
Roslund et Hellström
Traduction Philippe Bouquet et Catherine Renaud
732 pages
Le Livre de Poche, 2020, Mazarine, 2019
Fin de lecture 17 mai 2020
Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois de mai.
Dixième livre lu dans le cadre du jury.
3 secondes est le premier opus d’une trilogie, dont les suivants sont : 3 minutes et 3 heures, multirécompensée à l’international.
3 secondes, c’est avant tout une histoire de mensonges.
En effet, à Stockholm, Piet Hoffman est en apparence un homme ordinaire : femme, enfants, travail stable dans la sécurité.
Mais Piet est en fait un délinquant repenti, à la merci de la mafia et de la police. Il infiltre secrètement l’une au profit de l’autre, jusqu’au drame : un acheteur de drogue est tué, et un commissaire de police tenace, Ewert Grens, recherche la vérité. La couverture de Piet risque donc d’être éventée et ses donneurs d’ordre au sein de la police pourraient être mis en cause en raison de ce meurtre.
Piet s’est attaché à sa famille, il craint pour eux. Il se désole des aspects de sa vie qu’il cache à sa femme. Il souhaite tout arrêter.
Mais son contact dans la police lui demande de réaliser la dernière mission imposée par la mafia : il doit mettre la main sur le trafic de drogue au sein même d’une prison. Cependant, à peine incarcéré, les strates du pouvoir qui connaissent sa mission le laissent tomber. Identifié désormais par ses co-détenus comme un traître à la solde des autorités, il ne peut compter que sur lui-même pour s’en sortir… et 3 secondes !
J’ai beaucoup aimé ce roman à la fois lent dans sa mise en place et haletant dans sa suite, très documenté sur l’univers de la drogue et des prisons. Il conte, au-delà de la trame dramatique, le face-à-face à distance de deux hommes solitaires, Piet et Ewert, chacun préoccupé par sa survie, physique pour l’un, morale pour l’autre. On suit les pérégrinations du grincheux et teigneux commissaire, on entre dans sa tête et ses pensées apparaissent en italique dans l’ouvrage.
3 secondes est aussi une critique de l’écœurant jeu de pouvoir au plus haut niveau de l’Etat, qui n’hésite pas à abandonner en chemin ses serviteurs, celle du cloisonnement du travail des services de police et de justice.
J’aime les romans d’espionnage, d’infiltration minutieuse, et j’ai été tenue en haleine par le récit de la lutte entre ces diverses forces et le désir de vivre de cet homme condamné par tous. A la manière d’un scenario, les descriptions sont précises, les détails permettent au lecteur de visualiser les scènes.
Les ingrédients d’un film d’aventures et d’espionnage sont en place : un parfum de « Prison break » et de tulipes, un soupçon de « Mission impossible », la ténacité d’un Columbo ! Avec un petit faible pour l’homme traqué qui ne veut plus jamais mentir à sa famille…
PS : Le film The informer, sorti en 2019, en a été tiré, même si le pitch en est un peu différent : transposé à New York, avec un ancien agent des Forces Spéciales!
Citations
« Pendant 10 ans, il avait tellement menti à Zofia, Hugo et Rasmus et tous les autres autour de lui que, lorsque ceci serait terminé, il aurait déplacé pour toujours la frontière entre le mensonge et la réalité, c’était ainsi, il ne savait jamais où s’arrêtait le mensonge et où commençait la vérité, il ne savait plus qui il était. »
« – Tu n’iras pas plus loin. L’enquête préliminaire est au point mort. Grens, tu sais aussi bien que moi qu’il n’est pas raisonnable de mobiliser autant de moyens pour une enquête qui n’avance pas.
⁃ Je ne lâche jamais un meurtre.
Ils se regardèrent. Ils venaient de deux mondes différents.
– Bon… Qu’est-ce que tu as, alors ?
– Dans une enquête pour meurtres, Ågastam, on ne réduit pas le degré de priorité. Les meurtres, on les résout.»