Les Imbéciles Heureux

Charlye Ménétrier McGrath

262 pages

Pocket, 2021, Fleuve Éditions 2020

Fin de lecture 1er octobre 2022.

J’avais envie de lire un roman qui me ferait rire. Ayant rencontré Charlye Ménétrier McGrath au SMEP en juin 2022, j’avais souhaité acheter deux de ses romans, dont celui-ci, la suite des Sales Gosses qui m’avait tant amusé.

Oui mais voilà, ce roman n’est pas drôle à proprement parler. Il est profondément émouvant. Car l’autrice y met en scène des presque quadragénaires qui sont toujours amis depuis leurs années de lycée. Et qui se posent la question de réunir leur bande de potes vingt ans après. Sauf que ce projet n’aboutira jamais. À moins que la vie ne vienne leur jouer des tours, et qu’un peu de vent ne vienne faire tourner la roue du destin…

C’est donc un peu l’histoire de la chanson de Patrick Bruel que reprend l’autrice. Que deviennent ces jeunes qui formaient une bande d’amis unis dix ou vingt ans plus tôt ?

Bien sûr, certains ont gardé le contact, les liens se sont renforcés au fil du temps, des mariages, des naissances et des séparations. D’autres se sont éloignés. Certains ne sont malheureusement plus présents pour répondre à l’appel.

A l’origine de ces retrouvailles préparées, Camille, Florence et Marie. Une tragédie s’est abattue sur Florence qui la pousse à agir. Et l’enjeu est de taille : car Camille, un soir de juin a filmé sa bande d’amis, et a sollicité de chacun son opinion sur la définition du bonheur. La réunion des anciens permettrait ainsi de voir comment cette opinion a évolué…

J’ai beaucoup aimé ce livre auquel je ne m’attendais pas. Ce sont des gens ordinaires, avec des préoccupations du quotidien, des questionnements sur la vie menée au regard des rêves envisagés. Les personnages sont touchants car ils nous ressemblent. Et j’ai apprécié de retrouver certains traits et personnages des Sales Gosses, qui apportent une expérience pleine de bienveillance et d’humanité.

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Il nous restera ça

Virginie Grimaldi

389 pages

Librairie Arthème Fayard, 2022

Fin de lecture 29 août 2022

Quelques jolies citations, que je connaissais et aimais déjà, ouvrent le dernier ouvrage de Virginie Grimaldi.

C’est un prélude à l’une de ces lumineuses histoires dont elle a le secret et que j’avais découvert grâce à l’un de ses précédents livres.

Hasard des rencontres, des êtres écorchés par la vie vont unir leurs blessures et développer un lien fort, un attachement outrepassant l’amitié.

Jeanne, Théo, Iris.

Jeanne, la vieille dame qui a perdu l’amour de sa vie. Son deuil récent occupe Jeanne à plein temps. Mais elle a besoin d’argent pour continuer à entretenir son appartement.

« Depuis trois mois, Jeanne détissait, maille après maille, les habitudes. Le pluriel était devenu singulier. »

Iris, la trentenaire au service des malades, que l’amour de sa vie a fait fuir.

Et Théo, le jeune apprenti pâtissier, criblé de souffrances intimes et seul au monde.

« Je rêve pas, je m’évade. La réalité est ma prison. »

Iris et Theo ont besoin d’un toit. La vieille dame accueille les deux jeunes gens, qui se détestent cordialement au début de cette cohabitation forcée.

Et petit à petit, chacun trouve sa place dans le lieu partagé. Chacun apprend de l’autre et développe de l’empathie. La réserve s’éloigne face à l’adversité.

Les chapitres alternent, Théo et Iris narrant chacun leur propre histoire, tandis que celle de Jeanne est contée. Le texte est émaillé de propos ou remarques savoureuses. La gouaille de Théo m’a fait éclater de rire à plusieurs reprises. Mais j’ai aussi versé quelques larmes au regard des mésaventures individuelles, et de leurs douloureuses expériences.

« Chaque fois que j’ai donné un bout de mon cœur, je l’ai récupéré en sale état. Vaut mieux avoir personne, au moins on ne risque pas de le perdre. »

En croisant ces destinées complexes, Virginie Grimaldi amène le lecteur à envisager différemment les rencontres qu’on croit anodines, celles qui peuvent apporter le bonheur au-delà d’un début peu prometteur.

Certaines réflexions sont ainsi pleines de bon sens :

« Ma mère a toujours préféré les gens avec des failles plutôt que lisses. Elle répétait souvent que deux surfaces lisses glissent l’une contre l’autre, alors que deux surfaces cabossées s’accrochent et deviennent plus solides ensemble. »

L’auteure, au travers de ses personnages tourmentés, met l’accent sur la possibilité de tirer parti de l’adversité lorsqu’on accepte de se lier aux autres et de lâcher prise. Les difficultés inhérentes aux différents âges de la vie y sont évoquées, du jeune homme livré à lui-même mais très courageux, jusqu’à Jeanne septuagénaire et solitaire forcée qui rend visite à son défunt époux pour lui exposer son quotidien. Sans oublier Iris dont le milieu de vie est affecté par une relation toxique dont l’histoire m’a évidemment beaucoup touchée.

La résilience est le maître-mot de ce très joli roman qui oscille entre humour et émotions. C’est délicat, corrosif parfois.

Je me suis laissée porter par les mots, sans chercher à deviner la suite, en prenant mon temps, et j’ai donc été épatée par une fin totalement inattendue !

Un chouette moment de lecture, merci Alex de me l’avoir prêté !

La quatrième feuille

Christophe Royer

306 pages

Taurnada Éditions, 2022

Fin de lecture 19 mars 2022

Je remercie les Éditions Taurnada pour m’avoir adressé en version numérique ce nouvel opus de Christophe Royer, one shot dans lequel il délaisse momentanément son enquêtrice fétiche.

Le livre débute par la mise en place d’une exposition de photos réalisées par Sophie et dont l’organisation du vernissage revient à sa meilleure amie Carole. Un moment qui s’annonce merveilleux dans la vie agréable des deux jeunes femmes. Mais on est bien loin du papier glacé lorsque Carole est agressée et échappe de peu à la mort.

Sophie, glacée d’effroi, contacte alors Julien, un policier qu’elle a connu dix ans auparavant dans des circonstances tragiques : elle pense que Carole a été victime d’une de leurs connaissances communes. D’autant qu’elle se sent épiée, jusque dans la jolie propriété qu’elle partage avec son mari.

Julien s’inquiète à son tour, et décide de rouvrir le dossier qui le hante.

« Le monde autour de lui s’effondra. Il fut comme emporté dans une spirale temporelle le ramenant plusieurs années en arrière. »

A travers le souvenir et les recherches de Julien, le lecteur découvre donc le fait divers qui a profondément marqué sa vie et celle des jeunes femmes.

Voici planté le décor et quelques personnages. En dire plus serait gâcher le suspense.

J’ai aimé la construction du livre : du présent au passé, l’exploration systématique de la psychologie, l’impact des relations adolescentes, amicales et amoureuses, lorsque le délire s’en mêle.

C’est intéressant sur le plan psychologique des victimes, également sur celui des enquêteurs. J’ai particulièrement apprécié cet aspect trop peu exploré : que se passe-t-il dans la tête d’un policier qui a failli à sa mission de protection des personnes ? Comment peut-il se reconstruire ? Le personnage de Julien est particulièrement attachant, tandis qu’il lutte contre ses propres démons pour enfin essayer de se racheter, à ses propres yeux et pour Sophie.

En mêlant situations angoissantes d’hier et d’aujourd’hui, Christophe Royer invite le lecteur à décortiquer son rapport à autrui, à déceler le vrai du faux dans un ouvrage qui fait froid dans le dos.

Urbex sed Lex

Christian Guillerme

253 pages

Taurnada Éditions, 2020

Fin de lecture 28 février 2022.

« Urbex » ? Kézako ? Selon Wikipedia (oui mes sources sont certifiées 😉 ), « L’exploration urbaine, abrégée en urbex, est une pratique consistant à visiter des lieux construits et abandonnés par l’homme, l’explorateur urbain étant communément désigné par le néologisme urbexeur. »

Ouf, ça correspond à l’histoire ! Intéressons-nous donc à son déroulement.

Appât du gain, envie d’adrénaline.

Quand quatre amis fans d’urbex décident de répondre à une annonce pour un escape game grandeur nature, et que Christian Guillerme est aux commandes, on se doute que l’aventure ne va pas être de tout repos.

Carine, Fabrice, Chloé et Théo sont intrigués par la proposition anonyme qui leur est faite. Voire déstablisés et inquiets : leur pratique est confidentielle, leurs identités non associées au site sur lequel ils dévoilent quelques photos de leurs exploits.

Mais pour 32 000 €, quand même, ils serait dommage de ne pas résoudre l’énigme proposée… une dernière fois avant de raccrocher l’équipement d’explorateur !

Un grand sanatorium désaffecté est leur destination. Et dès leurs premiers pas, le malaise des quatre amis va s’accentuer.

« A chaque détour de couloir, à chaque ouverture béante sur l’extérieur, [Carine] sentait son échine se contracter, les poils de sa nuque se hérisser. Elle avait la sensation qu’ils ne maîtrisaient rien, comme embarqués malgré eux sur un frêle esquif, qui suivait les courants porteurs, sans jamais laisser le choix de la direction. »

L’angoisse qu’ils ressentent s’avère vite légitime, car la mort est au bout du chemin : en fait de proposition d’argent facile, il s’agit d’une terrible machination, mise en place par des prédateurs sans morale ni pitié. On suit les quatre amis dans leur quête d’aventures puis de vie quand ils comprennent qu’il s’agit d’un sombre piège.

Dès les premières lignes, on retrouve l’écriture cinématographique de l’auteur. Son habileté à entraîner des personnages relativement ordinaires – bien que dans cet opus, leur passion le soit peu – dans des situations extrêmes. La mise en place peut sembler un peu longue, elle permet surtout de comprendre ce qui va se jouer entre eux.

Car l’amour et l’amitié sont également au cœur du roman, les interactions entre les partenaires, leur envie de s’en sortir, individuellement ou collectivement. Mais à jamais changés.

J’ai beaucoup aimé ce thriller qui m’a fait découvrir un autre monde.