
Cherise Wolas
509 pages
La Croisée, 2021
Fin de lecture le 6 septembre 2021.
Je remercie les éditions La Croisée et le Groupe Delcourt pour m’avoir adressé ce deuxième roman de Cherise Wolas.
La famille Tabor, de Palm Springs, projette toutes les apparences de la famille juive qui a réussi.
Le père Harry a fondé une société qui aide des réfugiés juifs à s’installer aux États-Unis, la mère Tara est une psychologue pour enfants renommée. Leurs trois enfants ont une belle carrière également : Camille est une anthropologue qui voyage aux quatre coins du monde, Phoebe a monté son cabinet d’avocats et Simon, avocat également, forme une belle famille avec sa femme et ses deux filles.
Revenir en week-end dans la maison familiale s’avère un moment privilégié :
« (…) être à la maison, c’est comme pénétrer un royaume spécial, un royaume où tous les Tabor resplendissent d’une brillance incroyable ; car cet éclat est une caractéristique propre à leur famille. »
Cependant, en ce jour où Harry doit recevoir le prix d’« Homme de la décennie » pour son œuvre, chacun s’interroge tour à tour sur ce qu’il est vraiment et ce qu’il refuse de montrer aux autres membres de la famille. Finalement, tous se mentent et mentent à leurs proches, pour des raisons parfois identiques : il ne faut pas décevoir l’attente des siens. Ou tout simplement, ne pas perturber l’équilibre familial en amenant ses propres dysfonctionnements :
« Se sent-elle de gâcher tout ce bonheur familial ? »
L’introspection de chaque personnage est très détaillée et fournit de nombreuses explications sur ce qu’il veut cacher. C’est d’autant plus amusant de voir comment chacun est alors perçu par les autres.
Car rien ne va plus dans la famille Tabor ! Et ce regroupement pour fêter le père, mal à l’aise avec ses propres secrets, pourrait tourner rapidement au vinaigre.
« Nous nous attachons aux autres dans l’ardeur de l’amour, et l’intimité nous convainc que nous savons tout de l’autre. Mais ce n’est pas le cas. Nous ne savons jamais. Nous ne pouvons jamais. »
J’aime beaucoup les livres qui permettent d’entrer dans l’intimité d’un foyer, même élargi puisque les enfants adultes n’y vivent plus. Outre les pensées des personnages, se dessinent les interactions basées sur les mensonges, jusqu’à ce que la vérité éclate et fasse table rase des apparences. Pour repartir sur des bases saines, chacun en accord avec soi-même, préalable pour l’accord avec autrui, pour retrouver ensuite une unité familiale réparatrice.
Ce livre explore aussi, en arrière-plan tout d’abord puis plus précisément, les fondements de la foi et de la pratique religieuse, quand celles-ci participent ou se heurtent à l’histoire familiale ou aux contingences quotidiennes : respect des fêtes qui rassemblent, moindre intérêt pour l’exploration scripturale.
« Ce qui est mystique n’est pas planifié, on ne peut en discuter ni se mettre d’accord sur ce qu’il est, on doit entendre l’appel et faire ce que l’on est obligé de faire pour l’éprouver. »
Le style de Cherise Wolas mêle action au présent et introspection, si bien qu’on ne s’ennuie jamais dans ce superbe roman.