Nuit blanche

Nicolas Druart

447 pages

Pocket, 2022, Editions Les Nouveaux Auteurs, 2018

Fin de lecture 19 août 2022

J’ai rencontré Nicolas Druart lors de la parution de son deuxième livre, Jeu de dames (lu mais non chroniqué) en 2019, et ai eu le plaisir de le revoir au SMEP 2022, où il m’a dédicacé Nuit blanche, son premier thriller récompensé par le Prix du suspense psychologique 2018, que je souhaitais lire depuis longtemps.

Dans la nuit qui précède le week-end de Pâques 2017, donc dès le vendredi soir, une énorme tempête s’abat sur un petit village du Lot. Au moment de la relève du personnel de l’hôpital enfoncé entre deux collines. Les routes coupées ne permettent ni de quitter l’établissement, ni d’y parvenir. L’électricité et le réseau téléphonique ne fonctionnent plus.

Alors Julie, interne de garde, va devoir compter sur les quelques collègues qui restent : Malee et Chloé, les infirmières, Yazid et Noémie, les aides-soignants.

Cela aurait été relativement aisé, si juste avant que la tempête ne frappe, un nouveau patient au passé psychiatrique très spécial n’était pas arrivé. Accompagné par des gendarmes malgré son état de coma, l’homme est en effet défini comme le Mal incarné.

La physionomie de la nuit à venir s’en trouve alors profondément modifiée : les cadavres effroyablement mutilés s’accumulent et les catastrophes s’enchaînent, le personnel effectue les gestes habituels avec la peur chevillée au corps. Julie essaye de mener l’enquête qui tourne autour de ses collègues : un seul d’entre eux peut être le coupable, mais lequel ?

Et quel est le réel statut du mystérieux nouvel entrant ?

Entre patients quémandeurs et personnel terrorisé, la tension monte crescendo dans l’établissement aux couloirs assombris ou dévastés par les éléments et surtout sans connexion avec l’extérieur.

« II rebrousse chemin, longe un couloir, puis un autre, au rythme des hurlements séniles et des déflagrations de l’orage. Puis il sprinte. Suffoquant. Éperdument. Balaie les murs, le sol, le plafond avec son smartphone. Les cris des pensionnaires lui emplissent les oreilles, il fait noir partout, les branches fouettent les volets des fenêtres, le vent s’engouffre dans la structure, les plic ploc des fuites d’eau battent le rythme et l’aide-soignant sent la panique poindre en lui.»

Livrés à eux-mêmes, perclus de fatigue, les soignants s’envoient des piques et se suspectent tour à tour.

Voici un huis clos palpitant, que j’ai dévoré ! J’avais trouvé un indice très vite, mais sans savoir à quoi le raccrocher. L’auteur nous plonge au cœur de la tempête qui sévit au-dehors et à l’intérieur de l’hôpital, dans les relations entre les êtres, jouant avec les nerfs des personnages et ceux du lecteur. Les descriptions sont fameuses, très cinématographiques et je me suis dit qu’un film pourrait en être tiré (que je n’irais pas voir… car je déteste les films qui font peur !). Les émotions des uns et des autres sont également très bien traduites, générant des retournements dans l’enquête que mène le lecteur à travers le cheminement de Julie.

Le talent de Nicolas Druart s’exerce à plusieurs niveaux dans ce thriller psychologique : dans la conception de l’histoire complexe, dans la mise en place des personnages et dans leurs réactions face à la succession d’événements. Et en filigrane, cette question qui titille le lecteur : le Mal absolu existe-t-il vraiment ?

Un livre génial, mais à ne pas lire par une nuit d’orage !

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Il était deux fois

Franck Thilliez

395 pages

Fleuve Éditions, 2020

Fin de lecture 6 juillet 2021.

Si on ne le sait pas, rien n’indique sur la quatrième de couverture que ce roman est la suite de Le Manuscrit Inachevé, qu’il faut absolument avoir lu avant pour une meilleure compréhension de l’histoire.

La première de couverture est d’ailleurs très intéressante avec son double étiquetage, car le roman va se lire dans les deux sens.

Comme dans le précédent opus, tout commence par la narration de la disparition d’une jeune fille Julie, et de la recherche de son père Gabriel pour la retrouver. Sauf que la disparition date de 2008 et que le père se réveille dans une chambre d’hôtel en 2020, amnésique.

Or Gabriel avait apparemment beaucoup avancé dans les recherches sur la disparition de sa fille. Mais il est en disgrâce auprès de ceux qui furent ses amis et collègues : Paul, le capitaine de gendarmerie, sa femme Corinne, Louise la fille de Paul et ancienne meilleure amie de Julie.

Paul et Gabriel vont néanmoins s’allier pour découvrir la vérité qui les mènera vers le manuscrit inachevé et les informations qu’il recèle pour éclairer l’enquête sur une effroyable machination.

C’est sordide, c’est terrible, c’est inquiétant, c’est époustouflant !

Quel talent ! Car cette deuxième partie plonge le lecteur dans la réalité et lui permet de comprendre les ficelles mises en place par l’auteur dans la première, ficelles qu’il suffit juste de tirer si on « regarde dans la bonne direction ».

Des énigmes à tiroir, des anagrammes, des noms de personnages communs mais qui ne sont pas identiques, …, tout cela sur fond de thriller haletant font de ce livre et de la duologie un coup de maître. Car il sort de la logique du thriller traditionnel (disparition, meurtre, enquête) pour nous mener par le bout du nez.

A la fin de ma lecture, je suis en effet retournée dans le premier pour vérifier certains points en me disant que l’auteur m’avait bien attrapée… et que demander de plus sinon d’être surprise ?

Pour les amateurs de thriller, d’énigmes, de jeux de mots, anagrammes, cette duologie est un régal !

Le douzième chapitre

Jérôme Loubry

335 pages

Le Livre de Poche, 2020, Calmann-Levy, 2019

Fin de lecture 15 avril 2020

Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois d’avril.

Huitième livre lu dans le cadre du jury.

David est un écrivain reconnu. Son éditeur, Samuel, est un ami d’enfance. Un très bon ami, même.

Car ils ont passé tous les deux leurs vacances dans le centre appartenant à la société qui employait leurs parents.

Jusqu’à la disparition, en 1986, d’une petite fille, Julie, dont ils avaient fait la connaissance sur la plage.

Aux prémices d’un amour d’enfance ont

succédé les regrets. Car nul n’a jamais su ce qu’il était advenu de l’enfant.

Mais trente ans plus tard, David et Samuel reçoivent chacun un manuscrit, relatant leur partie de l’histoire de cette année maudite. Ils essaient de trouver le mystérieux auteur des envois, ainsi que le troisième larron qui semble également être impliqué. Car ils sont identifiés par leur mystérieux expéditeur comme le sourd, le muet et l’aveugle, que les fantômes de leur passé commun viennent hanter.

Cela devient vite une obsession pour David, qui délaisse son travail et sa compagne pour se replonger dans le passé. Il doit se presser, car le dénouement interviendra à la lecture du fameux « douzième chapitre ».

C’est le premier livre de Jérôme Loubry que je lis, et si je conviens que la construction peut être intéressante, j’ai très rapidement trouvé les tenants et aboutissants de l’histoire, qui ne m’a donc plus passionnée. Le début était prometteur, mais comme j’avais deviné la suite, j’ai avancé très vite pour vérifier quelques détails.

Peut-être la faute à de trop nombreuses lectures de polars/thrillers qui me font chercher – et quelquefois trouver – midi à quatorze heures… Cela ne restera donc pas un souvenir impérissable pour moi, mais pourrait intéresser des lecteurs moins « aguerris ».

Sur l’écriture, par contre, j’ai bien aimé le parti pris de l’alternance des passé/présent/manuscrits différents, ainsi que les émotions ressenties par David enfant comme adulte : confronté à un beau-père qu’il déteste, habité d’une peur viscérale engendrée par la tension des aduites craignant de perdre leur emploi, la lumineuse apparition de la petite fille est une parenthèse bienvenue pour le petit David. Et lorsque devenu adulte, il reçoit le manuscrit, toute la protection psychologique qu’il a construite s’envole pour laisser place au stress, à l’angoisse de n’avoir pas pu empêcher la disparition de Julie.

Citations

« Vous allez être trois à recevoir ce récit. Trois personnages qui se sont rendus coupables, bien que de manière différente. »

« Elle se tenait debout, fière et conquérante, défiant leur silence et leur incrédulité, les poings posés sur ses fines hanches. Ses cheveux blonds avaient été rassemblés en une queue-de-cheval qui dévoilait la ligne parfaite de son cou. »

« Tu trouves ça bien, toi, que le fait de lire ces pages me trouble au point de ne plus pouvoir dormir ? Tu trouve ça bien que Sarah soit partie de la maison pour la simple et bonne raison que revivre tout se passé m’empêche d’interagir avec mon présent ? Tu trouves peut-être ça bien que je me torture à essayer de comprendre pourquoi nous avons été incapables de la protéger ? »