Une araignée dans le rétroviseur

Patricia Bouchet

63 pages

Éditions Parole (collection main de femme), 2022

Fin de lecture 24 septembre 2022

Dans un très court texte, la narratrice revisite les lieux de son enfance. Elle explore les endroits, intérieur et extérieur, les parfums, les visuels.

De façon très photographique, le lecteur est invité à parcourir ces étés joyeux entre cousins sous l’œil bienveillant de l’aïeule qui s’affairait en cuisine.

Cependant, explorer son passé peut également faire resurgir des événements enfouis. Peut-être, malgré tout, pour mieux se reconnecter au présent, renaître.

Voici un premier roman très poétique, touchant, émouvant et révoltant tout à la fois. Du soleil extérieur, on parvient au plus sombre des lieux et des faits qui s’y sont déroulés. Par les yeux de la narratrice, la légèreté se transforme en abomination et la maison résonne d’un cri silencieux.

C’est comme une invitation que nous lance l’autrice : « Venez, explorez l’endroit pour qu’enfin jaillisse la vérité. Et ensuite, fermez la porte à double tour, jetez la clé et tournez le dos à ce passé : les comptes sont réglés ! »

Un hymne à l’exploration de ce qui nous hante, à la rencontre avec soi et à la résilience.

Merci à Elisabeth pour le prêt de ce bel ouvrage !

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Et pour le pire

Noël Boudou

252 pages

Taurnada Éditions, 13 mai 2021

Fin de lecture 26 avril 2021.

Je remercie les Éditions Taurnada de m’avoir permis de découvrir le talent de Noël Boudou, dont j’avais entendu parler (notamment Benzos), mais que je n’avais pas encore eu l’occasion de lire, grâce à la version numérique de Et pour le pire.

Vincent Dolt est un vieux monsieur aigri mais plein d’humour. En fait, il a toutes les raisons d’être aigri : il nourrit depuis 20 ans une vengeance contre les trois malfrats qui ont maltraité, violé et assassiné son épouse Bénédicte. Ces trois-là vont sortir de prison dans quelques jours, et Vincent se prépare à les tuer.

C’est Vincent lui-même qui raconte son histoire, les quelques jours qui le séparent de la mise à exécution de son projet. L’humour transparaît malgré tout dans les réflexions qu’il fait sur ce qui l’entoure, sur les gens, sur le quotidien.

On s’attache à l’homme meurtri au plus profond, on éprouve une tendresse pour celui qui voudrait tant rejoindre sa compagne. Anticlérical de naissance, grand amateur de bières (il faudrait compter le nombre de bouteilles bues au long de ce livre !), il joue les gros durs alors qu’il a tout simplement atteint la fin de son envie de vivre.

« Il faut bien un début à tout. Ne pas mourir idiot. Ne pas mourir innocent. Si je me suis trompé et que le dernier jour je me retrouve devant saint Pierre, je vais avoir l’air fin. Je préfère saint Patrick, au moins, chez lui, on boit des bières. »

Il semble que les projets de Vincent pourraient d’ailleurs être contrecarrés par l’arrivée de ses nouveaux voisins, un couple avec deux enfants. L’homme est une force de la nature, la femme magnifique et possède des qualités insoupçonnées, et leurs enfants apportent de la vie dans le jardin… Leurs relations débutent mal, mais Vincent se laisse peu à peu apprivoiser… sauf que le danger est là, qui rode autour de lui, et d’eux tous à présent qu’ils sont familiers !

Car si Vincent souhaite se venger, les assassins n’ont pas plus digéré leur emprisonnement et c’est une sorte de ligue qui va s’en prendre à lui.

Vincent va devoir apprendre à compter ainsi sur ses nouveaux amis : un homme, un chien, une femme et un fusil… pour le pire !

Voici un des meilleurs thrillers que j’ai lus ces derniers mois. J’ai été émue, bouleversée, horrifiée, choquée, surprise, j’ai également ri (hé oui !), et c’est incroyable à écrire tant le sujet est terrible, mais c’est un coup de cœur !

La vraie vie

Adeline Dieudonné

266 pages

Éditions L’iconoclaste, 2018

Prix Goncourt des Lycéens, 2019

Fin de lecture 15 août 2020

Bizarrement, ce livre a fait le buzz pendant un certain temps sur les réseaux sociaux, j’avais compris qu’il était très bon, mais je n’en connaissais absolument pas l’histoire.

Et je ne suis pas déçue !

Ce roman-thriller est excellent.

L’adolescente qui narre l’histoire veut absolument redonner le sourire à son petit frère, Gilles, qu’un tragique accident a marqué émotionnellement. Elle s’essaie à inventer une machine à remonter le temps, et explore par là même les arcanes de la science, de la physique quantique, pour devenir si possible la nouvelle Marie Curie.

Mais tout serait trop simple si cette jeune fille dont les hormones s’éveillent n’était pas entourée d’une mère soumise à son butard de mari. Avide de sang, chasseur invétéré, pour lui les femmes sont un gibier traditionnel à sa merci.

Mais la vraie vie est-elle à ce prix ?

Sauver son frère est une chose, sauver sa peau et ne surtout pas devenir comme sa mère en est une autre.

Dans ce premier roman salué par la critique, l’autrice dévoile un grand talent de conteuse, alternant entre les désirs fantasmés propres à l’adolescence de son héroïne et les objectifs bien réels de s’échapper de la vie qu’elle mène. Prodige qui s’ignore, obligée de cacher son exceptionnelle intelligence, elle fait preuve d’une maturité bien au-delà de son âge. Elle évolue durant les cinq années que traverse sa narration, mais alors que le livre est un condensé de violences, que certains passages sont chargés de terreur et d’angoisse, il en ressort également une grande luminosité grâce à l’espoir qui demeure malgré tout au plus profond d’elle.

Les descriptions, les réflexions de la jeune fille ainsi que la façon de conter l’histoire m’ont fait penser à Laura Kasischke, et c’est pour moi plus qu’un compliment ! Coup de cœur !

Citations

« Je ne pouvais juste pas accepter de passer ma vie à regarder la vermine manger le cerveau de mon petit frère. Le perdre pour toujours. Même si je devais y consacrer toute mon existence, je changerais ça. Ou je mourrais. Il n’y avait aucune autre solution. »

« D’ailleurs, tout le monde à l’école était mou. Les profs, les élèves. Les uns étaient bêtement vieux et les autres allaient vite le devenir. Un peu d’acné, quelques rapports sexuels, les études, les gosses, le boulot et hop ! Ils seront vieux et ils n’auront servi à rien. Moi, je voulais être Marie Curie. Je n’avais pas de temps à perdre. »