L’art de ne pas être grand-mère

Un titre facétieux en référence au fameux recueil de poèmes
L’art d’être grand-père de Victor Hugo ©CF juin2021

Agathe Natanson

123 pages

Calmann-Lévy, 2016

Fin de lecture 14 juin 2021.

L’annonce d’une grossesse par sa propre fille fait plaisir certes, mais elle engendre aussi des réflexions contradictoires :

« Ça ne prévient pas, ça arrive un beau jour, ou peut-être une nuit, dans mon dos, on m’a conçu un enfant. (…) Je suis un peu perdue, heureuse sûrement, ma fille l’est et cela suffit à me rassurer et à me réjouir.

Mais, (…) je ne veux plus grandir, et être grand-mère, c’est grandir encore plus – j’ai peut-être peur de ne pas y arriver. »

Dans cette succession de courtes missives écrites pour elle-même, à l’intention de ses proches, à Victor Hugo (auquel son titre fait évidemment référence) ou à de parfaits inconnus, Agathe Natanson interroge donc avec humour la transformation qui s’opère lorsque, du statut de mère, une femme passe à celui de grand-mère. D’autant qu’aujourd’hui, les femmes bourdonnent d’activités et se sentent jeunes très longtemps : comment donc concilier son âme de toujours enfant avec cette nouvelle donne familiale ?

Et puis comment se faire appeler ? Mamie, Grand-mère, Granny, Mémé ?

Comment jouer à être cette aïeule quand on n’a pas vraiment de référence, du fait de la disparition trop tôt de la sienne ?

Comment, plus tard, composer avec ces espaces-temps impartis par les enfants devenus grands et qui décommandent au dernier moment la mamie ravie d’accueillir ses petits ?

Au fur et à mesure de ces réflexions épistolaires, et de son apprentissage, la grand-mère prend toute sa place, et en redemande.

C’est drôle, tendre, plein de bon sens, plein de réalisme aussi face à ces bouts-de-chou qui modifient le trajet de vie pour un très grand bonheur : grandir encore et toujours en ouvrant davantage son cœur…

Un ouvrage à offrir à toutes les futures jeunes grand-mères !

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Fleur de cadavre

Ann Mette Hancock

Traduction de Caroline Berg

410 pages

Le Livre de Poche, 2020, Éditions Albin Michel, 2018

Prix de la révélation du polar Danois 2017.

Fin de lecture 1er juillet 2020

Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois de juillet.

Treizième livre lu dans le cadre du jury.

Danoises, Heloise Kaldan et Anna Kiel ne se connaissent pas.

A priori, elles n’ont rien en commun.

D’autant qu’Heloise est journaliste à Copenhague et qu’Anna est en fuite après avoir égorgé un avocat trois ans plus tôt.

Mais Anna écrit à Heloise des lettres dont le contenu, et notamment la citation récurrente qui les conclut « Puisqu’on me prive de ta présence, Héloïse, donne-moi au moins par tes mots la douce essence de ton être », éveille son intérêt, engendrant un face-à-face à distance.

Sa curiosité aiguisée, Heloise va donc chercher à savoir de quoi il retourne, rouvrant l’enquête sur le meurtre perpétré par Anna, parfois au péril de sa vie.

De Copenhague aux prisons françaises, Heloise va devoir également se pencher sur son propre passé, et renouer avec un père dont elle renie jusqu’à l’existence.

Et comme Heloise a dû se confier à la police, l’inspecteur Erik Schäfer et sa collègue Lisa Augustin se lancent dans des recherches approfondies sur les liens qui peuvent exister entre les deux jeunes femmes et le meurtre.

Les personnages sont assez intéressants et attachants, notamment ceux d’Heloise, dont la ténacité fait avancer l’histoire, et de l’inspecteur Schäfer, amoureux transi de sa femme caribéenne.

Une plongée dans l’histoire ancienne, dans la littérature, agrémente le propos.

Et j’apprécie toujours de découvrir une nouvelle autrice danoise, dont l’écriture est fluide et teintée d’humour.

Pour autant, ça n’est pas le polar aussi fort et avec autant de suspense auquel je m’attendais, sans doute parce que j’avais compris la majeure partie de l’intrigue, même si je ne disposais évidemment pas de tous les tenants et les aboutissants.

Il reste que je l’ai lu très vite, gage de mon impatience à vérifier mes déductions, et que ce fut un divertissement agréable.

Citations

« La lettre n’était pas très longue.

Elle ne contenait que quelques lignes d’une écriture soignée, mais ses mots lui asséchèrent la bouche et firent couler dans sa poitrine un torrent glacé. »

« Le job d’Héloise était de trouver une histoire et de la raconter, et elle savait qu’en donnant la lettre à la police, elle était sûre de ne jamais la revoir. (…) D’après ce qu’elle avait pu voir dans la presse, il y avait un moment qu’il ne s’était rien passé de nouveau dans cette affaire et cette lettre serait probablement la première nouvelle piste depuis longtemps.

Elle était obligée de la donner à la police. Elle relut ses notes pour trouver le nom de l’inspecteur chargé de l’enquête qu’elle avait vu cité à plusieurs reprises.

Elle écrivit dans son calepin : inspecteur Erik Schäfer, police criminelle de Copenhague (…).»