Les cicatrices

Claire Favan

361 pages

Harper Collins Noir, 2020

Fin de lecture le 25 décembre 2021.

Owen est un jeune homme agréable, serviable. Son plus gros défaut est d’avoir épousé une femme dont le psychisme est totalement déséquilibré et d’en avoir divorcé. Sally, malade de jalousie, n’accepte pas cette rupture et le pauvre Owen est pris dans une spirale infernale, d’autant qu’il habite la même maison que son ex-femme et qu’il est le meilleur vendeur de son ex-beau-père !

En parallèle de cette histoire touchante se déroulent une ou plusieurs autres, dont les faits sont horribles : des jeunes filles ou femmes sont enlevées puis séquestrées pour être soumises durant des mois, voire des années au bon vouloir de leur ravisseur. Surnommé Twice, car son modus operandi l’amène à détenir deux victimes en même temps, il semble qu’il ait repris du service car la police enquête sur un corps dont les caractéristiques sont celles du tueur en série. Un corps, puis deux, puis … Les enquêteurs de Centralia, dans l’état de Washington, Dwain Cartwright et Carol Bowns, font tout de suite appel à Lyle Esteves, agent du FBI spécialisé dans les enquêtes menées sur Twice, mais tombé en disgrâce au regard de ce qui ressemble désormais à une obsession.

Or, alors qu’Owen vient enfin de rencontrer Jenna, une jeune femme qui pourrait l’aider à oublier Sally, son ADN est découvert sur l’un des corps. Rien ne peut néanmoins le relier aux victimes. Entre les scènes de son ex et les soupçons de la police, Owen risque de sombrer encore plus.

« Il a tenté de faire face avec courage et détermination mais, là, il doit avouer qu’il a envie de baisser les bras. Se retrouver suspecté de meurtre en série, c’est la cerise sur le gâteau de sa misérable existence. »

Voilà un thriller dérangeant. Avec des rebondissements qui malmènent le lecteur. Des sauts dans le temps qui font perdre la tête. Si bien écrit, si addictif que je l’ai lu d’une traite, tant je voulais connaître le dénouement. Effroyable, abominable. Une fois de plus, Claire Favan met à mal nos certitudes et nos sentiments en construisant des histoires qui prennent aux tripes.

Heureusement, pour éroder un peu les aspérités, le moment où elle met en scène comme à son habitude ses compères écrivains m’a fait mourir de rire !

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Dompteur d’anges

Claire Favan

438 pages

Pocket, 2018, Éditions Robert Laffont, 2017

Fin de lecture 14 avril 2021

Quand on rencontre Madame Favan, c’est madame tout-le-monde qui vous parle de son enfant, de sa vie, de la façon dont elle travaille. Elle est douce et on aime l’écouter.

Quand on lit ses livres, on se demande qui a tenu la plume ou quels sont ces doigts qui ont tapé des phrases traduisant une construction d’histoire aussi terrible !

Max est un pauvre jeune homme qui n’a jamais fait de mal à personne, mais parce qu’il s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, parce qu’il n’a pas le bon profil ni les bons appuis, il est le désigné d’office dans le viol et le meurtre d’un jeune enfant, son ami, qui le suivait comme son ombre.

Max devient donc le souffre-douleur de ses codétenus, des surveillants pénitentiaires, comme cela prévaut pour les agresseurs de ce type dans l’univers carcéral. Sauf que Max est innocent. Et que son innocence est reconnue au bout de cinq ans, lorsque le vrai coupable est démasqué.

Mais l’expérience vécue par Max a totalement transformé le gentil jeune homme. Animé d’une froide colère, il va mettre tout en œuvre pour assouvir sa vengeance : juge, avocat, jury, matons, tous ceux qui sont concernés de près ou de loin par l’affaire vont subir l’enfer.

Max a concocté un plan, enlevant les enfants de ceux qui l’ont malmené, leur infligeant une éducation où les coups et les humiliations cassent leur personnalité, et en les entraînant aux pires méfaits. On suit plus particulièrement Cameron, le premier enfant enlevé, car c’est lui qui va vivre le plus auprès de Max.

« Ses journées s’écoulent quasiment toutes de la même façon entre les séances de dressage, crever la dalle, les coups, et les leçons. »

Trois enfants deviennent les réceptacles des théories fumeuses de Max, ils sont constamment dans la lutte pour le pire pour obtenir l’approbation de leur père de substitution.

« Il ne parvient pas à penser autrement qu’en avantage personnel, ni à ressentir de pitié pour celui qu’il a contribué à capturer. »

La peur, la soumission, la souffrance sont les seules composantes de leur vie, celles qu’ils subissent, celles qu’ils font aussi subir à d’autres, pour abreuver la soif de vengeance de Max. A travers les Etats-Unis, dressés pour voler, tuer, et démontrer qu’aucune justice n’existe, les « anges » de Max portent le malheur, tant à des innocents qu’à des malfrats.

« Ce soir, ils vont tuer un homme.

Il ne s’agit plus de coller une baffe à des gens terrorisés pour leur piquer du fric, de voler à l’étalage sans se faire voir, de cambrioler des maisons vides ou de pousser une femme à peine sortie du sommeil dans son escalier pour qu’elle se brise les os. »

Et l’adolescence survient, qui exacerbe les rivalités entre les jeunes gens.

Où est la conscience morale ? Où est la vraie justice ? Qui est le coupable : celui qui commet l’acte ou celui qui a concocté l’éducation d’une manière sectaire, annihilant toute autre forme de pensée ? Comment se sortir de telles situations ? Et que faire d’une telle éducation quand on devient adulte ?

C’est un livre terrible, haletant, où le talent de Claire Favan amène à s’interroger qur notre propre référentiel de valeurs. En effet, on se prend à vouloir sauver ces enfants, à ne pas les laisser perdurer bien évidemment leur périple meurtrier, mais sans pour autant qu’ils soient démasqués malgré leurs horribles méfaits.

On croit en voir fini avec l’horreur, et au détour d’une page, l’autrice nous y replonge savamment.

Un excellent thriller !