Le douzième chapitre

Jérôme Loubry

335 pages

Le Livre de Poche, 2020, Calmann-Levy, 2019

Fin de lecture 15 avril 2020

Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois d’avril.

Huitième livre lu dans le cadre du jury.

David est un écrivain reconnu. Son éditeur, Samuel, est un ami d’enfance. Un très bon ami, même.

Car ils ont passé tous les deux leurs vacances dans le centre appartenant à la société qui employait leurs parents.

Jusqu’à la disparition, en 1986, d’une petite fille, Julie, dont ils avaient fait la connaissance sur la plage.

Aux prémices d’un amour d’enfance ont

succédé les regrets. Car nul n’a jamais su ce qu’il était advenu de l’enfant.

Mais trente ans plus tard, David et Samuel reçoivent chacun un manuscrit, relatant leur partie de l’histoire de cette année maudite. Ils essaient de trouver le mystérieux auteur des envois, ainsi que le troisième larron qui semble également être impliqué. Car ils sont identifiés par leur mystérieux expéditeur comme le sourd, le muet et l’aveugle, que les fantômes de leur passé commun viennent hanter.

Cela devient vite une obsession pour David, qui délaisse son travail et sa compagne pour se replonger dans le passé. Il doit se presser, car le dénouement interviendra à la lecture du fameux « douzième chapitre ».

C’est le premier livre de Jérôme Loubry que je lis, et si je conviens que la construction peut être intéressante, j’ai très rapidement trouvé les tenants et aboutissants de l’histoire, qui ne m’a donc plus passionnée. Le début était prometteur, mais comme j’avais deviné la suite, j’ai avancé très vite pour vérifier quelques détails.

Peut-être la faute à de trop nombreuses lectures de polars/thrillers qui me font chercher – et quelquefois trouver – midi à quatorze heures… Cela ne restera donc pas un souvenir impérissable pour moi, mais pourrait intéresser des lecteurs moins « aguerris ».

Sur l’écriture, par contre, j’ai bien aimé le parti pris de l’alternance des passé/présent/manuscrits différents, ainsi que les émotions ressenties par David enfant comme adulte : confronté à un beau-père qu’il déteste, habité d’une peur viscérale engendrée par la tension des aduites craignant de perdre leur emploi, la lumineuse apparition de la petite fille est une parenthèse bienvenue pour le petit David. Et lorsque devenu adulte, il reçoit le manuscrit, toute la protection psychologique qu’il a construite s’envole pour laisser place au stress, à l’angoisse de n’avoir pas pu empêcher la disparition de Julie.

Citations

« Vous allez être trois à recevoir ce récit. Trois personnages qui se sont rendus coupables, bien que de manière différente. »

« Elle se tenait debout, fière et conquérante, défiant leur silence et leur incrédulité, les poings posés sur ses fines hanches. Ses cheveux blonds avaient été rassemblés en une queue-de-cheval qui dévoilait la ligne parfaite de son cou. »

« Tu trouves ça bien, toi, que le fait de lire ces pages me trouble au point de ne plus pouvoir dormir ? Tu trouve ça bien que Sarah soit partie de la maison pour la simple et bonne raison que revivre tout se passé m’empêche d’interagir avec mon présent ? Tu trouves peut-être ça bien que je me torture à essayer de comprendre pourquoi nous avons été incapables de la protéger ? »

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Annabelle

Lina Bengsdotter

Traduction Anna Gibson

409 pages

Le Livre de Poche, 2020, Hachette Livre Marabout, 2019

Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois de mars.

Cinquième livre lu dans le cadre du jury.

Fin de lecture 28 mars 2020

A Gullspång, la jeune Annabelle a disparu. L’inspectrice Charlie Lager doit enquêter dans cette petite ville de Suède qu’elle a quittée il y a dix-neuf. Là, le temps semble s’être figé : l’usine où travaillait sa mère Betty est toujours en activité, l’ancienne épicerie sert toujours de repaire pour les fêtes des jeunes où drogue et alcool sont leur meilleur moyen d’oublier qu’ils n’ont pas d’avenir.

Charlie et son collègue Anders, aidés des policiers locaux, interrogent l’entourage de la jeune fille, tandis qu’une autre histoire hante l’enquêtrice : celle de sa propre adolescence, de ses relations conflictuelles avec sa mère cyclothymique, de ses propres rêves d’évasion.

Trois récits – un lointain passé dont on ne devine rien, un passé récent qui est celui qui précède la disparition d’Annabelle, et le présent de l’enquête – ponctuent le livre et explorent chacun, avec précision, des sensations différentes : angoisse, peine, désespoir. Leur ressort commun semble malgré tout être l’amitié, cette relation si précieuse pour chaque protagoniste.

J’ai beaucoup aimé ce livre, car il est bien plus qu’un roman policier. Prenant pour prétexte la recherche de la jeune Annabelle, Lisa BENGSDOTTER livre ici une chronique sociale sans équivoque et empreinte de tristesse sur les villes oubliées de Suède, où l’avenir des jeunes est inexistant.

On se plaît ainsi à suivre Charlie aux confins de ce passé qu’elle se refuse à rejoindre, tout en désirant malgré tout l’affronter : des couleurs fanées de la ville à la lumineuse beauté du lac de son enfance, Charlie s’attache le lecteur par sa profonde humanité.

Un coup de cœur pour ce polar !

Citations

« Pourquoi lis-tu autant, ma chérie ?

Charlie répondait qu’elle lisait parce que ça lui plaisait. Point barre. Elle ne s’aventurait jamais à décrire la sensation que lui donnait la lecture, celle de pénétrer d’autres mondes, de se dépouiller de sa réalité, de devenir quelqu’un d’autre, ailleurs. »

Avalanche Hôtel

Lac Léman, Lausanne, février 2020, une vue adaptée à l’ouvrage -Copyright CF-29 février 2020

Niko Tackian

282 pages

Le Livre de Poche, 2020, Calmann-Lévy 2019

Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois de mars.

Quatrième livre lu dans le cadre du jury.

Fin de lecture 7 mars 2020

De Niko Tackian, je n’avais lu qu’une nouvelle. J’attendais de découvrir l’auteur sous un autre jour.

Et j’ai plutôt aimé cette quête d’un policier, Joshua Auberson, autour de la disparition d’une jeune fille.

Il est très difficile de résumer ce livre sans le spolier, et ce serait bien dommage !

On pourrait en dire que passé et présent s’entrechoquent, s’entrecroisent et se superposent suite à la chute de Joshua au cours d’une avalanche.

Le Bellevue Grand Palace, aujourd’hui délabré, joue un rôle primordial : il s’est passé quelque chose d’affreux dans la chambre 81, mais Joshua n’en a plus le souvenir. Ce qui semble normal, car Joshua vit en 2018, et que ses souvenirs semblent remonter aux années 80.

Joshua, qui n’arrive plus à démêler le vrai du faux entre les cauchemars qui l’assaillent et la réalité, est habité par une profonde angoisse. Il va alors remonter dans le temps pour comprendre ce qui s’est vraiment passé dans cet hôtel.

J’ai bien aimé la construction du livre, la tension dramatique qui s’installe dès les premières pages.

Et la montagne elle-même lui donne du relief (!) : la description de la Riviera Suisse, entre sommets enneigés et vue sur le lac Léman, incite fortement au tourisme…

Citations

« un plan de l’étage était cloué contre la porte avec le parcours emprunté en cas d’évacuation. Chambre 81. Un voyant rouge s’alluma quelque part dans son crâne. 81… ce nombre lui rappelai quelque chose. Impossible de savoir quoi. Et puis il fixa le mot inscrit en lettres gothiques.

Avalanche Hôtel… À–H… Et il se dit que c’était étrange comme nom pour un hôtel. »

« Son état physique général était bon, et pour ce qui était des lésions cérébrales, elles disparaîtraient – ou pas – au fil du temps. Pour tout dire, il ne conservait de cette avalanche qu’une sensation de froid omniprésente et la confusion totale des événements qui l’avait précédée. » p55

Dix petites poupées

B.A. Paris

346 pages

Le Livre de Poche, 2020, Hugo Thriller, 2019

Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois de mars.

Troisième livre lu dans le cadre du jury.

Fin de lecture 4 mars 2020.

Lorsque Layla disparaît sur une aire d’autoroute française après un voyage à Megève avec Finn son compagnon, celui-ci est horrifié. Il la cherche partout. Mais il a omis certains détails qui auraient pu intéresser la police.

Douze ans plus tard, Finn a refait sa vie avec Ellen, la sœur de Layla, aussi terne que la disparue était pétillante.

Mais tandis qu’ils préparent leur mariage, des petites poupées russes, identiques à celles possédées par les deux sœurs durant leur enfance, font leur apparition. Déposées sur un muret ou envoyées par la poste, elles constituent une menace pour l’équilibre du couple, car Finn n’a jamais oublié Layla. Que fera-t-il si elle réapparaît ?

Il y a alternance de chapitres avant/maintenant/narration de Finn/de Layla/d’Ellen qui rend un peu difficile la compréhension de l’histoire en début de lecture, qui s’éclaircit ensuite.

J’ai trouvé assez longs les trois quarts du livre. Je me suis ennuyée. J’ai évidemment cherché à savoir où était passée Layla et pourquoi Finn ne mettait pas la police au courant immédiatement.

C’est le dernier quart qui m’a le plus intéressée, un peu plus haletant, car la vérité commençait à se faire jour et que je ne l’avais pas complètement comprise.

Citations

« Tout ça – oui, tout – serait bien plus simple si Ellen et moi étions tombés amoureux de quelqu’un d’autre plutôt que l’un de l’autre. Qu’Ellen soit la sœur de Layla ne devrait absolument pas rentrer en ligne de compte, dès lors que 12 ans ont passé depuis la disparition de Layla.

Mais bien sûr, ça compte. » p27

« Cette poupée à la tête écrasée à catapulté ma raison dans des territoires inconnus. J’aurais dû la jeter immédiatement à la poubelle mais de peur qu’Ellen ne les trouve, je l’ai rangée dans mon bureau, au fond du tiroir, avec les autres. Et son image, gravée dans mon cerveau, me nargue. M’interroge. » p218