
Robert Pobi
Traduction de Mathilde Helleu
428 pages
Éditions Points, 2022, Equinox – Les Arènes, 2020
Fin de lecture 23 juin 2022.
Il y a une dizaine d’années, j’avais lu l’excellent thriller de Robert Pobi L’Invisible, qui m’avait marqué. J’ai donc été ravie de découvrir ce nouveau roman, évoqué par une participante du groupe de lecture que je fréquente.
C’est un homme diminué physiquement mais aux capacités intellectuelles hors du commun auquel le FBI fait appel quand un des siens est abattu par ce qui ressemble à un sniper. Lucas Page est professeur à l’université, mais surtout ancien flic, auquel le syndrome d’Asperger octroie un potentiel de calcul phénoménal… inversement proportionnel à ses qualités relationnelles ! Son ancien chef lui demande donc de revenir, car en plein New-York, juste avant les vacances de Noël, dans le froid et dans la neige, l’insaisissable assassin réitère, un autre policier, puis un surveillant pénitentiaire : les agents fédéraux sont sur les dents.
« En ces circonstances, faire preuve de prudence n’était pas seulement logique, c’était essentiel : quand on y pense, rien n’est pire que de pourchasser un homme armé d’un fusil dans une ville pleine de fenêtres. »
Lucas est exceptionnel, son combat pour la survie l’est aussi. Les conventions, il s’en moque – ce qui donne quelques dialogues savoureux -, son but est de rentrer au plus tôt chez lui auprès de sa famille. Associé à l’agent Withaker, dont l’intuition l’intrigue – elle répond aux questions de Lucas avant même qu’il ne les pose – le professeur devenu consultant mène l’enquête contre un assassin particulièrement doué pour effacer ses traces.
Ses capacités hors normes et la pertinence de ses découvertes, même si ses manières déplaisent à certains, en font un atout majeur pour le FBI. Et pas question de toucher à sa famille : les neurones du professeur enclenchent alors des rouages inédits !
C’est un livre que j’ai dévoré : l’intrigue, le duo attachant des personnages atypiques Lucas et Withaker, l’humour ravageur, les arcanes de la politique, les descriptions de New-York et autres coins enneigés forment une base solide de très bon roman policier, premier d’une nouvelle série de Robert Pobi. Certains points m’ont fait penser à la série télévisée « Numbers », qui met en valeur la résolution d’enquêtes criminelles grâce à de savants calculs.
Mais au-delà de l’intérêt purement littéraire, ce livre est porteur de réflexions sur la prolifération d’armes aux États-Unis : je l’ai fini très exactement le jour où la Cour Suprême a autorisé le port d’armes de poing en public dans l’Etat de New-York. Jusqu’alors, seule la détention à domicile à titre de défense y était autorisée pour tout citoyen lambda, les seuls habilités à en porter en public étant majoritairement les personnels affectés à la sécurité.
Forte de ma lecture, je n’ai donc pu réprimer un frisson à l’énoncé de cette décision, en écho à cette réflexion de Lucas :
« Vouloir armer tous les citoyens n’avait aucun sens, mais les marchands de mort travaillaient sans relâche pour convaincre les Américains du contraire, au mépris de tous les chiffres. Ce n’était pas une question de sécurité, c’était une question d’argent. Ils pensaient s’offrir la tranquillité ; c’était la mort qu’on leur vendait. »
Ce formidable thriller démontre, s’il en était besoin, les ravages et les conséquences du trafic d’armes.