Histoires pour distraire ma psy

Jean-Louis Fournier

188 pages

Éditions Anne Carrière, 2007

Fin de lecture 13 août 2022

De Jean-Louis Fournier, je possédais quelques livres et en avais lus d’autres.

Ses petites histoires parlent directement au cœur des âmes sensibles.

Dans ce livre, il rapporte les histoires qu’il a – prétendument – racontées à sa psychanalyste pour la faire rire.

Il y commente aussi les réactions de la praticienne et ses propres réflexions sur elle, le transfert aidant.

Bien sûr, il y a des drames et les histoires sont majoritairement tristes (plusieurs relatives au suicide), voire terribles pour certaines. Ni la psy ni lui-même ne sont dupes : le narrateur y raconte ce qu’il ressent. Ainsi, certaines histoires font référence à d’autres facettes de l’auteur-réalisateur (Allô, c’est la Noiraude – L’oiseau vertigineux).

Sur deux ou trois pages en général, il dépeint un personnage, une situation, qui fait sourire ou pleurer. Il joue avec les mots – Lettre envoyée le 5 août en est un bel exemple -, avec les émotions, avec l’absurde (Interdit de mourir, Peur de déranger), de façon parfois crue mais surtout poétique (L’inconsolable, La villa malade)… parce que c’est bien souvent Le rire qui sauve.

J’ai eu plaisir à lire ce recueil d’une cinquantaine d’historiettes qui correspondent aux consultations tenues durant une année. J’y ai retrouvé ce que j’aime chez cet auteur, son impertinence, son écriture précise et son vocabulaire, l’art de dessiner les êtres avec des mots.

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Histoires de rencontres

Maeve Binchy

247 pages

Presses de la Cité, 2000

Fin de lecture le 24 juin 2022

Comme une petite nostalgie, revenir vers une auteure que j’ai beaucoup aimée il y a une vingtaine d’années, qui m’a fait voyager au cœur de l’Irlande avec sa saga autour d’un joli restaurant.

J’ai donc découvert par hasard ce recueil de dix nouvelles autour des rencontres que chacun peut faire, et qui peuvent modifier le cours d’une vie.

De l’épistolaire « Voyage de retour » à « Vacances avec mon père », Maeve Binchy explore les petites failles du quotidien, les mesquineries ou les choix personnels qui ont conduit certains de ses personnages à s’oublier. Un peu de tristesse, d’humour, de désillusion, d’espoir. Tout est finement observé, disséqué, dans ces nouvelles qui donnent à réfléchir. Car c’est LA rencontre, voire même la seule observation chez autrui de ce que pourrait être sa vie qui peut amener à tout bouleverser, les amours comme les amitiés, pour le meilleur… ou pour le pire !

Voyage de retour

Gina séjourne en Irlande, pays natal de sa mère Freda. Elles échangent par courrier leurs frustrations et la jeune femme découvre les secrets de sa mère.

La valise

Échange de valises… coup classique à l’aéroport. Mais le contenu d’une valise peut parfois receler autant de secrets qu’un journal intime, au grand dam d’Annie et Alan !

Les vacances de Melle Vogel

Melle Vogel est très très efficace. Depuis toujours. Trop sans doute. Car après avoir élevé sa fratrie, elle s’est oubliée dans son emploi de gardienne d’immeuble, devenant la confidente de beaucoup, et rendant service à tous. Il est donc grans temps que Melle Vogel pense à prendre des vacances !

Ma nouvelle préférée.

La gardienne

Maura aurait dû écouter son pressentiment… accueillir une jeune femme pleine d’entrain dans un quotidien trop routinier ne pouvait engendrer que des dégâts…

Voyage organisé

Un tout petit grain de sable, d’une plage pourtant jamais fréquentée, ni par Shane, ni par Moya, va se glisser dans la parfaite organisation de leur voyage…

L’apprentissage

Quand sortir de sa classe sociale pour se hisser vers les sommets n’apporte pas pour autant le bonheur attendu…

Voyage d’affaires

Lena se meurt d’amour pour son collègue Shay qui ne la regarde pas… Un petit voyage d’affaires pourrait bien changer la donne, grâce aux bons conseils de Maggie !

La traversée

Deux familles se rencontrent et discutent sur le bateau qui les transporte d’Irlande en Angleterre… puis se séparent.

« Leurs chemins s’étant croisés par un jour ensoleillé et une mer bleue, elles bavardèrent comme le font tous les passagers d’un bateau, laissant croire aux mouettes qu’ils vont rester amis pour la vie. »

Chapeaux de femmes

Une jolie croisière, des passagers haut-en-couleurs, un commissaire de bord a priori très libre, mais dont les préjugés vont être mis en exergue…

Un peu de piment

Une petite vie bourgeoise dont certains protagonistes voudraient s’échapper, le temps d’une soirée, d’une nuit, d’un instant… mais le hasard est malicieux…

Un temps idéal

Frankie se trouve dans une situation fort inconfortable : maîtresse d’un homme marié, elle ne vit que pour leurs instants partagés. Et sa joie de le retrouver est ternie, car leur semaine de vacances prévue au soleil de Provence se mue en séjour quasi solitaire dans un hôtel isolé de l’ouest de l’Irlande. Mais l’Atlantique pourrait bien réserver des surprises !

Victor et la Saint-Valentin

Quand un homme profondément romantique est éconduit systématiquement par ses prétendantes, il perd la foi… mais pas sa gentillesse. Accompagner un vieille dame en Australie pourrait lui redonner un peu de joie… voire plus !

La croisée des chemins

Un homme, une femme. Deux cabines téléphoniques, une cabine d’avion. Deux êtres meurtris, qui échangent des banalités mais rien de profond. Education, timidité. Mais le destin pourrait bien choisir à leur place…

Vacances avec mon père

Rose observe une femme et son père à la gare Victoria. Elle se prend à penser à sa propre relation avec son père. Comme elle serait heureuse de voyager avec lui ! Et si elle le lui proposait ?

Digital way of life

Estelle Tharreau

153 pages

Taurnada Éditions, juin 2022

Fin de lecture 13 juin 2022

Je remercie les Éditions Taurnada pour m’avoir adressé ce recueil de nouvelles en format… numérique !

D’abord un point sur la couverture : magnifique ! Elle représente parfaitement les points abordés dans ce livre, l’hyper connexion, et son influence sur notre façon de penser.

Estelle Tharreau s’est appuyée sur nombre d’articles de presse et d’études scientifiques pour montrer que ce qui pouvait sortir de son imagination n’était finalement pas si inconcevable que cela. Notre ère numérique est une formidable source de progrès technique et s’accompagne de meilleurs moyens, cependant, l’outrance pourrait bien mener l’humanité à une rétrogradation, voire sa perte.

J’ai beaucoup aimé ce recueil de nouvelles, ancrées dans notre présent mais avec une projection vers un avenir plus ou moins proche qu’il nous appartient de modeler immédiatement, s’il en est encore temps… car c’est terrifiant !

1. Pathologique

Un futur dans lequel le langage appauvri devient la norme, où les livres sont bannis au profit du tout-numérique : Milo, un jeune garçon amoureux des mots et de leur richesse, est mis au ban de la société … ça fait froid dans le dos !

« Les livres, le papier, les crayons sont des réflexes primitifs encore “normaux” à cet âge et qu’il devrait rapidement perdre. »

2. Virtualité réelle

“La liberté virtuelle… est la clé d’une réalité apaisée”, tel est le slogan de cette ville qui ne jure que par l’informatique, le codage et les masques de réalité virtuelle. Mais c’est surtout un prétexte pour commettre toutes les exactions possibles derrière la confortable et sans risque barrière virtuelle. Si celle-ci venait à tomber, que se passerait-il ? Une nouvelle très très violente.

3. Aveuglement amoureux

Un accusé, un avocat, un juré et un juge confrontés à un logiciel programmé pour délivrer un verdict sur la base de statistiques.

Quand l’algorithme rencontre la justice… la psychologie humaine n’entre plus en ligne de compte.

Pourtant, le juré s’interroge :

« Je veux juste savoir si l’aveuglement amoureux est une variable prise en compte dans votre logiciel… Après je validerai en mon âme et conscience. »

Une nouvelle pleine d’humour, mais profondément angoissante pour notre avenir. Ma préférée, sans doute parce qu’elle pousse à l’extrême l’ironie de la situation et titille mon sens de la justice.

4. Inhumains

Quand médecine et progrès se confondent, que reste-t-il de l’être humain ? Et l’abus d’un concerne-t-il tous les autres ?

Une réflexion philosophique intéressante à l’heure des fantastiques avancées scientifiques des dernières décennies.

5. Automatique

Si comme moi vous détestez le « bip » répétitif du fin de cycle de votre lave-linge ou de votre lave-vaisselle, si vous appréciez cependant quelques rappels enregistrés dans votre smartphone, alors cette nouvelle vous fera frémir : assistance oui, mais jusqu’à quel point ?

6. Éternité

Le vœu ultime : vivre éternellement. Mais oups ! Une éternité binaire, très peu pour moi !!!

7. Profil

Vérifier ce que l’on écrit ou publie sur les réseaux s’avère être une précaution primaire, mais faut-il remonter à sa plus tendre enfance ?

Où le principe de précaution est poussé à l’extrême…

8. Bouton rouge

Effacement des références versus théorie du complot : qui croire lorsque plus rien ne subsiste ?

9. Harceleuse

Quand la loi du grand nombre se heurte à la volonté d’un seul, qui gagne ?

10. La trappe

Sauver l’humanité ou ce qu’il en reste. Oui, mais à quel prix ?

Le concept de survivalisme sectaire poussé à son paroxysme.

Scène de crime

Maud Tabachnik

309 pages

De Borée, 2018

Fin de lecture 8 août 2021.

Pour découvrir l’univers noir de Maud Tabachnik, j’ai choisi un recueil de dix-sept nouvelles qui tournent autour de la justice et du crime.

Assez féministes, les histoires se déroulent dans différents pays, au présent comme dans un monde imaginaire. L’autrice exploite des situations sociales, politiques ou idéologiques pour placer ses personnages devant des choix sordides.

J’ai beaucoup aimé l’écriture, qui a rendu très « visuels » et enlevés ces courts récits. Elle amène le lecteur à s’attacher ou à détester rapidement certains protagonistes, et si l’action est mise en exergue, la psychologie n’est pas en reste.

Je regrette cependant sur cette édition de nombreuses fautes typographiques qui altèrent la lecture. Mais au regard de son imagination fertile et de sa belle plume, j’aurai plaisir à me pencher sur des ouvrages plus étoffés de l’autrice.

La maison au fond des bois pp 7-43 : Un passé douloureux se croise avec le présent, autour d’une petite fille courageuse et un rien inquiétante…

Une femme ordinaire pp 45-72 : Etats-Unis : Le fait d’être confrontée à une situation extraordinaire modifie le cours de la vie d’une femme ordinaire. J’ai beaucoup aimé cette nouvelle.

Le petit timonier pp 73-78 : Chine : Où l’ignorance confine à l’absurdité et à la violence… jusqu’à nier les liens filiaux.

En attendant le bonheur pp 79-114 : France : Bienvenue dans un charmante ville où tout le monde est affable, sans stress…

Dieu reconnaîtra les siens pp 115-127 : Palestine : Quand dévotion et perfidie se rejoignent pour le pire…

Équateur pp129-148 : Au Zaïre, entre traditions et désir de s’émanciper…

Explosions pp 149-158 : Egypte : Un contexte explosif, une jeune fille arrachée à ses parents pour une cause dont ils ne souhaitent rien.

Deux sur la banquise pp 159-172 : Groenland : Deux hommes, un ours, une passion, une rivalité…

L’enfer maman pp 173-181 : Italie : Où une jeune fille souhaite garder l’exclusivité…

Ressources humaines pp 183-210 : France : Un homme, trois femmes, une résistance…

Natacha pp 211-219 : Russie : Mafia de la prostitution et empathie ne font pas bon ménage. Une chute inattendue.

Paris au mois de mai pp 221-228 : France (Une évidence au regard du titre) : Crimes commandités dans l’univers feutré du luxe. Ma nouvelle préférée !

Scène de crime pp 229-245 : Un crime sordide dans un monde inconnu… ou peut-être pas si inconnu que cela !

Un heureux événement pp 247-258 : Où une vie bienheureuse peut basculer pour un tout petit quelque chose …

Tous comptes faits pp 259-270 : Quand les envies des uns heurtent celles des autres.

L’héritière pp 271-294 : Machination et faux-semblants pour parvenir à ses fins.

Fin de parcours pp 295-302 : Une chute excellente ! Et quelques clins d’œil à la première nouvelle…