Le pensionnat des innocentes

Angela Marsons

456 pages

Pocket, 2021, Belfond, 2018

Sélection Prix Nouvelles Voix du Polar 2021

Fin de lecture 17 juillet 2021

Je remercie les Éditions Pocket pour m’avoir adressé ce livre dans le cadre du jury Prix Nouvelles Voix du Polar 2021, en compétition avec Une famille presque normale de M. T. Edvarsson.

« Bienvenue au Pays noir, dans une région engloutie par la désindustrialisation, le chômage et le charbon, là où tout n’est que poussière… »

La quatrième de couverture donne le ton de cet ouvrage. Et pour ne rien arranger, dans ce paysage géographique et social peu engageant, un tueur sévit. Plusieurs personnes sont violemment assassinées en l’espace de peu de temps. Leur point commun ? Le pensionnat de Creswood. Un lieu désormais abandonné, dans lequel dix ans auparavant, des jeunes filles étaient placées en raison de la déficience de leurs parents. Un pacte forgé pour le malheur.

Au poste de police d’Halesowen, l’équipe de l’inspectrice Kim Stone, composée de Bryant, Kev Dawson, Stacey Wood, doit mener l’enquête. Cette policière aux méthodes peu orthodoxes, qui trépigne d’impatience face aux lenteurs administratives, est souvent dans le collimateur de son chef l’inspecteur principal « Woody » Woodward.

Très solitaire, pleine d’ambiguïtés – entre rudesse apparente et empathie bien cachée – Kim est un personnage très attachant que l’on apprend à connaître au fur et à mesure de l’avancée de l’enquête.

« Kim savait qu’on la disait froide, asociale et insensible, mais cette image dissuadait les gens d’échanger des banalités avec elle, et cela lui convenait parfaitement. »

Ses rapports amicaux avec Bryant, qui couvre ses arrières, ses relations avec les consultants et les suspects sont souvent empreints d’humour et corrosifs. Et sa passion pour les motos, un monde à part.

L’enquête en cours touche particulièrement Kim au regard de son propre passé, et elle est d’autant plus attachée à dévoiler la vérité. Car des fouilles menées auprès de l’ancien pensionnat mettent à jour des corps… Quel lien entre les assassinats d’aujourd’hui et les morts d’hier ?

J’ai beaucoup aimé ce livre. L’écriture est alerte, sans temps mort, le suspense se maintient jusqu’au bout, les explications sont cohérentes avec l’ensemble. Les descriptions tant des lieux que des personnages et les dialogues sont plein d’humour.

« La ville s’en défendait, mais c’était là que vivaient les familles expulsées des autres logements sociaux du secteur. La somme des années de prison accumulées par la plupart des habitants devait égaler les années de présence de l’humain sur Terre. »

« Striée de petits vaisseaux éclatés, la peau de Connop ressemblait à une carte routière. (…) Il ne s’était pas rasé depuis plusieurs jours et les rides de son front paraissaient ne jamais s’estomper. À en juger par leur profondeur, l’homme devait déjà être contrarié à la naissance. »

Et au regard de la post-face, l’autrice semble vouloir conserver le personnage de Kim pour d’autres livres : je serai ravie de découvrir la suite de ses aventures !

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Mamie Luger

Mamie Luger et son chat noir…
Copyright CF 19 juin 2020

Benoît Philippon

380 pages

Les Arènes, 2018, Le Livre de Poche, 2020

Sélection 2020 Prix des lecteurs du Livre de Poche, mois d’avril.

Sixième livre lu dans le cadre du jury.

Fin de lecture 4 avril 2020.

Une frêle dame de cent deux ans. Son crime a été de transpercer la fesse de son voisin d’un coup de pistolet.

Oui mais pas n’importe quel pistolet : un Luger. Un modèle allemand, arme de précision. De prime abord, pour l’inspecteur Ventura, l’affaire judiciaire sera vite bouclée ! Mais c’est sans compter la logorrhée de Dame Berthe, placée en garde à vue pour la vile agression, qui va dérouler sa vie en forme de confession.

Et son existence n’a pas été bien rose tout au long du vingtième siècle et en ce début de vingt et unième !

Durant ce face à face désopilant d’une journée entre le policier las et la vieille dame, se dessine le portrait d’une femme pleine de gouaille, truculente, féministe avant l’heure, qui a refusé de s’en laisser conter par les hommes qui l’ont croisée. Sous son apparence dureté, on devine la tendresse et le romantisme, les failles de l’enfant mal-aimée qui a voulu se débrouiller au mieux dans l’adversité.

Benoît Philippon écrit un polar très différent du genre habituel, car le lecteur connaît d’emblée la coupable sans pour autant en imaginer les crimes. L’écriture est très drôle, l’alternance du présent et du passé donnent du rythme à ce récit. Je ne me suis pas ennuyée une seconde dans cette litanie de meurtres qui font de Mamie Luger une tueuse en série à laquelle on s’attache malgré soi.

Les mots et les tournures à la Audiard m’ont ainsi charmée et fait passer un très bon moment de lecture… et une fois le livre refermé, Mamie Luger m’a encore accompagnée quelques temps.

Un coup de cœur !

Citations

« Je ne me saoules pas, je m’énivre pour libérer mon esprit et chercher l’inspiration dans l’évanescence.

Ouais, ben quand tu rentres avec ton haleine de poivrot, et que tu vomis dans l’escalier, l’évanescence, c’est moi qui me la coltine à la serpillière. »

« Dès qu’une femme cherche à faire valoir ses droits, vous la ramenez aux serviettes hygiéniques. C’est bas, vil et stérile. »