
Frédérique Voruz
203 pages
HarperCollins, collection Traversée, septembre 2022
Fin de lecture 12 octobre 2022
Je remercie Babelio et les éditions HarperCollins pour m’avoir adressé cet ouvrage dans le cadre d’une Masse critique privilégiée.
Au début, on pourrait penser que Lalalangue conte l’histoire vraie d’une femme brisée par un accident terrible dans lequel elle perd ses jumeaux, des garçons, et une de ses jambes. Elle ne s’en remettra jamais. On ne peut qu’éprouver de l’empathie pour elle.
Mais ce livre explore surtout les conséquences de ce drame sur l’entourage de cette femme, ce qui change radicalement le regard que l’on peut porter sur elle.
En effet, au lieu de reporter son amour perdu sur ses autres enfants, elle va s’acharner sur eux, et surtout sur les filles.
Frédérique, la dernière de la fratrie, raconte les humiliations, les mauvais traitements, la honte face aux camarades, aux voisins. Le mysticisme particulier de la mère effrayante qui préfère s’entourer de clochards – car il faut faire le bien ! – que de s’occuper de ses propres enfants.
C’est sa religion personnelle qu’elle met en place, avec ses rites et surtout ses règles restrictives. Désordre et saleté innommables en sont les maîtres-mots, malnutrition voire dénutrition, voire pire…
Le père ne pèse pas face à la volonté de son impétueuse épouse.
Et lorsque Frédérique essaye de sortir de cette famille destructrice, évidemment par ses seuls moyens, elle en est empêchée :
« Elle s’acharnait à minutieusement détruire tout ce que je m’échinais à construire. Venant me rappeler d’où je venais. Que je lui appartenais. J’étais mortifiée en la voyant saper mes efforts démesurés pour m’éloigner de l’avenir tragique qu’elle me destinait. »
C’est uniquement par elle-même et avec le soutien d’un de ses frères que Frédérique Voruz parviendra à changer le cours de sa vie, à modifier la portée du langage familial. En construisant sa carrière de comédienne, en jouant la pièce de sa vie et en en rédigeant les pages qui en sont le reflet.
« Être née dans cette famille était une anomalie que je prenais soin de corriger.
Me « faire un nom ». Un nom qui me soit propre. Un nom propre. J’avais besoin de nettoyer un nom sali par l’histoire de ma famille. Un nom qui soit détaché de la crasse dans laquelle nous grandissions. Acquérir une renommée pour me re-nommer.»
J’avais très envie de lire ce livre, dont le titre m’avait attirée. J’ai dévoré ses courts chapitres, sans m’arrêter. Terrifiée par ce récit, les larmes aux yeux la plupart du temps, un sourire esquissé lorsque l’auteure évoque les réactions de sa thérapeute à qui elle se confie. Émue par les dessins tracés par cette survivante en illustration de son enfance malheureuse.
J’ai eu plus de mal à écrire cette chronique. Car en fait, il faut juste lire ce livre : pour comprendre ce qui se cache derrière certains murs, mais aussi qu’il est possible de s’échapper de l’emprise de parents maltraitants physiquement et psychiquement.
Un témoignage poignant.