose en effet qu’ils sont à la merci d’un conflit potentiel qui mettrait à mal leurs richesses et que le mieux serait donc d’anticiper et d’œuvrer en cachette pour prendre possession du monde. « Nous devons nous rendre maîtres du capital industriel mondial. »

Ce complot nécessite dans un premier temps de faire peur aux habitants de la terre afin de causer l’effondrement des marchés boursiers, de prendre ensuite possession des richesses de la planète et enfin d’intervenir aussi sur le plan politique « En quelques jours, nous aurons fait s’effondrer toutes les valeurs. Nous les rachèterons pour une bouchée de pain. Quand, sept jours plus tard, nos ennemis reprendront leurs esprits, il sera trop tard. Et nous publierons alors un manifeste sur la paix éternelle et la fin de la révolution sur terre. »

Un plan machiavélique se met donc en place, dans lequel la Lune, satellite naturel de la Terre, va jouer un rôle primordial.

Avec l’aide de l’ingénieur Corvin, Rough expose en effet que la Lune pourrait se fracturer au passage de la comète de Biela, mais qu’il est possible de l’aider un peu en lui envoyant de lourdes charges explosives. Une véritable industrie se met en place dans la plus grande discrétion afin de produire lesdites charges.

Le plan de Rough se déroule à la perfection six mois plus tard : touchée par les fortes charges le 29 novembre, la Lune se fissure, les gens prennent peur, des émeutes se forment, les marchés s’effondrent.

Cependant, Rough n’avait pas pris la mesure de la psychologie humaine et des conséquences que certains de ses messages allaient avoir.

Un petit bijou qui explore la mégalomanie des grands (jusqu’à commettre le pire, tout de même!) qui veulent prendre l’ascendant sur les petits. Une vision « communiste » des États-Unis d’alors, et surtout des « faits » scientifiques totalement inventés! On entrevoit également le pouvoir des médias, noyautés par la finance, sur l’opinion populaire, et combien des messages mal relayés peuvent également changer la donne.

A noter la postface fort intéressante du traducteur qui explique largement le contexte de l’écriture de ce livre.

A découvrir pour une réflexion sur notre époque, pas si éloignée finalement de celle d’Alexeï Tolstoï… et ouf, la Lune est toujours aussi belle à regarder!

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Tu comprendras quand tu seras plus grande

Virginie Grimaldi

18 h

Audiolib, 2017

Julia a vu sa vie s’effondrer durant ces six derniers mois. Partie de Paris pour le pays Basque, elle trouve à effectuer pendant huit mois le remplacement d’une psychologue dans une maison de retraite.

Tout pour la faire fuir… et nous faire rire!

Elle se demande bien ce qu’elle fait là, et finalement va s’attacher aux résidents, ces papis facétieux ou bougons, ces mamies coquettes et pétillantes. Et il y a aussi ses collègues, Greg et Marine, qui lui donnent leur amitié. Et si s’occuper des autres pouvait ramener la joie chez Julia ?

La tendresse qui se dégage de ce livre est profondément touchante : un pont entre les générations, une dimension philosophique sur le sens d’une vie si courte qu’il faut profiter de chaque instant.

Les réflexions de Julie face à des situations qu’elle ne maîtrise pas sont pleines d’humour. C’est divertissant, je n’avais jamais lu d’ouvrage de cette auteure, par manque de temps et non d’envie, mais je ne le regrette pas! J’ai beaucoup ri au volant de ma voiture ces dernières semaines : un bien fou pour commencer ou finir la journée! Et un rebondissement que je n’avais pas du tout, mais alors pas du tout vu venir, j’ai été bluffée.

J’aurai donc plaisir à découvrir d’autres livres de Virginie Grimaldi.

Une demoiselle sur une corde raide

Pierre Lamballe

245 pages

Les presses de la Cité, 1985

Poursuivant mon chinage de livres en tous genres et de toutes époques, j’ai trouvé à la Ressourcerie ce roman très sympathique parce que drôle et atypique.

Désirée a 38 ans, elle a passé sa vie à essayer de plaire à sa mère et à se conformer aux exigences de celle-ci. Mais voilà que sa maman décède et que Désirée, esseulée, ne sait pas comment faire pour entamer sa nouvelle vie : pas d’amoureux, pas d’amies, un travail d’archiviste passionnant mais surtout tourné vers le passé.

Désirée décide de s’affranchir des règles édictées par sa mère et d’aller « découvrir la curieuse civilisation des Gaulois du XXème siècle », en commençant par prendre des vacances dans un lieu inédit, le sud de la France.

Oui mais voilà que sa voiture tombe en panne, et Désirée se retrouve hébergée dans un hôtel minable et embringuée bien malgré elle dans une histoire avec des malfrats. Obligée de soigner l’un d’eux blessé par balles, elle se retrouve à les côtoyer dans un château abandonné. Puis, les bandits kidnappent une millionnaire à la tête d’une maison d’édition qui vient par mégarde visiter le château.

Et c’est ainsi que, de péripétie en changement de voiture, ils croisent des gendarmes, policiers, des militaires, des médecins, etc. Et en quelques jours, Désirée voit sa vie profondément chamboulée, peut-être bien pour son plus grand bonheur!

Le rythme est rapide, on se surprend à vouloir que tout se termine bien y compris pour les méchants. Les réflexions de Désirée et les dialogues sont succulents, j’ai bien ri durant cette parenthèse aux rebondissements inattendus, car Pierre Lamballe place ses personnages dans des situations très comiques.

Une petite bouffée d’air frais, sans aucun cynisme, ça fait du bien… entre deux polars!

Citations

« Thérèse, sans ressources, s’était mise au travail. (…) Sacrifiant tout à l’éducation de sa fille, appelée Désirée justement parce qu’elle n’avait pas été souhaitée, sa vie se soldait par une suite de renoncements, de frustrations et de dévouements, une sainte. »

« La culture ? Elle y baignait toute la journée, entre les chronologies, les fiches de classement, les bibliographies, etc. La culture l’étouffait. »

« Le voyage qu’elle ne ferait pas chez les Hittites, pourquoi ne l’entreprendrait-elle pas chez ces Gaulois qui l’entouraient et qu’elle ne connaissait pas? »

« Elle réalisa qu’aucun être humain ne s’inquiéterait de son absence. Elle avait choisi de partir sans itinéraire, sans but, et qui se préoccuperait de savoir où elle se trouvait ? L’aventure ? Elle l’avait, au-delà même de ses espérances. Ils pouvaient la tuer, sur le bord d’une route et l’enterrer à la lisière de la forêt, là-haut ; qui la chercherait, qui la retrouverait ? »

« Le duc avait vérifié sa trousse et devant tous ces outils spécialisés, devant les deux collections de clés, Dési s’était prise à considérer la cambriole comme un vrai métier nécessitant connaissance et expérience. Existait-il des stages de formation ? Où et comment le duc avait-il appris? »

« Ses vacances en 2 CV, d’auberges en hôtels, suivant un itinéraire préparé, ne lui auraient procuré que quelques plates rencontres et deux ou trois incidents mineurs tandis que… cette clique de voyous brisait pour elle des barrières qu’elle n’aurait pas même approchées. C’était, en comparaison d’une promenade en bicyclette, le franchissement du mur du son. »

Et pendant ce temps Simone veille!

2018

Le Pompon, 70 pages

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C’est le livret de la pièce que j’ai vue jouer au théâtre de la Contrescarpe, Paris 5ème.

J’ai choisi de chroniquer ce petit ouvrage (70 pages) afin d’en faire connaître la pièce et la troupe.

Quatre actrices en scène, une narratrice (Simone) et trois qui jouent des femmes sur quatre décennies, qui rapportent l’évolution de la condition féminine en France depuis les années 50.

Je n’avais pas d’a priori en allant au spectacle, je m’attendais même à voir une pièce très tournée sur la vie de Simone Veil…

Hé bien oui et non ! oui pour les combats pour les femmes, non pour un auto centrage. On parle bien ici des femmes, de leur vie, de leur combat pour être respectées autant que les hommes, des évolutions juridiques, mais pas que… On les retrouve confrontées à leurs propres contradictions, à leurs envies de vivre avec les hommes et pas contre eux.

Il y a énormément d’humour dans cette pièce, les chansons qui les ponctuent sont à mourir de rire. Mais aussi de la tendresse qu’on peut éprouver face à leurs prises de conscience… et peut-être par rapport à notre propre vécu.

J’ai relu le texte tout de suite après, j’en avais donc à l’esprit les silences, les bons mots, les indignations et les rires dans la salle. Les hommes présents ont ri autant que les femmes… Les réparties sont extrêmement drôles :  « Simone de Beauvoir. Le Deuxième sexe !!!!! C’est affreux ! C’est quoi ? C’est où ? (…) Deuxième sexe ? Ça veut dire deux fois plus de gosses ! »

L’énergie déployée par les comédiennes est incroyable, c’est une bouffée d’air pur sur un sujet sérieux qui nous touche tous et toutes… allez-y !