La quatrième feuille

Christophe Royer

306 pages

Taurnada Éditions, 2022

Fin de lecture 19 mars 2022

Je remercie les Éditions Taurnada pour m’avoir adressé en version numérique ce nouvel opus de Christophe Royer, one shot dans lequel il délaisse momentanément son enquêtrice fétiche.

Le livre débute par la mise en place d’une exposition de photos réalisées par Sophie et dont l’organisation du vernissage revient à sa meilleure amie Carole. Un moment qui s’annonce merveilleux dans la vie agréable des deux jeunes femmes. Mais on est bien loin du papier glacé lorsque Carole est agressée et échappe de peu à la mort.

Sophie, glacée d’effroi, contacte alors Julien, un policier qu’elle a connu dix ans auparavant dans des circonstances tragiques : elle pense que Carole a été victime d’une de leurs connaissances communes. D’autant qu’elle se sent épiée, jusque dans la jolie propriété qu’elle partage avec son mari.

Julien s’inquiète à son tour, et décide de rouvrir le dossier qui le hante.

« Le monde autour de lui s’effondra. Il fut comme emporté dans une spirale temporelle le ramenant plusieurs années en arrière. »

A travers le souvenir et les recherches de Julien, le lecteur découvre donc le fait divers qui a profondément marqué sa vie et celle des jeunes femmes.

Voici planté le décor et quelques personnages. En dire plus serait gâcher le suspense.

J’ai aimé la construction du livre : du présent au passé, l’exploration systématique de la psychologie, l’impact des relations adolescentes, amicales et amoureuses, lorsque le délire s’en mêle.

C’est intéressant sur le plan psychologique des victimes, également sur celui des enquêteurs. J’ai particulièrement apprécié cet aspect trop peu exploré : que se passe-t-il dans la tête d’un policier qui a failli à sa mission de protection des personnes ? Comment peut-il se reconstruire ? Le personnage de Julien est particulièrement attachant, tandis qu’il lutte contre ses propres démons pour enfin essayer de se racheter, à ses propres yeux et pour Sophie.

En mêlant situations angoissantes d’hier et d’aujourd’hui, Christophe Royer invite le lecteur à décortiquer son rapport à autrui, à déceler le vrai du faux dans un ouvrage qui fait froid dans le dos.

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Ma raison de vivre

Rebecca Donovan

537 pages

PKJ, 2015

Fin de lecture 9 septembre 2021.

Chiné dans une boîte à livres par ma meilleure amie, voici un roman jeunesse qui conte l’histoire terrible d’Emma.

Emma a seize ans. Elle vit dans le Connecticut chez son oncle George et sa tante Carol, avec leur deux enfants. Emma semble être une jeune fille sans histoire : intelligente, studieuse, sportive. Néanmoins, elle essaye de se fondre dans la foule, de ne pas attirer l’attention sur elle. Son unique objectif est d’aller à la fac, dans deux ans. Et surtout de quitter le foyer qui l’héberge. Car elle y est le souffre-douleur de sa tante, l’esclave attitrée de cette femme monstrueuse et violente.

« En cumulant ces activités, j’espérais mettre toutes les chances de mon côté afin d’obtenir une bourse pour l’université. C’était le seul domaine de mon existence sur lequel j’avais l’impression de pouvoir agir. Bien plus qu’un plan de fuite, c’était une question de survie. »

Seule la meilleure amie d’Emma, Sara, connaît un peu sa vie. Mais pas dans les détails, car Emma se sent humiliée par la situation. Sara lui apporte un peu de joie et de légèreté. Et lorsqu’Evan, camarade de classe fraîchement arrivé au lycée lie connaissance avec Emma, Sara et lui vont tout faire pour permettre à la jeune fille de vivre des moments privilégiés.

Attirée par le jeune homme, Emma éprouve des sentiments contradictoires, tiraillée par son envie de connaître une jeunesse « normale » et la peur de ne pas pouvoir poursuivre ses rêves et mettre fin à la situation qui l’accable.

Ce livre destiné à la jeunesse a ému l’adulte que je suis. Emma est profondément attachante dans sa lutte perpétuelle pour endurer les coups et les menaces et protéger ses jeunes cousins de la débâcle familiale qui risquerait de s’installer si elle trahissait son douloureux secret.

« Un simple coup de fil, une simple visite au bureau de la psychologue du lycée, une seule phrase, et je pouvais mettre fin à tout cela.

Des éclats de rire ont retenti dans la cuisine. Leyla et Jack. Pour eux aussi, ça serait fini. Je ne pouvais pas gâcher ainsi leur vie. Carole et George les aimaient sincèrement, je n’avais pas le droit de leur enlever leurs parents. »

L’amitié, les amours naissantes, les relations qui s’établissent durant l’adolescence sont également au cœur de ce très beau roman qui est, je l’ai découvert en le finissant, le premier d’une trilogie.

Si j’espère pouvoir me procurer la suite des aventures des trois protagonistes et surtout de Rebecca, ce seul opus se suffit néanmoins à lui-même.

La vraie vie

Adeline Dieudonné

266 pages

Éditions L’iconoclaste, 2018

Prix Goncourt des Lycéens, 2019

Fin de lecture 15 août 2020

Bizarrement, ce livre a fait le buzz pendant un certain temps sur les réseaux sociaux, j’avais compris qu’il était très bon, mais je n’en connaissais absolument pas l’histoire.

Et je ne suis pas déçue !

Ce roman-thriller est excellent.

L’adolescente qui narre l’histoire veut absolument redonner le sourire à son petit frère, Gilles, qu’un tragique accident a marqué émotionnellement. Elle s’essaie à inventer une machine à remonter le temps, et explore par là même les arcanes de la science, de la physique quantique, pour devenir si possible la nouvelle Marie Curie.

Mais tout serait trop simple si cette jeune fille dont les hormones s’éveillent n’était pas entourée d’une mère soumise à son butard de mari. Avide de sang, chasseur invétéré, pour lui les femmes sont un gibier traditionnel à sa merci.

Mais la vraie vie est-elle à ce prix ?

Sauver son frère est une chose, sauver sa peau et ne surtout pas devenir comme sa mère en est une autre.

Dans ce premier roman salué par la critique, l’autrice dévoile un grand talent de conteuse, alternant entre les désirs fantasmés propres à l’adolescence de son héroïne et les objectifs bien réels de s’échapper de la vie qu’elle mène. Prodige qui s’ignore, obligée de cacher son exceptionnelle intelligence, elle fait preuve d’une maturité bien au-delà de son âge. Elle évolue durant les cinq années que traverse sa narration, mais alors que le livre est un condensé de violences, que certains passages sont chargés de terreur et d’angoisse, il en ressort également une grande luminosité grâce à l’espoir qui demeure malgré tout au plus profond d’elle.

Les descriptions, les réflexions de la jeune fille ainsi que la façon de conter l’histoire m’ont fait penser à Laura Kasischke, et c’est pour moi plus qu’un compliment ! Coup de cœur !

Citations

« Je ne pouvais juste pas accepter de passer ma vie à regarder la vermine manger le cerveau de mon petit frère. Le perdre pour toujours. Même si je devais y consacrer toute mon existence, je changerais ça. Ou je mourrais. Il n’y avait aucune autre solution. »

« D’ailleurs, tout le monde à l’école était mou. Les profs, les élèves. Les uns étaient bêtement vieux et les autres allaient vite le devenir. Un peu d’acné, quelques rapports sexuels, les études, les gosses, le boulot et hop ! Ils seront vieux et ils n’auront servi à rien. Moi, je voulais être Marie Curie. Je n’avais pas de temps à perdre. »