Infantilisation

Cet Etat nounou qui vous veut du bien

175 pages

Mathieu Laine

Presses de La Cité, janvier 2021

Fin de lecture 28 février 2021

J’ai vu une interview de Mathieu Laine lors de la sortie de son livre, et ses propos m’avaient intéressée au regard de la gestion de la pandémie, différente selon les pays. Ce qui m’avait particulièrement attirée était son regard de professeur en humanités politiques, au-delà des pseudo-spécialistes qui se succèdent sur les plateaux de télévision.

J’ai donc été ravie lorsque j’ai reçu cet ouvrage, adressé dans le cadre de la masse critique de février 2021, et j’en remercie Babelio et les éditions Presses de La Cité.

Sur la forme, j’aime bien le format 12 x 21 cm du livre, édité dans la collection « LA CITÉ », dont l’ambition est d’élargir le regard du lecteur et de poser les bonnes questions, « même si elles dérangent ».

La tétine à moustache qui orne la couverture donne déjà à penser sur le traitement du sujet.

Le livre de Mathieu Laine est donc un court essai, dans lequel il interroge la gouvernance de la pandémie par la France, et au-delà, par l’ensemble des sociétés. Il part du postulat que cette gestion résulte des années d’ancrage d’une administration hantée par des lourdeurs et une intensification des normes. Celles-ci ont d’ailleurs été encore plus renforcées dans le cadre de la pandémie, réduisant peu à peu les libertés individuelles.

« (…) le pire serait toutefois, après avoir vécu un tel traumatisme, de n’en tirer aucun enseignement. »

Il s’agit donc d’une réflexion qui conduit à remettre en question les systèmes actuels, ce qu’il avait déjà opéré lors d’un premier ouvrage en 2006, en chantre de la défense de ces libertés.

Pour dénoncer les Etats trop ou mal présents, il s’appuie d’ailleurs dans cet ouvrage très documenté sur des auteurs et théories actuels, mais également sur des thèses formulées par Toqueville, Nietzsche ou sur différents ouvrages de littérature de référence, de La Peste à La guerre de Troie n’aura pas lieu, en passant par Philippe Roth.

Il démontre que l’enjeu du « Bien faire » originel peut ainsi aller à l’encontre des libertés revendiquées par les citoyens, mais que ceux-ci sont malgré eux à la recherche de telles limites : « En nos contrées, c’est vers l’Etat que chacun se retourne dès qu’un risque, quelle qu’en soit la nature, se réalise. »

La recherche de la protection de « l’Etat-nounou » a ainsi entraîné selon lui un précautionnisme renforcé, « religion de la protection absolue et du risque zéro », son corollaire étant une pénalisation accrue envers les décideurs. D’où une spirale infernale dont l’Etat-centralisateur ne saurait sortir vainqueur, eu égard aux manifestations d’hostilité des citoyens entravés et aux enjeux électoraux omniprésents.

L’auteur souligne ainsi le risque de dérive liberticide si les mesures réductrices mises en place en temps de crise venaient à perdurer à l’issue de celle-ci. Il en veut pour preuve la pérennisation des drones en Chine. Il appelle donc chacun à réfléchir à ce qu’il attend de l’Etat, au risque de lui confier plus de rênes que prévu initialement.

Mathieu Laine plaide enfin pour un Etat recentré sur certaines thématiques, plus facilitateur que moralisateur, largement ouvert aux initiatives individuelles, facteur de progrès économique et social.

Si j’ai lu avec intérêt cet essai, j’ai à plusieurs reprises regretté que Mathieu Laine n’y ait pas approfondi son propos – sans doute ne serait-ce alors plus un essai mais une étude, j’en conviens aisément ! Mais certains points méritent à mon sens d’être précisés, notamment sur toutes les mesures prises par les différents Etats durant la pandémie (en mars-avril 2020, le bâchage de certains produits dans les magasins était bien plus rigoureux en Suisse qu’en France, les conditions de confinement en Italie ont été les plus draconiennes après la Chine et les amendes pour sorties interdites bien plus élevées qu’en France, …), et un comparateur sur l’évolution de ces mesures et leurs conséquences à long terme. Gageons que cela fera l’objet d’un futur ouvrage, rétrospectif et évaluatif, nécessaire pour tirer expérience et ne pas reproduire – ou laisser perdurer – des agissements que l’auteur juge inopportuns.