Néreides

Christophe Royer

278 pages

Taurnada Éditions, mars 2023

Fin de lecture 2 mars 2023

Je remercie les Editions Taurnada de m’avoir adressé cet ouvrage en format numérique dans le cadre d’un service presse. Mention spéciale pour la couverture, magnifique !

Dans ce nouvel opus des aventures de la Commandante Nathalie Lesage, on se déporte de Lyon vers Albi. En effet, Nathalie est appelée par son ancien amant Samir, sans nouvelles de sa jeune soeur Louane, étudiante dans cette ville.

Les deux amis mènent une enquête officieuse qui leur permet de détecter que d’autres jeunes gens ont disparu, de façon régulière depuis plusieurs années, sans intervention majeure de la police.

Parallèlement, on suit le calvaire de deux jeunes filles, Alexandra et Laetitia, détenues, droguées.

Les recherches de Nathalie et Samir se portent rapidement sur une mystérieuse école de magie au cœur d’Albi. La ténacité de l’enquêtrice est mise à rude épreuve, car elle n’a aucun droit d’intervenir hors de sa juridiction.

Comme dans ses précédents ouvrages, Christophe Royer s’inspire de croyances marginales horrifiantes pour mettre en scène son personnage et l’histoire policière. Il n’y a aucun temps mort, le livre démarre sur les chapeaux de roues. Et, pour une fois, la très secrète Nathalie se dévoile un peu, au hasard d’une rencontre avec une fantastique vieille dame qui lui fait -enfin – tomber sa garde. C’est émouvant de lire les sentiments contradictoires de la jeune femme face à l’aïeule. L’humour est également présent grâce à Cyrille, le fidèle lieutenant de Nathalie.

J’ai passé un bon moment grâce à ce livre, ai pris connaissance de techniques peu banales, et il m’a donné envie d’aller découvrir le pays albigeois !

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La Faussaire

Patricia Delahaie

366 pages

Belfond, 2022

Fin de lecture 6 juillet 2022.

J’avais vu cet ouvrage sur un présentoir au Festival du livre Paris, mais Patricia Delahaie était en pause. Je la remercie sincèrement pour sa gentille dédicace et l’éditeur Belfond (merci V. Maréchal) pour me l’avoir adressé quelques temps après.

Paul est médecin. Un physique insignifiant. Marié, deux enfants. Une vie sage et tranquille, dévouée. Une vie qui lui semble un peu morne quand il voit Camille.

Car Camille est lumineuse. Mariée, une fille, Céleste.

Elle va prendre Paul dans ses filets, insidieusement, et ne plus jamais le lâcher.

La Faussaire, c’est donc un fait divers (la base est réelle) qu’on pourrait lire dans un encart de journal. Mais c’est surtout l’histoire d’une machination pensée, voulue, d’une manipulation extrême qui conduit irrémédiablement au meurtre.

J’ai aimé lire cet ouvrage car pour une fois c’est une femme la coupable manipulatrice. Certes, l’homme s’est montré faible, mais Camille est surtout une menteuse patentée, déterminée à arriver à ses fins en menant son amant par le bout du nez.

Le lecteur sait dès le début qu’il y a mort d’homme, qui est la victime, et devine le potentiel coupable. L’objet du livre n’est donc pas de chercher le coupable, mais plutôt de déterminer les degrés de culpabilité, comme le montrera le procès des amants terribles. Et tout ce qui est relaté avant concourt à donner une physionomie particulière de la jeune femme : son intelligence diabolique, sa recherche du « pigeon », son impression d’impunité totale, qui la conduiront à sa perte.

Le récit est lent, la mise en place aussi. C’est cependant nécessaire pour comprendre la manière dont cette virtuose du mensonge s’invente et s’invite dans la vie de la proie qu’elle a choisie. Dès lors celle-ci ne peut plus résister, entourée d’une attention flatteuse, incapable de résister à cette fascination malgré quelques alertes de son intuition, voire de ses proches. Mais le filet est bien serré.

Les mécanismes des violences psychologiques sont à l’œuvre : séduction (voire fascination), isolement, dévalorisation, inversion de la culpabilité, éloignement, … lune de miel, … et rebelote !

Vous connaissez l’adage « C’est trop beau pour être vrai ». Quand ce qui vous arrive semble « trop », ne correspond pas à vos attentes réelles ou à vos propres besoins, et si ceux-ci sont bafoués, alors, FUYEZ !

La femme de Paul le résume si bien :

« En fait, la différence entre toi et moi, mon pauvre Paul, c’est le bon sens. Si je m’étais fait draguer par Brad Pitt, j’aurais trouvé ça suspect. (…) Mais toi, non. Marilyn te vampe et ça ne t’étonne pas ! »

C’est ce que Paul n’a pas su faire. A sa grande honte, en bafouant toutes les valeurs qui étaient les siennes.

Alors c’est sa vie en prison qu’il se raconte, une vie nouvelle, mais toujours au service des autres, comme avant. Enfin…

On voudrait le secouer Paulc lui dire qu’il se fourvoie, lui jeter un regard noir quand il répond au téléphone, lui faire un croc-en-jambe lorsqu’il décide de passer la porte. Mais non, le lecteur-spectateur ne peut que constater qu’il va à sa perte de façon irréversible…

Bien écrit, bien construit, ce premier roman déclenche des émotions contradictoires. Instructif sur la façon de se conduire des vampires des sentiments, il n’y a pas de temps mort. J’ai aimé la façon dont l’auteure a développé la personnalité des protagonistes, sans concession ni pour l’un ni pour l’autre : aucune empathie de la part de Camille, bien incapable d’en éprouver, assumation de ses responsabilités par le bon docteur.

Un premier roman très intéressant et bien agréable à lire.

La famille Tabor

Autour de la piscine de la propriété de Palm Springs, sous un chaud soleil, la famille Tabor ses failles glaçantes… © CF 11/09/2021

Cherise Wolas

509 pages

La Croisée, 2021

Fin de lecture le 6 septembre 2021.

Je remercie les éditions La Croisée et le Groupe Delcourt pour m’avoir adressé ce deuxième roman de Cherise Wolas.

La famille Tabor, de Palm Springs, projette toutes les apparences de la famille juive qui a réussi.

Le père Harry a fondé une société qui aide des réfugiés juifs à s’installer aux États-Unis, la mère Tara est une psychologue pour enfants renommée. Leurs trois enfants ont une belle carrière également : Camille est une anthropologue qui voyage aux quatre coins du monde, Phoebe a monté son cabinet d’avocats et Simon, avocat également, forme une belle famille avec sa femme et ses deux filles.

Revenir en week-end dans la maison familiale s’avère un moment privilégié :

« (…) être à la maison, c’est comme pénétrer un royaume spécial, un royaume où tous les Tabor resplendissent d’une brillance incroyable ; car cet éclat est une caractéristique propre à leur famille. »

Cependant, en ce jour où Harry doit recevoir le prix d’« Homme de la décennie » pour son œuvre, chacun s’interroge tour à tour sur ce qu’il est vraiment et ce qu’il refuse de montrer aux autres membres de la famille. Finalement, tous se mentent et mentent à leurs proches, pour des raisons parfois identiques : il ne faut pas décevoir l’attente des siens. Ou tout simplement, ne pas perturber l’équilibre familial en amenant ses propres dysfonctionnements :

« Se sent-elle de gâcher tout ce bonheur familial ? »

L’introspection de chaque personnage est très détaillée et fournit de nombreuses explications sur ce qu’il veut cacher. C’est d’autant plus amusant de voir comment chacun est alors perçu par les autres.

Car rien ne va plus dans la famille Tabor ! Et ce regroupement pour fêter le père, mal à l’aise avec ses propres secrets, pourrait tourner rapidement au vinaigre.

« Nous nous attachons aux autres dans l’ardeur de l’amour, et l’intimité nous convainc que nous savons tout de l’autre. Mais ce n’est pas le cas. Nous ne savons jamais. Nous ne pouvons jamais. »

J’aime beaucoup les livres qui permettent d’entrer dans l’intimité d’un foyer, même élargi puisque les enfants adultes n’y vivent plus. Outre les pensées des personnages, se dessinent les interactions basées sur les mensonges, jusqu’à ce que la vérité éclate et fasse table rase des apparences. Pour repartir sur des bases saines, chacun en accord avec soi-même, préalable pour l’accord avec autrui, pour retrouver ensuite une unité familiale réparatrice.

Ce livre explore aussi, en arrière-plan tout d’abord puis plus précisément, les fondements de la foi et de la pratique religieuse, quand celles-ci participent ou se heurtent à l’histoire familiale ou aux contingences quotidiennes : respect des fêtes qui rassemblent, moindre intérêt pour l’exploration scripturale.

« Ce qui est mystique n’est pas planifié, on ne peut en discuter ni se mettre d’accord sur ce qu’il est, on doit entendre l’appel et faire ce que l’on est obligé de faire pour l’éprouver. »

Le style de Cherise Wolas mêle action au présent et introspection, si bien qu’on ne s’ennuie jamais dans ce superbe roman.

Sur ma peau

Gillian Flynn

382 pages

Le Livre de Poche, 2014

Fin de lecture 27 juin 2021.

J’avais été séduite par Les apparences, cela faisait longtemps que je souhaitais lire le premier écrit de Gillian Flynn et retrouver cette façon si particulière de créer un univers.

Et je n’ai pas été déçue.

C’est l’héroïne, Camille, qui raconte l’histoire, son histoire d’une certaine façon.

Camille est journaliste dans un obscur journal de Chicago quand son rédacteur en chef lui demande d’enquêter sur des disparitions de petites filles intervenues dans le Missouri. Curry pense en effet que Camille pourra écrire un article plus étoffé et obtenir des scoops en retournant dans sa ville natale.

Or c’est un crève-coeur pour la jeune femme qui a coupé les ponts avec sa richissime famille. Décidée néanmoins à écrire un papier digne d’obtenir le Prix Pulitzer, elle retourne à Wind Gap.

Petit à petit, Camille s’immerge dans cette ville et son propre passé, qui l’ont tant marquée qu’elle s’est infligée des blessures indélébiles.

Accueillie chez sa mère, l’excentrique Adora, et son beau-père, le falot Alan, Camille y renoue également avec sa demi-soeur, la jeune Amma. Les relations familiales sont tendues et complexes, et génèrent un malaise entretenu par la disparition prématurée de la sœur du milieu, Marian, quand Camille avait treize ans.

« La ville ne m’inspirait aucun sentiment d’allégeance particulier. C’était là que ma sœur était morte, là que j’avais commencé à me couper. Une ville si étouffante, si petite, qu’on y croisait chaque jour des gens qu’on détestait. Des gens qui savaient des choses sur vous. C’est le genre d’endroit qui laisse des marques. »

Camille retrouve ses anciennes camarades de lycée, mariées et mères de famille, qui ne correspondent plus à ce qu’elle en avait connu. Désœuvrées, occupées à dénigrer tantôt l’une, tantôt l’autre, leur fréquentation offre un jour nouveau sur l’ancienne vie de Camille.

Camille va également collaborer avec un inspecteur, Richard, venu aider le shérif en titre, et qui va lui offrir une parenthèse bienvenue dans la fournaise de la ville.

Gillian Flynn exerce son emprise sur le lecteur en l’invitant à suivre Camille dans cette petite ville où toutes les vilénies semblent être réunies. Des gamines surjouant un rôle de midinette aux parents éplorés jusqu’à la propre famille dysfonctionnelle de la jeune journaliste, on découvre une population qui s’épie, une violence larvée dans la chaleur moite du Missouri. Une horreur croissante. Un sentiment de dégoût pour les agissements des gamines délurées et violentes avec leurs semblables : sexe, drogue et violence à gogo…

Accompagner Camille dans ses recherches et son introspection s’avère douloureux, on voudrait l’encourager à faire ses bagages sans tarder.

Car ce n’est pas que la résolution des meurtres des petites filles que Camille va rechercher… c’est aussi sa propre vie !

Jusqu’à la dernière page, j’ai éprouvé un sentiment d’empathie pour la jeune femme, un trouble concernant cette jeunesse effrontée et une admiration pour l’imagination de l’autrice.