La délicatesse du homard

Laure Manel

346 pages

Le Livre de Poche, 2021, Éditions Michel Lafont, 2017

Fin de lecture 26 juillet 2022.

Voici un petit bijou qui se déguste. Commencé, impossible à lâcher. Je l’ai lu d’une traite, vive les vacances !

Ce sont deux âmes esseulées, par obligation, pour se protéger, que la vie met face à face.

Elsa s’est échouée sur la plage qui jouxte le centre équestre que tient François. Elle ne veut rien dire de son passé. Lui ne veut plus s’attacher.

Il l’accueille malgré les réticences de son entourage. Elle accepte de rester un temps.

« Il n’y a pas de place ici pour moi. Il faudrait que je trouve le courage de partir, de mettre les voiles. Je me dis « encore quelques jours ». Rien que quelques jours… Pour prendre une grande brassée de bonnes petites choses, pour avoir la force de poursuivre ma quête. »

Elle cuisine. Il lui apprend à monter.

Tous deux marqués par des drames vont ainsi peu à peu s’apprivoiser. Non sans mal. Car chacun à ses propres doutes, ses peurs qu’il doit combattre.

« S’il y a un bon côté dans le célibat, c’est de vivre comme on l’entend sans essuyer de remontrances, sans avoir de justifications à donner ou de concessions à faire. J’aime ma liberté. »

Comme un journal intime à deux voix, les événements sont relatés par chacun, par leur prisme, avec leur évolution respective et les émotions qu’ils ressentent. Elsa reste sur la réserve, toute en questionnement, tandis que François est plus léger dans son récit, plus direct. Puis l’un et l’autre se dévoilent et ce sont de profondes blessures intimes qui émergent.

La délicatesse, c’est celle de l’écriture de Laura Manel, qui distille les informations sur ses personnages page après page. Ce sont les magnifiques paysages bretons qu’Elsa prend en photo. C’est aussi et surtout celle de l’amour naissant qu’aucun d’eux n’ose nommer, qui amène François à respecter d’autant plus celle qui lui devient chère au fil des jours. C’est lui, bien sûr, un peu rustre, endurci, que la jeune femme attire malgré elle.

J’ai éprouvé de jolies émotions (euphémisme de bon aloi pour ne pas dire que les larmes ont coulé abondamment !) avec cet ouvrage qui conte avec simplicité les drames et orages de la vie et démontre la possibilité malgré tout de se construire un avenir… avec la bonne personne.

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Des poignards dans les sourires

Cecile Cabanac

503 pages

Pocket, 2020, Fleuve éditions, 2019

Fin de lecture 20 janvier 2022.

Je remercie les Éditions Pocket de m’avoir adressé cet ouvrage dans le cadre de la rencontre avec l’auteure, prévue le 14 décembre 2021, malheureusement annulée. J’en profite pour remercier Cécile Cabanac pour sa sympathique dédicace.

Lorsque Catherine Renon et ses enfants rentrent à Clermont-Ferrand d’un week-end parisien, François, le père et mari, a disparu.

Cette disparition engendre des réactions aux antipodes : Catherine semble revivre tandis que son fils aîné Maxime met tout en œuvre pour retrouver son père tant aimé.

La mère de François, Michelle, ne comprend pas l’attitude de sa belle-fille : elle la force à aller signaler sa disparition aux autorités.

Un corps démembré et brûlé a été découvert et la police acquiert la certitude qu’il s’agit de celui de François.

L’enquête va devoir démontrer qui a éprouvé une haine telle qu’elle a provoqué un passage à l’acte.

La famille, les amis ou les partenaires en affaires, petit à petit, la police découvre que François avait plus d’un ennemi ! Escroc, ivrogne, cavaleur, l’homme était somme toute peu recommandable…

Virginie Sevran, qui vient d’intégrer le SRPJ de Clermont-Ferrand après une rupture et son collègue Pierre Biollet, chacun avec leurs failles, mènent des investigations autour des coupables potentiels. De façon méthodique, ils les éliminent l’un après l’autre, faisant fi des ragots, des commentaires malintentionnés et des querelles avouées ou larvées.

« Ah non, pour le moment, je ne pense rien. J’écoute les uns et les autres, je les regarde se positionner sur l’échiquier. Dans ces familles, où on a toujours tout mis sous cloche, caché les cadavres dans les placards… On profite souvent d’une enquête criminelle pour faire le ménage, régler les comptes… À nous de ne pas être dupes… »

Au fur et à mesure d’une intrigue particulièrement bien construite car imbriquant les personnages sur des temporalités différentes, le lecteur découvre les griefs que chaque protagoniste pouvait avoir envers le défunt. Le portrait peu attrayant de celui-ci renvoie alors le lecteur comme l’enquêteur à ses propres réflexions : François n’avait-il pas mérité cette fin tragique ?

En cinq cents pages, Cécile Cabanac propose « une plongée dans les abysses de la famille Renon » et de ses turpitudes, des secrets qui amènent à son implosion.

Chaque membre est disséqué, de Michelle, la mère indigne, aux enfants de François éplorés. La quête initiée par le jeune Maxime pour retrouver son père, ainsi que sa désillusion, m’ont amené les larmes aux yeux.

D’une écriture soignée, l’auteure peint avec habileté la fresque d’une vie provinciale où chacun s’épie et commente sans pour autant se dresser face à l’indicible, où l’entre-soi prédomine. La sensation de malaise se propage ainsi au fil de la lecture.

Et bien sûr, elle met en exergue les rouages d’une enquête menée en deux mois par des policiers avec toute leur humanité, et ceux qui les entourent, leur apportant pression ou aide selon le cas : supérieur, procureur, médecin légiste, …

J’ai beaucoup aimé Virginie Sevran et toutes ses interrogations sur sa vie, son métier et ses enjeux. Sa difficile insertion dans un nouvel environnement de vie et professionnel la rendent attachante. J’espère donc la retrouver très bientôt dans de nouvelles enquêtes.