GASTON LEROUX ou Le Vrai Rouletabille Biographie suivie de Six Histoires Epouvantables

Jean-Claude Lamy

259 pages

Éditions du Rocher, 2003

Fin de lecture 26 mai 2021.

J’ai découvert Gaston Leroux et Rouletabille, son héros reporter, à l’adolescence. Autant dire que cela remonte à loin! Mais je n’ai jamais oublié mon ressenti à la lecture de la série, même si je ne les ai ni relu ni vu aucun des nombreux films adaptant notamment Le mystère de la chambre jaune et Le parfum de la Dame en noir. Peut-être -sans doute – par peur d’être déçue par une autre représentation que celle que je m’en étais faite.

Cette biographie m’intéressait donc particulièrement et je suis ravie de l’avoir enfin sortie de mes étagères après un destockage de médiathèque et achat fin 2019 ! Elle est très courte, 87 pages seulement, car suivie par six nouvelles et une bibliographie fort utile.

Préfacé par Edgar Faure (1908-1988), jeune homme lors de sa rencontre inopinée avec Gaston Leroux (1868-1927), le livre évoque la jeunesse d’orphelin chargé de famille puis la carrière de celui qui, devenu avocat, a préféré la chronique judiciaire, le reportage aux quatre coins du monde et le feuilletonnage (avec le non moins fameux Chéri-Bibi, brigand qui s’excuse de devoir tuer, et dont je n’ai pas lu les aventures!), l’écriture de romans, pièces de théâtre et nouvelles, et l’adaptation au cinéma de certains d’entre eux.

L’auteur montre les similitudes entre l’enfance sans mère du jeune Gaston et celle de Rouletabille, orphelin qui la retrouve au cours d’une enquête. Les reportages, qui fondent la vie du personnage, sont aussi ceux de Gaston, envoyé spécial pour couvrir la révolution en Russie.

En décrivant ce que fut la vie de Gaston Leroux, c’est donc une autre époque qui s’anime, celle de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième siècle : les reporters avides DU scoop, sortant précipitamment des salles d’audience pour téléphoner les nouvelles à leur rédaction, les romans feuilletons paraissant dans les quotidiens (ou les mensuels) et qui devaient tenir en haleine le lecteur, la facilité aussi de passer d’un journal à un autre lorsqu’un désaccord éditorial survenait.

Cartésien et imaginatif, lui-même déclencheur de scoop, attaché à sa vie familiale mais ne dédaignant pas les conquêtes, Gaston Leroux était un bon vivant, dépeint ainsi par ses proches, dont ses deux enfants, Gaston et Madeleine.

L’inspiration de Gaston Leroux lui venant la nuit, il laissait reposer les idées durant quelques temps, puis démarrait sa période d’écriture. La relation par Gaston Junior des conditions mises en place par son père dans ces moments est à mourir de rire, tel cet extrait :

« L’année, elle, était tout aussitôt découpée en trois : quatre mois de réflexion, quatre mois de rédaction, quatre mois de repos. Comme mon père était un sage, il entamait régulièrement le cycle par les quatre mois de repos. »

Le reporter Rouletabille, à l’image de son auteur, est un cartésien :

« Il ne faut jamais… Jamais… Vous entendez jamais… Se baser uniquement pour raisonner sur les apparences extérieures les plus évidentes, quand ces apparences vont à l’encontre de certaines vérités morales qui sont claires comme la lumière du jour. » (extrait de Rouletabille chez le tsar)

Cette idée, comme le constate Jean-Claude Lamy qu’ « Il n’y a pas d’indice pur, toute vérité, ou mieux toute bribe de vérité, ne nous parvient que réfractée à travers une subjectivité. », c’est ce qui a prévalu dans les différentes histoires racontées par Gaston Leroux. Pas simplement dans la série des Rouletabille, qui mettait bien évidemment en exergue le fameux « bon bout de la raison », mais également dans ses pièces de théâtre et autres romans où, à chaque fois, l’auteur impose au lecteur un jeu d’apparences trompeuses (Le fantôme de l’opéra, tant adapté depuis, ou Le fauteuil hanté).

J’en veux d’ailleurs pour preuve les Six histoires épouvantables qui suivent cette courte biographie, des nouvelles qui entraînent le lecteur dans l’univers d’un Gaston Leroux inspiré et malicieux, autour majoritairement d’un cercle de vieux marins attablés à la « terrasse d’un café de la Vieille Darse, à Toulon » et qui échangent leurs contes et légendes :

La hache d’or : où comment un joli cadeau offert à une très vieille dame entraîne des confidences épouvantables… (ma préférée !)

Le dîner des bustes : où le narrateur laisse les apparences prendre le dessus sur la réalité et se retrouve alors dans une situation épouvantable….

La femme au collier de velours : où une vendetta corse ne peut finir que de manière épouvantable…

Le Noël du petit Vincent-Vincent : où l’on découvre un cambriolage sans cambrioleur et un assassinat sans assassin, avec une chute épouvantable…

Not’ Olympe : où la beauté d’une jeune femme provoque une épouvantable décimation parmi ses prétendants…

L’auberge épouvantable : où un couple de jeunes mariés visite le lieu de plusieurs crimes célèbres et épouvantables…

J’ai beaucoup aimé me replonger dans l’écriture de Gaston Leroux, je regrette cependant la brièveté de la biographie et encore plus que l’illustre écrivain, disparu soudainement trop tôt, n’ait pu confier à la postérité ses mémoires, d’homme, de grand voyageur et de connaisseur de l’âme, qui m’auraient sans aucun doute enchantée.

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