
Helen Simonson
494 pages
NiL édition, 2012
Fin de lecture 2 septembre 2022
Le major Pettigrew est un ancien militaire, à la retraite. Veuf, il vient de perdre son frère Bertie.
Ce n’est pas très joyeux dans la maison familiale de Edgecombe Saint Mary… les habitudes régissent la vie bien réglée du major, autour de ses lectures de Kipling, de chasse, de golf et bien évidemment du thé traditionnel. Il est en effet très attaché aux valeurs anglaises, et ne saurait choquer personne.
« Le smoking n’est pas un thème (…). C’est la tenue préférée des gens bien élevés. »
Mais le hasard est malicieux, et très pertinent !
Car c’est Madame Ali, l’épicière d’origine pakistanaise mais tout à fait anglaise, qui vient en aide au major en fort mauvaise posture. Tous deux se découvrent des points communs, dont la lecture.
Et tout à coup, la vie du vieux monsieur s’éclaire. Le courant passe entre les deux esseulés.
Mais les convenances pourraient bien les rattraper : un gentleman anglican ne saurait frayer avec une dame musulmane…
Dépité par sa belle-sœur et déçu par son propre fils, le major doit faire face à une querelle autour de vieux fusils, à un promoteur américain qui veut bouleverser la topographie du village, aux dames patronnesses qui veulent organiser un dîner-spectacle au très sélect club de golf local et à la famille de Mme Ali, pour le moins hostile à son égard.
Helen Simonson propose une histoire qui pourrait être adaptée en série, avec la touche « so british » adéquate. Car tout est représenté dans ce livre : la noblesse anglaise désargentée, l’appât du gain, l’enjeu de préserver les apparences, le racisme ordinaire, les mésalliances, les choix de vie compliqués, …
Si je pensais m’ennuyer en commençant ce livre qui prenait la poussière sur mes étagères, que nenni ! Je me suis beaucoup amusée des réflexions du major in petto bien souvent, mais également aux remarques bien senties, voire caustiques, qu’il envoie sans jamais se départir de son flegme :
« (…) de nos jours, les hommes attendent de leur femme qu’elle soit aussi époustouflante que leur maîtresse.
⁃ C’est atroce. Comment donc les distingueront-ils l’une de l’autre ? »
Et bien sûr, on assiste à l’évolution complexe de ses sentiments envers une très digne Mme Ali, en contrepoids des relations délétères entretenues par Roger.
« L’amour c’est cela, Roger. C’est quand une femme chasse toute pensée lucide de ton esprit, quand tu es incapable d’échafauder des stratagèmes de séduction et quand les manipulations habituelles t’échappent, quand tous tes plans soigneusement élaborés n’ont plus aucun sens et tout ce que tu peux faire, c’est rester muet en sa présence. Tu espères qu’elle ait pitié de toi et tu lâches quelques mots gentils dans le vide de ton esprit.»
Je me suis régalée de ce livre, une petite parenthèse au pays de Jane Austen, revisité « en mode » vingt et unième siècle.